C’est un homme de 69 ans absolument impénitent et peu communicatif qui s’est présenté ce jeudi 14 novembre après-midi, à la barre du tribunal correctionnel de Quimper (Finistère). Le 31 mai, Jean-Yves Queinnec s’est rendu à Rosporden (Finistère) pour assister à une conférence animée par Erwan Chartier, journaliste et patron de l’hebdomadaire « Le Poher », invité par la Ligue des droits de l’Homme, relative à l’accueil des réfugiés à Callac ( Côtes-d’Armor). Tout se passe bien, jusqu’à ce que ce sexagénaire prenne la parole au milieu de l’assistance, arguant que « le gâteau social est menacé par l’immigration ». « Il s’est alors levé, a descendu les marches, puis, sous nos yeux étonnés, a fait le salut nazi en criant : Salut Hitler. Il a ensuite quitté la salle », a déclaré le journaliste-intervenant au tribunal.
L’homme est connu pour avoir été membre du Front national (FN) jusqu’en 2015 et pour avoir été candidat aux élections législatives de 2017 pour l’Union des Patriotes, parti cofondé par Jean-Marie Le Pen. Poursuivi cette fois pour apologie des crimes contre l’humanité, Jean-Yves Queinnec avait déjà été interrogé dans le cadre de plaintes pour diffamation, mais n’avait encore jamais été condamné.
Suite au dépôt de plainte, Jean-Yves Queinnec a été placé en garde à vue par la gendarmerie et une perquisition a été effectuée à son domicile de Saint-Yvi (Finistère). Les enquêteurs y ont découvert une copie française de « Mein Kampf ». «C’est mon grand-père qui me l’a offert, car il y a beaucoup de vérités sur l’économie allemande. Il est disponible au comptoir dans les librairies. J’aimerais aussi le récupérer”, a demandé le sexagénaire, dont le grand-père n’a visiblement pas résisté. « Il existe des manuels plus récents à lire sur le sujet. Là, ça fait référence à des choses tragiques», a répondu le président du tribunal.
Son exemplaire de « Mein Kampf » reste scellé
L’ancien candidat s’est réfugié derrière ses convictions pour expliquer son action : « Je suis un homme de droite nationale et j’ai trouvé beaucoup de bon sens dans les théories du Front National historique. » Et d’ajouter : « La lutte contre l’immigration est un devoir patriotique. Je défends la France, la Bretagne. » Aux yeux de l’accusé, lors de la conférence, ils faisaient partie des « bolcheviks » et il a voulu ajouter « son grain de sel ». « Les participants ont levé le poing gauche et se sont mis à chanter l’international », a-t-il insisté, s’estimant « provoqué ». Des actions qui ne sont pas illégales, a souligné le président.
Le sexagénaire a toujours travaillé dans l’industrie agroalimentaire. Ancien « syndicaliste paysan », il vit actuellement dans un mobil-home avec ses chiens et se présente comme « un peu guerrier » et « un patriote nationaliste ». L’examen psychiatrique n’a constaté ni abolition du discernement ni problème particulier, malgré son visage érythrocytaire. « Je suis malade, je souffre de deux cancers. Je suis déjà condamné par la médecine à la peine de mort. Je n’en suis plus proche », a insisté l’accusé.
Les avocats des deux parties civiles ont demandé un euro symbolique de dommages et intérêts. “Nous ne marchandons pas pour l’honneur”, a déclaré Maître Iannis Alvarez, avocat de l’orateur. «C’est un salut destiné à la glorification d’Adolf Hitler et non au régime. C’est une insulte envers toutes les victimes. Nous sommes vraiment dans l’apologie et nous assistons aujourd’hui à une résurgence. Il faut revenir aux livres d’histoire. » De son côté, l’avocat de la Ligue des droits de l’Homme, Maître Nicolas Prigent, a rappelé que la liberté d’expression avait ses limites : « Il n’est pas question que ces gestes ou propos soient banalisés. »
« Il faut que les libertés individuelles soient protégées. Ces remarques ne sont pas seulement de la bravade, mais une glorification des idées du mouvement nazi. C’est ignoble », a insisté le procureur, qui a requis six mois de prison avec sursis. Pour Maître Pierre Gentric, l’avocat de la défense, son client voulait seulement choquer l’assemblée.
Le président a finalement suivi les réquisitions du procureur et n’a pas rendu le livre, malgré la demande du prévenu. Son exemplaire de « Mein Kampf », placé sous scellés, pourrait donc prochainement être détruit administrativement, s’il ne fait pas appel.
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