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Impôts, retraites… Comment Services monte en puissance

Ce dimanche 17 novembre, les Français devraient se rassembler pour célébrer le sixième anniversaire des Gilets jaunes. Le mouvement citoyen, né en réaction à l’augmentation prévue de la taxe carbone, a stupéfié le pays à l’automne 2018. Présents sur les ronds-points, les manifestants ont laissé échapper leur colère face à la vie chère et au sentiment d’abandon du marché. État. Six mois plus tard, le 25 avril 2019, à l’issue d’un Grand débat national, Emmanuel Macron tente d’apporter des réponses concrètes.

Parmi ses idées, s’inspirer du modèle canadien pour centraliser les services publics dans des points d’accueil uniques sur tout le territoire. “Je veux qu’on mette en place (…) cette maison qui s’appellerait “ Services” ou dans chaque canton, en moyenne, on pourrait avoir un lieu où l’accueil du public des services de l’Etat (…)”, a annoncé le chef de l’Etat.

Cinq ans plus tard, le gouvernement Barnier lance en novembre prochain une grande campagne de communication sur les maisons de France Services (MFS). Quel bilan tirer de la mise en place de ces structures, dont le cadre officiel a été fixé par une circulaire du 1er juillet 2019 ? Répondent-ils vraiment aux attentes des citoyens ? Ont-ils permis de reconstruire un lien de confiance avec les Français les plus éloignés des services publics ?

Une chose est sûre : depuis l’annonce présidentielle, les maisons de services France – souvent issues des anciennes Maisons du Service Public (MSAP) – se sont multipliées sur tout le territoire. De 1 123 au 31 décembre 2020, la France en compte désormais 2 753 (au 15 septembre). Il devrait atteindre “l’objectif de 2.800 d’ici la fin de l’année”se réjouit le ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian dans le livret officiel du gouvernement. ” Chaque Français bénéficie d’un accompagnement de proximité et de qualité à moins de 20 minutes de chez lui »promet l’exécutif.

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Auteur d’un rapport dédié remis le 27 juin 2023 à l’ancien ministre Stanislas Guérini, le sénateur du Cantal (Union centriste), Bernard Delcros, porte un regard positif sur l’évolution de ces structures. “ Dans une société de plus en plus dématérialisée, les maisons de services France remettent l’humain au cœur des territoires entre l’administration et les usagers. »il se félicite de La Tribune.

Assistance aux démarches administratives

Retraite, impôts, emploi… Les structures ont été conçues pour aider les usagers dans leurs démarches administratives. Ils accueillent actuellement 11 opérateurs de l’État : la Caisse d’Allocations Familiales (CAF), France Titres, Assurance Retraite, Assurance Maladie, Chèque Energie, Finances Publiques, France Travail, France Rénov, Mutualité sociale agricole (MSA), la Poste et le Ministère de l’Agriculture. Justice.

A partir du 1er janvier 2025, l’Urssaf répondra aux questions des particuliers employeurs et indépendants. «Je plaide pour que d’autres opérateurs entrent dans le systèmecontinues Senator Delcros. Comme l’Agirc-Arrco qui gère les retraites complémentaires ou le Centre national du travail universitaire et scolaire (Cnous) qui gère le réseau des Crous. »

A Sceaux (Hauts-de-Seine), MSF est implantée dans un ancien bureau de poste de Blagis, un quartier plutôt populaire de cette ville bourgeoise de l’ouest parisien. « Nous réalisons entre 500 et 700 interventions par mois, témoigne le maire (UDI) Philippe Laurent. Ça marche bien, les gens sont très contents ! » Un constat corroboré par la Cour des comptes dans un rapport : « La satisfaction des utilisateurs des espaces de services France dépasse les 90 %. »

Loin de Sceaux, à La Canourgue en Lozère, deux agents se relaient chaque jour, y compris le samedi, dans la maison France services ouverte il y a un peu plus de trois ans dans ce petit village rural de 2 200 habitants. La municipalité leur a adjoint un conseiller numérique et a installé un espace de coworking à l’étage. En 2023, 4 300 utilisateurs se sont présentés, et ils sont déjà 6 175 depuis le début de l’année. Le maire Claude Malzac témoigne également de la satisfaction des usagers : « La fréquentation augmente. Lors du dernier épisode de crue (7 et 8 octobre, ndlr), nous avons ouvert une demi-journée aux agriculteurs pour faire leur déclaration. Et cet été, avec l’Agence Régionale de Santé, nous avons mis en place une action sur les bons réflexes estivaux. »

Mais qui sont ces Français qui ont pris l’habitude de franchir les portes de MSF ? « 58 % des utilisateurs ont plus de 55 ans et la majorité d’entre eux sont des femmes (56 %). Les jeunes sont peu représentés (6% des utilisateurs ont moins de 26 ans) »détaille la Cour des comptes. « Les gens qui viennent sont souvent des personnes âgées ou au chômage. » compléter avec La Tribune Luc Farré, secrétaire national de l’UNSA chargé de l’action publique et des services publics. Les gens ont souvent des difficultés avec les outils numériques.

Le maire communiste d’Allonnes (Sarthe) Gilles Leproust constate chaque jour cette fracture numérique chez ses électeurs. Dans sa commune, située dans la banlieue du Mans, la structure – baptisée Le Cube – est implantée au cœur du quartier prioritaire de la ville (QPV) Chaoué-Perrières. Inauguré en 2019, il était initialement dédié à l’assistance informatique aux résidents. Désormais, elle accueille 3 500 personnes par an, ce qui n’est pas négligeable pour une commune de 11 000 habitants. Pour transformer le Cube, « nous avons quatre agents municipauxdétaille le conseiller. L’organisateur de l’espace est de catégorie A (nomenclature de la fonction publique, ndlr) et les autres agents sont de catégorie C. Ces agents, qui ont une appétence pour l’accueil du public, travaillaient auparavant à la mairie. »

7 100 conseillers services France

Selon les chiffres du gouvernement, la France a « 7 100 conseillers France Services (qui) accompagnent les usagers dans leurs démarches quotidiennes ». Un métier officiellement inscrit à l’annuaire des carrières de la fonction publique. Mais « les spécificités de ce métier ne sont pas encore suffisamment valorisées dans les parcours professionnels des conseillers »regrette la Cour des comptes. « Au début, il y avait surtout des emplois précaires, des contrats aidés ou des contractuels.admet le sénateur Delcros. Petit à petit, ces emplois se stabilisent et les agents se professionnalisent. »

Mais pour les conseillers, la formation aux détours administratifs reste encore un enjeu majeur. « Malgré leur volonté, les agents ne peuvent répondre qu’à un premier niveau de questions et le public se sent parfois frustré »souligne Luc Farré, responsable des services publics à l’UNSA. A La Canourgue en Lozère, les demandes sont multiples : les agents sont sollicités pour les démarches liées à l’immatriculation, aux permis de conduire et pièces d’identité (485 depuis janvier 2024), aux impôts (265), à la retraite (216) ou à France Travail (146). Dans ces conditions, difficile pour eux d’avoir réponse à tout ! « Les formations sont désormais dispensées plus régulièrement et j’ai demandé qu’elles soient réalisées au niveau départemental en complément des « webinaires » nationaux »fait valoir le sénateur Bernard Delcros.

Exemple de formation « de base » sur 6 jours (36 heures) dispensée aux conseillers France Services en 2023.

Pour surmonter les difficultés, les conseillers peuvent faire appel à « un agent de l’Etat placé sous l’autorité du préfet qui gère le réseau »se souvient Bernard Delcros. Une sorte de « back-office » questions techniques. Surtout, les opérateurs publics (DGFiP, France Travail, par exemple.) sont amenés à se déplacer. « France Travail tiendra bientôt un bureau une fois par semaine au Cube »apprendre à La Tribune le conseiller sarthois Gilles Leproust. Autre exemple : « Des agents de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) se rendent à la journée ou à la demi-journée, selon les horaires, dans les maisons de services France »» précise Olivier Villois, secrétaire général de la CGT Finances publiques.

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Cela signifie-t-il que les opérateurs publics utilisent MSF pour décharger ? « Globalement, les opérateurs jouent le jeu »estime le sénateur Delcros. Pour Gilles Leproust, également président de l’association des maires de Ville & Banlieue de France, l’histoire est différente. “Cela reste un danger”souffle l’élu communiste qui craint de voir les opérateurs publics déserter les territoires, notamment les quartiers prioritaires.

À la CGT Finances Publiques, nous portons également un regard très critique sur ces structures : “Ils ont été créés parce que nous avons fermé les trésoreries” souligne Olivier Villois. Pour rappel, la DGFiP a perdu plus de 30 000 postes depuis 2008. En cette période de rareté budgétaire pour l’État – le déficit public en France atteindra 6,1 % en 2024 – les opérateurs publics pourraient être tentés de faire de nouvelles économies.

Un coût élevé pour les collectivités locales

« En France, le coût moyen d’une maison de services France s’élève à 110 000 euros »se souvient Bernard Delcros. Le maire de Sceaux Philippe Laurent énumère les coûts liés à sa structure Blagis : « L’ancienne poste étant en mauvais état, j’ai dû réaliser 200 000 euros de travaux d’aménagement, il explique. Avec les charges locatives et les 3 agents municipaux, nous disposons d’un budget de fonctionnement de 150 000 euros par an. L’État paie un forfait de 40 000 euros, il reste donc 110 000 euros par an à la charge de la commune. »

Bonne nouvelle cependant, le soutien de l’État va augmenter l’année prochaine. “ En 2025, la dotation passera à 45 000 euros, précise le sénateur Bernard Delcros. Et l’idée est qu’elle atteigne 50 000 euros par structure en 2026. » Egalement vice-président de la commission des Finances au Palais du Luxembourg, le parlementaire déposera un amendement au budget 2025 pour instaurer une dotation majorée de 10 000 euros pour les maisons de services France situées dans les zones de revitalisation de la ruralité France (FRR).

Au total, le coût du programme France Service s’élève à “350 millions d’euros” cette année pour l’Etat, selon la Cour des comptes. Seul problème ? Ce budget ne “ne prend pas en compte les situations de saturation de certains espaces”torpilles rue Cambon. La Cour des comptes suggère la mise en place d’un « une subvention forfaitaire supplémentaire (…) pour assurer le soutien du programme dans les espaces confrontés à une fréquentation supérieure à leur capacité d’accueil ».

C’est le cas par exemple à La Canourgue où les utilisateurs viennent aussi « de l’ensemble du canton, du bassin de l’Aubrac ou de la vallée du Lot », précise le conseiller Claude Malzac. Et malgré le paquet étatique, « la charge financière pèse toujours plus sur les transporteurs locaux que sur l’Etat et ses opérateurs »insistent les magistrats financiers.

Alors, lorsque les élus locaux ont découvert la campagne de communication du gouvernement début novembre, c’est peu dire qu’ils ont grimacé ! « Je trouve que l’Etat est vraiment pléthorique, il n’y a pas un mot pour les collectivités locales ! »rit jaune Philippe Laurent. “Nous sommes malheureusement habitués à ce comportement”déplore Gilles Leproust. Difficile de leur donner tort : aucune trace des collectivités territoriales dans le spot publicitaire de 30 secondes mis en ligne le 4 novembre par l’exécutif. Mais les maires le savent : ils ont besoin de l’État pour faire connaître « leurs » maisons de services France. La notoriété de ces lieux d’accueil repose “principalement le bouche à oreille”déplore la Cour des comptes.

 
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