Faire plus et mieux : tel est, depuis deux ans, l’objectif du département de Seine-Saint-Denis en matière d’insertion professionnelle. Le dispositif intitulé « New Deal pour l’Insertion » marque un tournant dans la gestion du revenu de solidarité active (RSA) et l’accompagnement de ses bénéficiaires vers l’emploi. En le lançant le 1er décembre 2022, le département a été l’un des premiers en France à obtenir une recentralisation du RSA pour une durée de cinq ans. Ce système permet de transférer la charge du financement de la dotation sur l’État, déchargeant ainsi le département de cette dépense importante.
En 2020, le RSA représentait « plus du quart des dépenses de fonctionnement de la communauté »a rappelé le président du conseil départemental, Stéphane Troussel, via une note de la Fondation Jean-Jaurès dans laquelle il dénonçait un « asphyxie budgétaire ». Grâce à quelque 22 millions d’euros supplémentaires dans le budget, Mélissa Youssouf, vice-présidente du département en charge de l’intégration, de l’économie sociale et solidaire et des fonds européens, explique que la collectivité a tenu à faire « un saut qualitatif » dans l’accompagnement des allocataires du RSA.
Un accompagnement personnalisé
La Seine-Saint-Denis est loin d’être un département comme les autres. C’est l’un des pays les plus jeunes et les plus densément peuplés du pays, mais aussi celui où le taux de pauvreté est le plus élevé. Parmi les près de 100 000 allocataires du RSA (pour 1,6 million d’habitants), certains ont un profil très éloigné de l’emploi. C’est dans ce contexte que la recentralisation du RSA offre des dispositifs d’accompagnement intensifs. Grâce à cette nouvelle manne financière, le département peut mieux « considérer les gens dans leur globalité et leur singularitéexplains Mélissa Youssouf, pour qu’il y ait vraiment de l’équité » avec d’autres territoires qui ne connaissent pas les mêmes problématiques que la Seine-Saint-Denis.
Vingt-deux agences locales d’insertion (ALI) ont ouvert leurs portes pour offrir un accompagnement personnalisé aux bénéficiaires du RSA. Ces agences, où collaborent conseillers en insertion professionnelle, psychologues et travailleurs sociaux, permettent de “détecter les freins” retourner à l’emploi et débloquer des situations, explique Mérita Selimi, directrice de l’association Aurore en Seine-Saint-Denis, et responsable de trois de ces ALI. La question de la petite enfance est un des exemples marquants de ces freins : le manque de places en crèches est une difficulté majeure, rappelle Mélissa Youssouf.
Des séances de remobilisation permettent aux bénéficiaires de reprendre confiance en eux, et des immersions en entreprise les aident à réintégrer le monde du travail. L’association Aurore et les ALI en général ont tissé un réseau d’entreprises et de centres de formation partenaires, qui permet de proposer des solutions concrètes aux bénéficiaires suivis, mais aussi d’avoir une bonne compréhension de leur évolution. La coopération avec des prestataires axés sur l’estime de soi est également cruciale pour le succès de ces ALI. « À Livry-Gargan, nous avons eu une journée où un coiffeur, un kiné et de nombreux médecins ont été conviés pour mettre le bien-être au centre de l’équation. » dit Mérita Selimi. Une autre fois, c’est un photographe qui est venu : grâce à cette initiative, « les gens se sentaient beaux, mis en valeur »ce qui n’est pas anodin dans un processus de réinsertion.
“Briser la violence du guichet”
Le suivi est également renforcé : les bénéficiaires sont accompagnés par un référent unique tout au long de leur parcours. « Dans les ALI, où tout le monde se connaît nommément, chaque conseiller suit entre 90 et 100 bénéficiaires »explique Merita Selimi. “Cela nous permet aussi de casser cette violence au comptoir”ajoute Mélissa Youssouf. Ainsi, le suivi se fait tous les deux mois : c’est bien plus que les systèmes précédents, où les professionnels ne pouvaient rencontrer les bénéficiaires qu’une fois par an, et même plus. « Une surveillance plus intensive porte ses fruits »se réjouit la directrice départementale d’Aurore. En seulement deux ans, « L’agence Livry-Gargan peut déjà se targuer de rendements sur l’emploi de l’ordre de 25 à 30 % »explique-t-elle.
En 2027, l’accord quinquennal de recentralisation du RSA arrivera à son terme. Qu’adviendra-t-il du New Integration Deal ? Mérita Selimi se montre optimiste quant à un éventuel renouvellement du système. Elle estime notamment que les ALI auront un rôle clé à jouer, notamment lors de la mise en place des quinze heures d’activités obligatoires pour les allocataires du RSA. Le New Deal pour l’intégration a également été mis en œuvre dans plusieurs autres départements, dont l’Ariège et les Pyrénées-Orientales.
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