Ce 24 novembre 1974, dans la région désertique de Hadar, au nord-est de l’Ethiopie, une équipe internationale de paléoanthropologues travaille sur les sites fossilifères. Parmi eux, Donald Johanson et Tom Gray, un de ses élèves. Après une longue matinée sous un soleil de plomb, les deux hommes décident de modifier leur itinéraire habituel pour regagner leur véhicule. Le destin, semble-t-il, choisit ce moment pour révéler ses secrets. Parmi les rochers et le sable, l’œil aiguisé de Johanson est attiré par quelque chose d’insolite…
Un fragment d’os – un numerus ulna proximal droit – puis un crâne, un fémur, quelques côtes, une partie du bassin. Après des semaines de travail assidu, l’équipe a pu identifier et cataloguer près de 42 os appartenant à un seul individu, un australopithèque. Ce squelette, affectueusement nommé Lucy par l’équipe qui a écouté la chanson des Beatles, est remarquablement complet pour son âge. La découverte de Lucy, il y a cinquante ans, marque une nouvelle ère dans notre compréhension des origines de l’humanité. Ce fossile, vieux de 3,2 millions d’années, est devenu l’une des pièces maîtresses de la grande histoire de l’évolution humaine, popularisée par le paléoanthropologue Yves Coppens.
« Un squelette aussi complet est extraordinaire !
La géologue et palynologue (spécialiste des pollens) Raymonde Bonnefille, directrice de recherche honoraire au CNRS, est l’une des rares femmes à avoir participé aux explorations de la région où Lucy a été découverte, à l’initiative de son collègue Maurice Taieb. « J’avais conscience que nous apportions quelque chose de nouveau et d’important à la connaissance de l’évolution ancienne des hominidés, mais je ne pensais pas vous en parler cinquante ans plus tard !
“C’est extraordinaire d’avoir un squelette aussi complet et ancien, explique la paléoanthropologue Sandrine Pratt. Même si à l’époque, en 1974, il n’existait pas de datation précise, on savait que nous avions plus de 3 millions d’années.« Bien que le squelette de Lucy ne soit pas complet, les 52 fragments découverts, correspondant à 42 os, ont permis de représenter environ 40 % du squelette. « Nous avons pu estimer sa taille, entre 1,05 et 1,10 m, soit à peu près l’équivalent d’un enfant de 6 ans actuellement. En termes de poids, elle fait entre 25 et 30 kilos, c’est donc une petite femelle.
Yves Coppens : « Pas encore un homme, juste avant l’homme »
Grâce à une dent de sagesse, et sachant que les anciens hominidés poussaient un peu plus tôt, les scientifiques en déduisent que Lucy avait 12 ou 13 ans. L’analyse de son bassin et d’éléments du fémur indiquent également qu’il est bipède, et qu’il est également capable de grimper.
Mais ce n’est qu’en 1978 que cette nouvelle espèce d’australopithèque fut nommée Australopithèque afarensisdont Yves Coppens dira : “Lucy représente l’hominidé, le membre de la famille humaine qui n’est pas encore un homme, juste avant l’homme”. Quant aux raisons de la mort et de l’extinction de Lucy, plusieurs hypothèses sont encore discutées et la question reste ouverte…
La tête carrée Écoute plus tard
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Carbone 14, la revue d’archéologie Écoute plus tard
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Invités
- Raymonde Bonnefille, normalienne, biologiste, géologue de formation et palynologue (spécialiste de l’étude du pollen). Auteur de Sur les traces de Lucy (Odile Jacob), elle a participé aux expéditions précédant la découverte de Lucy. Ayant travaillé avec des équipes françaises et américaines, elle reliera Yves Coppens, Donald Johanson, Maurice Taieb et Jon Kalb, qui créera l’International Afar Research Expedition (IAER) en 1972. conférence le samedi 16 novembre au Musée de l’Homme à 12h, à l’occasion du week-end spécial.
- Sandrine Pratpaléoanthropologue, directeur de recherche CNRS au laboratoire d’Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique. Conférence le samedi 16 novembre à 16h30 : Lucy et sa famille. À quoi ressemblaient Lucy et ses proches ? Quel était leur régime alimentaire ? Quand et où vivaient-ils ?
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