Le Rockefeller de Genève
C’est au cours de ses années milanaises que le futur banquier découvre la Suisse, dans le cadre du commerce de l’or qu’il effectuait pour son père milanais. Bien qu’en déplacement quasi constant à travers le monde, Edmond Safra a fait de Genève sa base incontournable pendant plus de quarante ans, devenant le « Rockefeller de Genève », selon cette biographie.
La société financière qu’il crée en 1956, Sudafin (rue du Stand), devient à la fin de la décennie la Trade Development Bank (TDB) et accueille des riches du monde entier cherchant refuge dans la tourmente politique des années. 1960. S’implanter dans le fief historique des banquiers privés étant une manœuvre ambitieuse pour un juif libanais de 27 ans possédant un passeport brésilien, Edmond Safra s’entoure de Suisses ayant des relations dans le monde politique.
Cotée en bourse en 1972, TDB, située rue de Chantepoulet, est revendue en 1982 à American Express pour 550 millions de dollars. Au terme de la période de non-concurrence de cinq ans, Safra – qui avait entre-temps épousé Lily – a lancé une nouvelle banque à Genève, la Republic National Bank of New York (Suisse). Les désaccords sur le fonctionnement d’American Express (dont Edmond Safra est devenu actionnaire), le recrutement d’anciens salariés de TDB et l’arrivée de clients expliquent probablement les tensions entre le groupe américain et le banquier, très détaillées dans l’ouvrage. .
Après avoir démontré qu’il faisait l’objet d’une campagne de diffamation, Edmond Safra a obtenu des excuses publiques d’American Express, à qui il a demandé de reverser 8 millions de dollars à des organisations caritatives. En 1990, la TDB est rachetée par la Compagnie de Banque et d’Investissements (CBI), qui devient alors l’UBP. L’actuelle Banque J. Safra Sarasin a été créée par Joseph, le frère cadet d’Edmond, avant de fusionner avec Sarasin au début des années 2010.
Un empire bâti sur un nom
Élevé à Beyrouth dans une famille originaire d’Alep en Syrie, après avoir quitté l’école à 15 ans, Edmond Safra a bâti un empire qui comprenait Banco Safra au Brésil, la Trade Development Bank à Genève et Republic à New York. À la base, deux principes simples : le propriétaire d’une banque est responsable de tout et l’activité est intergénérationnelle, ce qui avait été pratiqué par ses ancêtres et le serait par ses descendants.
“Si vous avez cette mentalité, les déposants doivent être protégés à tout prix et votre nom, vos biens et la réputation de votre famille sont en jeu, donc vous vous comportez un peu différemment”, résume Daniel Gross, qui a eu accès aux archives personnelles. et professionnel d’Edmond Safra, lui-même un personnage extrêmement discret et très peu porté sur les interviews dans les médias. Ce comportement « un peu différent » comportait aussi une tendance à la microgestion avant que le mot ne soit inventé, et qui a poussé Edmond Safra à décider de la forme des cendriers ou de la taille des toilettes de sa banque genevoise (pas trop grandes, pour que les salariés ne lisez pas le journal là-bas).
Même si ses banques étaient cotées en bourse, Edmond Safra en possédait toujours 30 % et disait toujours qu’il perdrait tout avant que quiconque ne perde un seul centime. N’aimant pas prêter à des emprunteurs qu’il ne connaissait pas, il préférait financer des projets garantis par le FMI ou la Banque mondiale, ou prêter à des banques fiables. Il a bénéficié d’un taux d’intérêt inférieur, mais n’a pas eu à s’inquiéter d’éventuelles pertes sur ses prêts. Ses établissements étaient également présents dans des activités que les grands concurrents dédaignaient à l’époque, comme le commerce de l’or, des devises, ou encore le déplacement des billets de banque. La philosophie du patron : « Gagnez un dollar par jour, mais tous les jours. »
Décès évitable à Monaco
Le livre évoque également la mort d’Edmond Safra, déjà affaibli par la maladie d’Alzheimer, dans son appartement monégasque en 1999, à la suite d’un incendie déclenché par son infirmière, qui voulait apparaître comme son sauveur. Une mort qui aurait pu être évitée si une série d’erreurs n’avaient pas été commises, affirme aujourd’hui Daniel Gross. Conclue avant sa mort, ce n’est qu’après sa mort que fut finalisée la vente de l’empire d’Edmond Safra à HSBC, pour 10 milliards de dollars, en 2000.
* Le livre fera l’objet d’un vernissage ce mardi à Genève.
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