Les deux présidents Emmanuel Macron et Donald Trump se connaissent bien. Cela peut être un atout, mais pas nécessairement. Parmi les dirigeants des grands pays de l’Union européenne, le dirigeant français est le seul à avoir eu l’expérience du milliardaire installé dans le Bureau Ovale. Le chef de l’Etat avait même joué, du moins dans un premier temps, sur ses liens personnels avec son homologue américain, pour tenter de le séduire. Cela a donné lieu à de grandes déclarations d’amitié, et l’hôte de la Maison Blanche n’a pas tari d’éloges sur le « cher Emmanuel « . Les résultats furent très maigres, et François Hollande se moqua du « séductarisme » de son successeur à l’Élysée. Mais cela valait la peine d’essayer, d’autant plus que Donald Trump entretenait de terribles relations avec la chancelière allemande Angela Merkel, ainsi qu’avec la Première ministre britannique Theresa May.
Emmanuel Macron pourrait ainsi se poser en leader par défaut de l’ordre libéral international et d’une certaine idée du lien transatlantique, pour tenter d’influencer son homologue américain et limiter les dégâts d’une présidence qui s’annonçait déjà si disruptive. imprévisible et potentiellement destructeur pour les alliances et les traités. Cela n’a pas empêché l’administration Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le climat ou de l’accord de Vienne, qui visaient à établir un contrôle international sur le programme nucléaire iranien.
Le point d’orgue de cette relation fut la visite officielle d’Emmanuel Macron à Washington en avril 2018. Une pousse de chêne, prélevée sur un champ de bataille de l’Aisne où les Marines se sont illustrés lors de la Première Guerre mondiale, a été plantée sur la pelouse de la Maison Blanche. Quelques mois plus tard, l’arbuste est mort. Un très mauvais présage.
Macron, un président affaibli face à un Trump confiant
Emmanuel Macron semble tenté de relancer son pari, d’autant qu’il sait comment fonctionne Trump avec sa vanité infinie et son ego démesuré. Première règle : ne lésinez pas sur la flatterie. Dès le matin du 6 novembre, il a adressé ses félicitations au vainqueur avant même l’annonce des résultats officiels. « Prêts à travailler ensemble comme nous pouvons le faire depuis quatre ans »a affirmé le président français, tout en soulignant que cela se fera « avec vos convictions et avec les miennes ». Une manière de rappeler les différences évidentes.
Leurs relations seront bien plus difficiles qu’alors. La deuxième présidence Trump arrive dans un contexte international dominé par l’agression russe en Ukraine, les risques d’embrasement au Moyen-Orient et la montée des ambitions chinoises. Le rapport de force entre les deux hommes n’est plus le même. Donald Trump est politiquement beaucoup plus fort qu’il ne l’était alors. Son élection en 2016 n’était peut-être qu’un accident. Cette fois, une majorité d’Américains, y compris dans le vote populaire et notamment parmi les jeunes, l’ont choisi pour ce qu’il dit et ce qu’il incarne.
Il dispose d’une équipe composée de collaborateurs choisis avant tout pour leur loyauté présumée sans faille, et il contrôle le Congrès, au moins jusqu’aux prochaines élections de mi-mandat, dans deux ans. A l’opposé, Emmanuel Macron, usé par sept années de pouvoir, est à la tête d’un pays lourdement plombé par sa dette. Il est politiquement affaibli, y compris au sein de l’Union européenne, même si ses appels récurrents à une autonomie stratégique pour l’Europe sont désormais repris par une grande partie des Vingt-Sept.
Revenir sur les relations entre Paris et Washington sous la première présidence Trump est riche d’enseignements. Les relations entre les deux présidents ont débuté en mai 2017 par une très longue et virile poignée de main lors d’un sommet de l’Otan, où chacun des deux souhaitait montrer sa force. À l’époque, Trump était novice en politique, notamment en politique étrangère, tout comme Emmanuel Macron, même s’il avait eu une brève expérience ministérielle et avait travaillé aux côtés de François Hollande à l’Élysée. Le président américain aime gagnantset à cet égard, le nouveau président français, qui avait remporté l’élection présidentielle en outsider, avait tout pour lui plaire.
Trump se moque
Le chef de l’Etat, quant à lui, a toujours montré une certaine fascination pour les hommes politiques forts. Pendant deux ans, les relations furent plutôt bonnes, avec une visite en grande pompe à Paris en juillet 2017 du président américain : dîner au restaurant de la Tour Eiffel pour les deux couples présidentiels, visite du tombeau de Napoléon et tribune d’honneur pour le défilé militaire. Donald Trump a adoré et a même pensé à introduire un tel défilé outre-Atlantique. Pourtant, au-delà de ces images glamour, rien n’est né de ces relations personnelles exagérées.
Le dernier coup d’Etat a eu lieu au G7 de Biarritz pour tenter d’organiser une rencontre surprise entre le président américain et le ministre iranien des Affaires étrangères, afin de sauver l’accord nucléaire. C’était brillant et audacieux, mais ce fut un échec. Puis, la relation s’est dégradée, Donald Trump multipliant les tweets moqueurs et les blagues à l’encontre de son homologue.
Lire aussiUkraine, économie, démocratie… Les défis de l’Union européenne après l’élection de Donald Trump
Contraint à un relatif retrait sur la scène politique intérieure, le chef de l’État dispose de toute la disponibilité et de tous les pouvoirs pour investir en politique étrangère. Mais peut-il vraiment peser auprès de Washington ? Paris a peu d’amis dans la nouvelle administration que Donald Trump met en place à Mar-a-Lago, notamment dans l’équipe en charge de la diplomatie et de la politique de sécurité. L’influent sénateur républicain de Floride, Marco Rubio, fils d’émigrés cubains, occupera le poste de secrétaire d’État, c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères. Ancien des forces spéciales et élu de Floride à la Chambre des représentants, Mike Waltz va devenir conseiller à la sécurité nationale. Ce sont tous deux des faucons sûrs d’eux, convaincus que la principale menace vient aujourd’hui de la Chine, et ils soutiennent pleinement Taïwan.
Mais ils estiment que les Européens sont les premiers concernés par l’Ukraine et qu’ils doivent payer davantage pour leur défense. Ils reconnaissent néanmoins qu’une victoire, même symbolique, de Poutine en Ukraine nuirait à la crédibilité des Etats-Unis vis-à-vis de Pékin. C’est en tout cas une carte sur laquelle Paris et, plus généralement, les Européens peuvent tenter de jouer. A condition toutefois qu’ils soient capables de présenter des options crédibles pour réévaluer à la hausse leur aide militaire à Kiev et de proposer quelles garanties de sécurité pourraient être offertes à l’Ukraine, à défaut, du moins à court ou moyen terme. , une adhésion à part entière à l’OTAN, ce que ni les États-Unis ni d’ailleurs l’Allemagne ne souhaitent.
Perte d’influence de la France avec l’élection de Trump
Les relations avec Washington concernant le Moyen-Orient seront encore plus difficiles pour Paris. Donald Trump n’a cessé de clamer son soutien à Israël et à la stratégie suivie par Benjamin Netanyahu en réponse aux massacres du 7 octobre. La nomination comme ambassadeur à Jérusalem de Mike Huckabee, ancien pasteur évangéliste convaincu des droits historiques d’Israël sur la Judée et la Samarie, et celle d’Elise Stefanik, élue de New York, comme ambassadrice à l’ONU, qu’elle dénonce comme « antisémite » en sont l’illustration.
La nouvelle administration tentera selon toute vraisemblance de relancer son plan de normalisation régionale avec les accords d’Abraham en intégrant l’Arabie Saoudite. Les voix réclamant une solution politique à deux États, comme celle de la France notamment, seront toujours plus inaudibles, d’autant que la question centrale sera toujours plus clairement celle de l’Iran, considéré comme le principal danger tant par Donald Trump que par Benjamin Netanyahu. .
Donald Trump a déjà ses interlocuteurs privilégiés au sein de l’Union européenne, au premier rang desquels le très poutinien national-populiste hongrois Viktor Orban. La postfasciste italienne Giorgia Meloni, qui gouverne un État membre bien plus puissant, pourrait lui retirer ce rôle, d’autant qu’elle entretient d’excellentes relations avec Elon Musk.
Qu’il tente à nouveau de faire entendre sa propre partition comme en 2017 ou qu’il se pose en représentant d’une partie des Vingt-Sept les plus engagés dans le soutien à l’Ukraine, comme la Pologne, Emmanuel Macron n’a pas beaucoup de temps pour préparer un discours crédible. offre à un président américain qui pense avant tout en termes transactionnels.
Cela est d’autant plus vrai que l’Europe devra elle aussi choisir un positionnement alors que l’administration Trump se prépare à une guerre commerciale avec la Chine, dont l’Europe pourrait être une victime collatérale, inondée par les exportations chinoises qui ne trouveront pas de marché. points de vente outre-Atlantique.
Related News :