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Quels sont les deux plus gros faits médiatiques des dernières semaines au Québec ?

Je vais vous le résumer en quelques mots : l’école de Bedford et la Cité-des-Prairies.

Le premier scandale concerne 11 enseignants d’une école de Côte-des-Neiges, qui ont terrorisé pendant des années leurs collègues et les enfants dont ils étaient censés assurer l’éducation.

L’autre concerne neuf éducateurs d’un centre jeunesse, qui ont eu des relations sexuelles avec au moins cinq adolescents sous leur responsabilité.

Le lien entre ces deux cas ?

Ils n’auraient jamais pu être mis en lumière sans le courage de citoyens indignés. Des gens ordinaires, qui ont accepté de prendre des risques, pour transmettre des informations inquiétantes aux journalistes.

Ceux que l’on appelle communément les « lanceurs d’alerte ».

Tous ces citoyens qui osent prendre la parole – enseignants, éducateurs, fonctionnaires, policiers, infirmiers, cols bleus, cadres supérieurs – sont à l’origine de plusieurs des plus gros scoops produits par les médias au Québec et ailleurs, année après année. année.

Sans ces « sources confidentielles », ministères, centres de services scolaires et autres sociétés d’État pourraient continuer à vendre leur salade, d’un beau vert éclatant, sans jamais avoir à répondre à des questions embêtantes.

Il n’y aurait aucun problème !

C’est la journaliste Valérie Lebeuf, de Cogeco Média, qui a dénoncé le scandale de l’école de Bedford en mai 2023. Elle a recueilli les témoignages de huit enseignants ou ex-enseignants. Ils lui ont parlé du règne de peur instauré par un groupe d’enseignants formant un clan dominant.1.

Ces salariés n’auraient jamais pu témoigner ouvertement, au risque de perdre leur emploi ou d’être poursuivis. La journaliste a accepté de modifier leurs voix et de garantir leur anonymat, ce qui lui a permis de réaliser un reportage sensationnel.

Tout a basculé plus tard : après la diffusion de ce topo, la députée libérale Marwah Rizqy a demandé – et obtenu – une enquête. Cela a donné lieu à un rapport explosif, déposé le mois dernier à l’Assemblée nationale.

« L’affaire Bedford » a contribué à délier les langues et à mettre en lumière d’autres histoires de même nature. Les problèmes semblent si répandus que le ministre de l’Éducation a dépêché cette semaine des vérificateurs dans 17 autres écoles du Québec, où des « manquements à la laïcité » auraient été constatés.

Le scandale de la Cité-des-Prairies découle également d’informations fournies par des sources confidentielles. Des gens bien conscients des horreurs qui se sont déroulées en toute impunité entre les murs de la Maison des jeunes de Montréal.

Ces informatrices ont permis à mes collègues Katia Gagnon et Caroline Touzin d’entamer un travail journalistique minutieux. L’enquête choc qu’ils ont publiée le 24 octobre a déclenché une tempête politique et le début de ce qui ressemble à une prise de conscience collective.2.

La directrice nationale de la protection de la jeunesse a immédiatement quitté son poste. Le Québec a promis des réformes. Tout cela, une fois de plus, grâce à la contribution de sources dont l’identité a été protégée du début à la fin.

Une autre histoire de lanceur d’alerte a fait la une des journaux cette semaine. Le point de départ de cette chronique, pour être honnête.

Je parle ici d’un scoop du journaliste Daniel Leblanc, de Radio-Canada, celui-là même qui a mis au grand jour le scandale des commandites grâce à sa célèbre Source anonyme appelée « Ma chouette », au tournant du millénaire. Sans doute le plus grand scandale politique des dernières décennies au Canada.

Leblanc a diffusé fin octobre un reportage sur des failles majeures à l’Agence du revenu du Canada (ARC). Une affaire de fuites de données et de feuillets fiscaux frauduleux, qui a coûté jusqu’à présent 6 millions de dollars au Trésor public.

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PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE ARCHIVES

Les bureaux de l’Agence du revenu du Canada à Laval

L’ARC, longtemps critiquée pour son opacité, n’a pas dit grand-chose pour alimenter l’enquête du journaliste. Mais ce qu’on a appris jeudi, c’est que l’Agence a lancé une véritable « chasse aux sorcières » pour savoir qui, parmi ses salariés, avait osé parler aux journalistes.3.

En résumé : tant pis pour les contribuables qui devront quand même payer des millions. Ce qui compte, c’est que l’OMS a ouvert la porte en interne. La réputation avant la responsabilité.

Cette réaction de l’ARC est aberrante, mais pas surprenante.

La chasse aux sources est un sport national lorsque des informations embarrassantes sont divulguées dans les médias. De nombreuses organisations préfèrent concentrer leurs efforts sur la recherche du messager – et sur lui tirer dessus – plutôt que de se regarder dans le miroir.

Les sources confidentielles de Daniel Leblanc sont sans doute très nerveuses aujourd’hui. C’est tout à fait compréhensible. Il faut une bonne dose de courage pour oser dénoncer une situation inacceptable. Encore plus lorsqu’il s’agit de son employeur.

Je voudrais donc réitérer ceci à tous ceux qui envisagent de signaler les problèmes qu’ils voient : vous pouvez avoir confiance. Il faut bien sûr être prudent, mais il existe toute une série de mécanismes permettant de communiquer des informations de manière confidentielle.

Il existe des services de messagerie et de messagerie sécurisés très simples à utiliser, comme l’application Signal. Il y a aussi les bonnes vieilles rencontres en personne, à l’abri des regards. Ou encore : les fameuses « enveloppes brunes », ces documents papier qui peuvent être transmis sans laisser de trace.

A noter également que les « sources confidentielles » sont connues des journalistes. Nous pouvons garantir leur anonymat pour diverses raisons bien établies. Par exemple : s’ils ne sont pas autorisés à parler publiquement d’un problème ou si leur emploi pourrait être menacé.

Mais nous savons à qui nous parlons.

Nous acceptons de protéger l’identité de certaines sources si l’intérêt public le justifie. C’est une forme de contrat.

Des centaines de scandales n’auraient jamais pu être mis au jour sans cette relation de confiance clairement établie. Une relation bien éprouvée au fil du temps.

Mais ce n’est pas toujours facile.

Les journalistes sont souvent reprochés de révéler l’identité de leurs interlocuteurs, par toutes sortes de manœuvres, comme des poursuites judiciaires. Mais la protection des sources a été une nouvelle fois confirmée par la Cour suprême du Canada, en 2019, dans une affaire impliquant la journaliste d’investigation Marie-Maude Denis.4.

Bref, j’adresse ce message à tous les citoyens qui veulent que les choses bougent : ne sous-estimez pas l’impact d’une information transmise à un journaliste, même si elle peut paraître anodine à première vue. Écoutez votre instinct. Vos valeurs.

Lanceurs d’alerte de tous bords, continuez votre bon travail !

1. Écoutez le segment de l’émission Le Québec maintenant du 98,5 FM « Enquête : climat toxique dans une école primaire »

2. Lire l’enquête « Montréal : scandale sexuel au centre de réadaptation de la Cité-des-Prairies »

3. Lire l’article de Radio-Canada « Dans l’embarras, l’Agence du revenu du Canada lance une « chasse aux sources » »

4. Lire l’article « Marie-Maude Denis n’aura pas à dévoiler ses sources pour le moment »

 
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