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le fascinant mystère des zombies enfin révélé à Paris

Par

Marie Amelie Marchal

Publié le

15 novembre 2024 à 16h12

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Au rythme envoûtant des tambours, montez les escaliers et retrouvez-vous immédiatement plongé dans un temple vaudou. Objets authentiques encore sacrés, installations grandeur nature… Avec l’exposition Zombisle quai Branly réalise un tour de force : reconstituer une partie de Port-au-Prince, capitale d’Haïti, dans le 7ème arrondissement de Paris.

Jeudi 14 novembre 2024, Actualités parisiennes a pu s’immerger dans les rites ancestraux, rencontrer le panthéon vaudou haïtien et découvrir les histoires des condamnés à peine “pire que la mort”. Une visite inédite, aux côtés de Philippe Charlier, anthropologue et commissaire d’exposition. Vous nous suivez ?

Face à l’armée des ombres

« Oubliez tout ce que vous avez appris sur les zombies », lance Philippe Charlier en préambule. Initié au vaudou béninois, il parle avec ferveur de ces « corps sans âme », sociétés secrètes qui condamnent les femmes et les hommes à années d’esclavage et des rituels qui remplacent la justice.

Philippe Charlier propose une plongée inédite dans la religion vaudou haïtienne depuis le quai Branly à Paris. (©MAM / actualité Paris)
Fétiche de la société Bizango constitué d’un crâne humain. Deux bouteilles forment ses pieds. Ils contiennent les deux âmes du défunt (gwo-bon-anj et ti-bon-anj). Habituellement, ce fétiche se retrouve dans le bureau de Philippe Charlier. (©MAM / actualité Paris)

« Avant la zombification, l’individu est jugé sept fois de suite par la société secrète de Bizango et ses fétiches. A genoux, les mains liées dans le dos (Philippe Charlier mime la scène), il fait face à l’armée des ombres », révèle l’anthropologue.

Sa faute ? « Ne pas avoir respecté le ventre des femmes (viol) ou avoir vendu des terres qui ne lui appartenaient pas. Ce sont les deux crimes les plus répréhensibles dans la société haïtienne. »

Des os humains, de la bave de crapaud et une toxine plus puissante que le cyanure

Si lors de son procès, l’accusé ne reprend pas ses esprits, les Bizango confectionnent une poupée à son effigie. Ils glanent alors les traces de leur cible : des cheveux, une fermeture éclair, le verre dans lequel elle a bu, un morceau de terre qu’elle a foulé… Puis le processus de zombification commencer. Les vaudous ont mis le chaussuresle glisser ou le soutien-gorge poudre.

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Sa recette ? Os humains, poussière des tombes d’anciens zombies, bave de crapaud – son effet piquant provoque de petites lésions qui permettent au poison de pénétrer plus facilement, du jus de vipère et surtout de la tétrodotoxine. Mille toxines dix mille fois plus toxique que le cyanure et associé au fugu, le poisson-globe.

L’ingrédient clé : la tétrodotoxine, une toxine mortelle provenant du poisson-globe. (©MAM / actualité Paris)

En quelques heures, le poison fait son effet. L’individu est alors paralysé, reste conscient mais ne peut plus réagir. C’est à ce moment qu’il est enterré vivant. « Une expérience traumatisante qui peut laisser des séquelles, on peut littéralement devenir fou. Je l’ai vécu moi-même, j’ai tenu 1h26 dans un cercueil… Cela m’a semblé une éternité”, confie le médecin légiste.

Un esclave moderne

C’est en pleine nuit que le bokor, le sorcier, vient le chercher. LE nouveau maître administre ensuite un antidote partiel et renomme la personne asservie. Durant ses années d’esclavage, le zombie est soumis à un régime sans sel qui le plonge dans un état d’hébétude et il est drogué.

Une parcelle du cimetière principal de Port-au-Prince est reproduite en taille réelle. (©MAM / actualité Paris)

Selon Philippe Charlier, il existe actuellement 55 000 zombies en Haïti avec une population d’un peu plus de 11 millions d’habitants. Et tout le monde n’est pas condamné par le Bizango.

«Il y a les zombifications criminelles. Il se peut que ce soit votre belle-mère qui ne vous aime pas et qui corrompt un membre de Bizango pour accomplir son méfait. Il y a aussi le zombie psychiatriquecelui-ci n’a pas été enterré vivant et n’a pas fait l’objet d’un rituel, mais il est persuadé d’être un zombie. Enfin, il y a le zombies sociauxné d’une usurpation d’identité mais qui comble un vide dans une famille. Après le tremblement de terre qui a dévasté l’île en 2010, par exemple, des familles ont perdu leur pilier, celui sur qui tout reposait, tandis que d’autres étaient les seuls autour d’elles à avoir survécu. Ces survivants entrent alors dans un foyer et remplacent le défunt. Pour faire passer la pilule du manque de ressemblance avec le disparu qu’elle supplante, la métaphore du zombie est brandie », explique le chercheur.

Une exposition inquiétante

« J’en ai regardé deux. Un gynécologue, cible d’une zombification criminelle, et une femme. Adeline D. a été retrouvée errant dans les rues d’Haïti un an après son enterrement », raconte le scientifique.

Leur portrait et leur mystérieux destin sont racontés dans l’exposition de l’ancien directeur du département de recherche et d’enseignement du quai Branly.

Le chercheur a tenté d’immortaliser un zombie sur pellicule. Voici le résultat. « J’aimerais qu’un visiteur me dise qu’il le voit », confie Philippe Charlier. (©MAM / actualité Paris)

Dans les allées du musée, face à des objets encore chargés d’une force mystérieuse, certains visiteurs « ressentent des choses ». C’est particulièrement le cas dans la pièce où se tient l’armée des ombres. « Certains artefacts sont profanés mais pas tous », souffle l’initié vaudou.

“On ne pille plus au nom de la recherche”

Croix anciennes servant d’offrandes, fétiches cloutés, poupées vaudou, fers à esclaves datant du XIXème siècle, statuette représentant un enfant mort… Si l’origine des fonds du Quai Branly, spécialisé dans les arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, L’Océanie et les Amériques, ont été au cœur de vives polémiques et liées au pillage des sociétés colonisées par les Occidentaux – poussant l’Élysée à restituer officiellement certaines de ces œuvres, les pièces présentées par Philippe Charlier sont pour la plupart issus de ses propres collections.

« On ne pille plus au nom de la recherche. Mes objets sont relativement récents, ils m’ont été offerts. LE le vol du patrimoine est impensable pour moi », assure le chercheur. Quant à la reproduction du temple vaudou avec des objets authentiques, elle a été reproduite avec son accord d’après le péristyle (espace sacré) d’Erol Josué, houngan (chef spirituel de la religion vaudou) et commissaire associé de l’exposition Zombis.

Temple vaudou reconstruit sur le modèle de celui du prêtre Erol Josué. « Le sien a été détruit par deux gangs dont les membres se sont entretués en son sein », indique Philippe Charlier. (©MAM / actualité Paris)

Mettre fin aux stigmates d’une religion réduite à la sorcellerie

Avant de quitter celui qui se dit « passionné par les méchants morts, ceux qui ne se taisent pas », une question brûle sur nos lèvres : révéler les secrets du vaudou n’est-il pas un sacrilège pour les adeptes ?

« En tant qu’initié, je ne révèle pas tout. Je suis évidemment tenu de garder certaines informations pour moi. Du côté des fidèles, les retours sont très bons. Cette religion est stigmatisée, elle est accusée de diablerie, de sorcellerie… Avec cette exposition, nous expliquons enfin ce qu’est cette culture, son histoire, ses racines et son caractère lumineux », conclut Philippe Charlier.

Informations pratiques

Des zombies. La mort n’est pas la fin ? au musée du quai Branly
Jusqu’au 16 février 2025
Tarifs : 14 euros, réduit 11 euros
Catalogue d’exposition : Des zombies. La mort n’est pas la fin ?under the direction of Philippe Charlier, Editions Gallimard

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