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L’Hérault veut donner la parole aux enfants placés – Libération

« Ici, nous sommes tous différents. Nous n’avons pas le même passé, mais nous avons tous connu le placementexplique Vic, 24 ans, en rentrant ses cheveux blonds sous un bonnet en laine. Personnellement, j’ai vécu quatre ans dans une famille d’accueil avant de rejoindre un espace de vie collectif. Assise à côté de lui, Emma, ​​20 ans, explique qu’elle est toujours suivie par l’Aide à l’enfance (ASE), après avoir vécu trois ans la vie en famille d’accueil. « J’ai été soutenue par l’ASE toute ma vietémoigne Matthias, 23 ans. De la crèche à l’internat, en passant par le foyer pour enfants et les foyers, j’ai tout vécu jusqu’à mes 21 ans.» Fatima, 26 ans, a vécu dans une famille d’accueil de 3 à 17 ans.

Chaque mois, ces jeunes se réunissent dans les locaux montpelliérains de l’Association départementale d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (Adepape). Ils forment le noyau dur du Comité Jeunes, créé en mai 2022 par le département de l’Hérault. Objectifs : faire dialoguer les jeunes confiés à l’ASE d’aujourd’hui et d’hier ; mieux prendre en compte leurs paroles et leurs pensées. Matthias résume : « Nous sommes impliqués dans ce Comité Jeunesse parce que nous pensons qu’il peut contribuer à améliorer la protection de l’enfance et à changer la façon dont nous percevons les enfants à l’ASE. »

« Ruptures émotionnelles »

Un regard lourd et stigmatisant, comme ils le soulignent tous : « Les gens nous mettent dans une boîte. » Mais ce constat est loin de résumer la douleur qu’ils ont pu traverser. «Je n’ai pas vu mon éducateur spécialisé très souvent»confie Emma. « Le système ne nous accompagne pas vers l’autonomiecontinue Matthias. Nous ne sommes pas formés pour devenir des adultes prêts à affronter la vraie vie. Fatima dénonce “la multiplication des ruptures affectives” des enfants placés en prise en charge, ballottés entre familles, structures sociales et écoles selon des décisions institutionnelles sur lesquelles les premiers concernés ont peu d’influence. « Ce qui est génial avec le Comité Jeunesse, souligne Vic, c’est parce que le ministère veut entendre nos voix.

Séverine de Montredon, directrice du service action sociale et logement du département de l’Hérault, reconnaît que ces paroles sont précieuses : « Ce comité apporte un réel plus à notre établissement ainsi qu’à nos partenaires, tels que les travailleurs sociaux et les éducateurs spécialisés. Certains jeunes nous ont dit qu’ils ne comprenaient pas pourquoi, étant enfants, ils étaient placés en prise en charge, car ils n’avaient pas tous les éléments de compréhension. Ces témoignages nous confrontent à leurs expériences, à leur réalité. Le rôle du Comité Jeunes reste consultatif, mais ses participants ont été impliqués dans l’élaboration du plan départemental « enfance et famille ». Adoptée en début d’année, elle constitue la feuille de route du département pour les quatre prochaines années. De plus, des jeunes du Comité témoignent deux fois par an lors de sessions de formation pour les travailleurs sociaux.

Un engagement « protégé »

Dans l’Hérault, environ 2 800 enfants sont aujourd’hui confiés au conseil départemental. « Des chiffres en augmentation, tout comme le nombre de signalements faits à la justice et d’informations inquiétantes qui nous parviennent »deplores Séverine de Montredon, who insists on commitment “sanctuaire» de sa communauté : « Notre politique de l’enfance et de la famille est dotée d’un budget de 219 millions d’euros en 2024, soit 12 % du budget global de la collectivité. L’Hérault fait partie des départements pionniers, notamment en matière de grands contrats jeunes. Ce dispositif s’adresse aux 18-21 ans et évite les « sorties sèches » de l’ASE.

Vic a bénéficié de ce système qui lui a permis d’étudier les arts du spectacle. Fatima poursuit son master en intervention et développement social, Matthias a opté pour une formation à Sciences Po et travaille dans un club de sport… Ces jeunes tiennent enfin les rênes de leur destin. Et ils nourrissent le même rêve : que leur comité s’agrandisse pour qu’un maximum d’enfants placés les rejoigne et ressentent moins l’isolement et la stigmatisation dont ils ont eux-mêmes souffert. Vic y travaille : elle prépare un site Internet et un podcast sur le comité pour que les jeunes hébergés en foyer ou en famille d’accueil puissent le découvrir et venir, eux aussi, faire entendre leur voix.

 
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