INTERVIEW POLITIQUE DU LUNDI. Crises écologiques et sociales, montée de l’extrême droite, alliances au sein de la gauche : autant de défis auxquels Europe Écologie Les Verts doit répondre dans le Gard. Béatrice Leccia, porte-parole d’EELV dans le département, expose les priorités locales du parti face aux enjeux environnementaux, aux débats sur l’artificialisation des sols, et aux ambitions des écologistes pour les prochaines échéances électorales.
Une réaction aux récentes inondations à Valence, en Espagne ? Quelle est votre analyse de ces événements ?
C’est terrible. Nous pensons d’abord aux victimes. Ces inondations rappellent les événements de Nîmes en 1988, mais le nombre de victimes y est dramatique. Là où les médias parlent de catastrophes climatiques, nous assistons à une catastrophe avant tout humaine : ces événements – plus intenses et plus fréquents qu’auparavant – sont liés au changement climatique, résultat de l’activité humaine. Ces fortes pluies et problèmes de ruissellement proviennent d’une artificialisation excessive des sols, preuve que l’absence de politique écologique amplifie ces phénomènes. On le dit souvent, mais cela arrive bien plus vite et sérieusement que prévu. Nous vivons les pires scénarios évoqués par les scientifiques du GIEC.
Localement désormais, quels sont selon vous les enjeux prioritaires pour le Gard en termes de résilience climatique et d’adaptation écologique ? Où faut-il concentrer les efforts en premier ?
A l’instar de Valence, il faut arrêter l’artificialisation pour laisser l’eau couler naturellement. Les élus critiquent souvent le ZAN (Zéro Net Artificialisation), mais inutile de se plaindre quand l’eau ne peut plus s’écouler. C’est du bon sens : il faut permettre le cycle naturel de l’eau. D’autres actions sont également nécessaires : restaurer les berges des cours d’eau par exemple. Si des efforts sont faits, ils restent insuffisants. Le contournement ouest de Nîmes montre bien cette tendance à bétonner davantage, au lieu de limiter l’artificialisation des sols et la pollution automobile. Ce type de projet d’infrastructure est contraire aux impératifs écologiques actuels.
Autre sujet local : sept nouvelles destinations ont été dévoilées récemment au départ de l’aéroport de Nîmes (Genève, Barcelone, Nice…). Quel regard portez-vous sur cette annonce qui divise et fait débat ?
Europe Ecologie Les Verts ont réagi en affirmant qu’il faut aller au-delà du droit. La mesure gouvernementale, qui interdit les trajets de moins de 2h30 si une alternative existe, repose sur un bon principe. Une ligne Nîmes-Nice, par exemple, est inimaginable quand il y a un train. Il ne s’agit pas de supprimer l’avion, mais de privilégier des alternatives. Ce qui est choquant, c’est que ces lignes sont subventionnées par des fonds publics, ce qui va totalement à l’encontre d’une politique de réduction des émissions. Au contraire, il faudrait taxer davantage ce transport.
L’argument principal est celui de l’attractivité du territoire et de l’ouverture de la capitale gardoise vers des hubs internationaux… Ce sont des arguments qui ne tiennent pas la route ?
Ils ne résistent pas quand il existe des alternatives. Personne n’arrête le tourisme ou les voyages d’affaires, mais si d’autres moyens de transport sont disponibles, ils devraient être prioritaires. Il faut investir dans ces modes de transport.
Concernant les dernières élections législatives, votre candidature pour la 6ème circonscription a été remplacée par celle de Nicolas Cadène. Comment cette décision a-t-elle été prise et qu’est-ce que cela signifie pour EELV dans le Gard ?
Vous savez, j’ai accepté d’être l’adjoint de Nicolas Cadène parce que l’enjeu était important. Je ne me suis pas trompé et on l’a bien vu à la lumière des résultats du Rassemblement National dans le département. Dès le début, j’ai dit que je n’approuvais pas ce qui s’était passé. Des militants locaux avaient proposé ma candidature, validée nationalement, puis Nicolas Cadène a fait pression et a été validé comme candidat d’ouverture. Cela n’a évidemment pas plu, car les militants locaux n’ont pas été entendus.
Nicolas Cadène a également fait une demande d’adhésion à EELV, demande d’adhésion rejetée par le parti, comment expliquez-vous cela ?
Oui, il a demandé à adhérer à EELV, mais cela lui a été refusé, ce qui est rare. Vous savez, Nicolas Cadène est quelqu’un de bien, mais il n’est pas particulièrement… vert. Sa nomination comme candidat d’ouverture émanait du niveau national, mais son adhésion a été rejetée au niveau régional, puis validée au niveau national. Cela montre la volonté des militants locaux de privilégier les acteurs engagés sur le terrain. Je préfère que Nicolas Cadène ne devienne pas le sujet central. J’ai fait campagne pour les écologistes, pas pour lui. Ce qui m’importe avant tout, c’est de mettre en lumière les enjeux environnementaux, bien plus que les querelles personnelles, qui, à mon avis, n’intéressent pas grand monde.
Concernant les dernières élections législatives, le Gard a connu un véritable basculement avec la victoire du RN dans les six circonscriptions. Comment expliquez-vous cette montée en puissance dans le département et quels éléments, selon vous, favorisent ce soutien au RN dans le Gard ?
Le RN est basé sur la détresse. Détresse alimentée par une inflation élevée. Les gens ne s’en sortent plus ou ont l’impression de s’en sortir moins qu’avant et l’infirmière leur fait croire qu’ils ont la solution. Tout notre travail consiste donc à déconstruire le discours d’extrême droite, en pointant les contradictions et les erreurs du RN.
Face à ce succès du RN, comment EELV compte-t-il s’opposer et proposer une alternative qui puisse parler aux électeurs de ce territoire ? Quels messages porter pour contrer cette dynamique ?
Ce que nous voulons montrer, c’est que le programme que nous portons, individuellement et dans le cadre du Nouveau Front Populaire (NFP), permet et promet un meilleur pouvoir d’achat et permet tout simplement aux gens de mieux vivre. Le programme que nous portons nous permet de mieux vivre sur cette planète : vivre en harmonie avec notre environnement, être en meilleure santé en luttant contre la pollution. Souvent nous, écologistes, sommes en colère parce que les choses ne vont pas assez vite, mais nous essayons de canaliser cette colère et ces inquiétudes pour faire passer nos messages : c’est l’inaction écologique qui est punitive et non l’inverse. . Dans ce cadre, nous travaillons sur de nombreuses thématiques : la pollution de l’eau par exemple, notamment au niveau local où nous collaborons avec l’association Générations Futures.
Un sujet d’actualité à la lumière de la fermeture de l’usine Solvay de Salindres…
Nous sommes en effet pleinement solidaires des salariés. C’est vraiment symptomatique de cette société : dès qu’ils savent qu’un pays va commencer à prendre des mesures plus restrictives en matière de pollution, ils se délocalisent dans un pays moins strict…
Vous avez évoqué le Nouveau Front populaire qui rassemble des écologistes avec d’autres partis de gauche, mais des divergences idéologiques et politiques persistent. Que ressentent aujourd’hui les écologistes au sein de cette coalition ?
Rappelons tout d’abord que Marine Tondelier est l’une des bâtisseuses du Nouveau Front Populaire. Elle a été extrêmement présente dans sa création et la conception de sa programmation. C’est donc bien sûr toujours d’actualité, et nous le voyons à la lumière du vote du budget. Le NFP est solidaire pour présenter des amendements et présenter ce qu’aurait été notre budget si Emmanuel Macron avait choisi Lucie Castets comme Premier ministre. Bref, aujourd’hui à l’Assemblée nationale, nous démontrons clairement notre union.
En effet, seules des divergences majeures persistent. C’est notamment le cas du nucléaire qui, dans le Gard, est une filière de première importance.
La lutte contre le nucléaire est en effet un combat essentiel pour les écologistes. Nous savons que ce n’est pas partagé par l’ensemble du PFN, mais nous savons tous qu’il est essentiel de déployer les énergies renouvelables. Compte tenu du temps nécessaire à la construction de nouveaux réacteurs – et les communistes l’admettent – il est indispensable de déployer de nouvelles sources d’énergie. Nous sommes donc tous d’accord sur la nécessité d’un mix énergétique.
Un mot maintenant sur les prochaines échéances électorales. Quel rôle compte jouer EELV en vue des prochaines élections municipales de 2026 ? Envisagez-vous de présenter des listes indépendantes, de créer des alliances locales ?
Écoutez, nous parlions du NFP à l’échelle nationale ; autant dire qu’à l’échelle locale, cela fonctionne aussi très bien. On l’a vu lors des élections législatives. Nous travaillons déjà ensemble et il est évident que nous serons là et que nous gagnerons ensemble, toute la gauche unie. Nous aurons donc effectivement des listes communes dans lesquelles les écologistes auront toute leur part.
Quels sont alors les grands axes qu’EELV souhaite promouvoir dans les communes gardoises ? Quels sujets seront pour vous une priorité dans cette campagne ?
Le sujet le plus important en ce moment dans le département est le contournement ouest de Nîmes, me semble-t-il. La thématique des transports sera évidemment au centre de ces élections municipales. Etant l’un des principaux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre, c’est un sujet central. Il y a aussi la question de l’eau et de l’assainissement : nous voulons que les entreprises arrêtent de polluer en amont, car en fin de compte, ce sont les particuliers qui paient la facture.
Au quotidien, estimez-vous que les élus et leaders écologistes sont suffisamment entendus dans le Gard ?
Non, absolument pas. Au conseil départemental, par exemple, nous n’avons qu’un seul conseiller, Dominique Andrieu-Bonnet. Elle fait de son mieux, mais elle est seule dans une assemblée de 46 conseillers. Les élections départementales n’arrivent pas tout de suite, mais cela fait partie des enjeux, c’est sûr.
On entend souvent l’expression « écologie punitive ». Comme si l’écologie n’était qu’une Source de contraintes. Ne faut-il pas remettre en question au sein du parti la manière dont il faut parler d’écologie aujourd’hui ?
L’expression écologie punitive est clairement le langage de nos adversaires. C’est justement l’absence d’écologie qui est punitive. Nous sommes au contraire pour une écologie qui répare, qui améliore la vie des gens…
Une réaction à la récente élection de Donald Trump aux Etats-Unis ?
C’est extrêmement inquiétant. A la tête des Etats-Unis se trouve donc l’un des plus grands climato-sceptiques… C’est une catastrophe pour l’écologie et pour le climat, certes, mais pas seulement… pour la paix aussi. On pense à l’Ukraine ou à Gaza, je pense aussi aux dangers pour la jeunesse, aux droits des femmes et des minorités. C’est inquiétant…
Commentaires recueillis par Adrien Valette
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