Trois sites d’implantation sur le territoire de La Rochelle, 180 salariés et le projet de construction d’une usine sur la plateforme aéroportuaire qui doit permettre à terme d’atteindre un millier d’emplois. En dix ans, la start-up d’aviation légère Elixir Aircraft, qui a conçu et produit l’Elixir, est devenue une PME emblématique du futur de l’économie. Retour sur le rêve un peu fou de trois trentenaires avec Arthur Léopold-Léger, son président.
L’aviation légère, dont Elixir Aircraft est l’un des fleurons du futur, était-elle au départ un rêve d’enfant ?
Mon père était passionné d’aéronautique et de nautisme, tout comme son père et son grand-père. Il fabriquait des avions en kit en tant qu’artisan. J’ai donc eu l’opportunité, avec ma famille, de construire des avions. Cela m’a donné une certaine connaissance de l’aviation légère, un marché très réglementé où sont fabriqués depuis plus de soixante-dix ans des modèles concurrents de l’Elixir !
Avec un père artisan, la création d’entreprise était dans les gènes du jeune ingénieur que vous êtes devenu…
Ma principale motivation était de construire un avion comme je le souhaitais. J’ai commencé à travailler dessus seul, puis j’ai présenté l’idée à deux amis ingénieurs qui sont toujours à mes côtés. Et début 2014, un projet d’entreprise voit le jour. Mais notre passion initiale était réellement et reste la technologie et les avions. Alors que de nombreux chefs d’entreprise s’intéressent d’abord à l’entrepreneuriat.
En 2014, vous aviez 29 ans, avez-vous été pris au sérieux ?
Non, on nous a plus ou moins gentiment ri au nez (rires) ! Nous avions tous les trois un budget de 50 000 euros seulement. J’avais vendu tout ce que je possédais, c’est à dire pas grand chose… Les investisseurs nous disaient qu’il fallait faire du business dans la tech, le web, les services. Que l’industrie était vouée à l’échec en France. C’était avant le Covid-19 et l’aéro-bashing.
Les temps n’étaient pas favorables ?
Le projet était celui d’un avion économique, moins bruyant pour les riverains et moins polluant. Toutefois, les questions d’impact sur l’environnement sont restées peu abordées publiquement. Bref, nous avons eu 99% de refus. Mais je ne blâme personne et, depuis, nous avons reçu beaucoup d’aide et bénéficié de subventions importantes. La performance énergétique et environnementale de l’Elixir est devenue un argument fort auprès de nos clients, de nos actionnaires, des pouvoirs publics… Nous avons fait le bon choix.
D’où viennent ses inquiétudes ?
Éducation. En France, ma génération a appris à l’école qu’il faut trier ses déchets, fermer le robinet pour se laver les mains, etc. C’est culturel. Lorsqu’on prospecte aux Etats-Unis, on sent que l’argument environnemental n’a pas forcément le même impact.
Qu’est-ce qui a permis de surmonter les obstacles ?
Lorsque nous échouons, nous nous améliorons. Les premiers investisseurs acceptent ainsi de financer ce qui n’est qu’un rêve un peu fou. Avec peu de moyens, nous avons réussi à développer et à faire certifier l’avion par l’Europe en 2020 et cela a tout changé. Aujourd’hui, nous livrons le 29ème appareil de nos chaînes de production et la demande de permis de construire pour notre nouvelle usine sera déposée, je l’espère, d’ici la fin de l’année.
Votre jeunesse a été un handicap pour convaincre, mais aussi une force, non ?
Personnellement, j’avais déjà réalisé des avions, des bateaux et réalisé des courses à la voile en solitaire. J’étais tenace et audacieux et c’est bien sûr essentiel pour devenir chef d’entreprise. Mais avec le temps, on se rend compte que l’expérience compte aussi beaucoup quand on traverse des moments difficiles ! Elixir Aircraft est un investissement personnel 7j/7 depuis dix ans. Nous ne l’avions pas imaginé. Et comme en course au large, 90 % d’entre elles sont des difficultés où l’on se dit « mais qu’est-ce que je fais là ? » et 10% de moments géniaux. Il faut donc se concentrer sur le positif pour persévérer.
Que dites-vous aux jeunes qui frappent à votre porte aujourd’hui ?
Je les accueille à bras ouverts ! Notre âge moyen est d’un peu plus de 30 ans. L’entreprise existe grâce à ceux qui ont cru en ce défi et se sont passionnés comme nous sans quitter les grandes écoles. Ce n’est que récemment que d’autres profils, plus expérimentés, s’intéressent à nous. Nous faisons nos preuves. Le point de vue sur Elixir Aircraft change donc. Nous rejoindre devient moins un risque et plus un potentiel.
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