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Podcast – La Suisse, entre l’Europe de Bruxelles et l’Amérique de Trump

Publié le 14 novembre 2024 à 05h54. / Modifié le 14 novembre 2024 à 07h43.

Échange respectueux mais sans concession, avec d’un côté Chantal Tauxe, vice-présidente du Mouvement européen suisse, plume reconnue notamment de L’hebdomadaire, le magazine qui incarnait la cause européenne en Suisse romande. Familier des institutions suisses et européennes, elle a même connu un europhile Pierre-Yves Maillard, alors que le socialiste incarne aujourd’hui l’euroscepticisme de gauche.

Face à elle, Nicolas Jutzet. Vice-directeur de l’Institut Libéral, il est membre du comité de l’alliance eurocritique Boussole/Europe. Chroniqueur à Tempsil n’est pas né au moment du vote sur l’Espace économique européen, le 6 décembre 1992. Le futur trentenaire a un côté « c’était mieux avant », ce qui l’a amené à publier un essai très stimulant aux Editions Slatkin : La Suisse n’existe plus.

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Chantal Tauxe – Nicolas Jutzet : deux générations, deux visions, des constats partagés

La Suisse doit-elle choisir entre l’Europe de Bruxelles et l’Amérique de Trump ? Si nos deux interlocuteurs s’accordent sur l’utilité de « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier », comme l’illustre Chantal Tauxe, elle ajoute : « Il ne faut pas se faire d’illusions sur ce que l’on peut gagner sur les marchés mondiaux. Plus de la moitié de notre commerce extérieur se fait avec l’Union européenne. Et dans cette moitié, c’est principalement avec l’Allemagne, la , l’Italie, l’Autriche… Même avant les accords bilatéraux, depuis que la Suisse existe et commerce, elle l’est avec nos voisins.»

C’est aussi un positionnement à plus long terme, avec « tous les enjeux géostratégiques et de défense qui me font dire que, franchement, ce n’est pas le moment de s’énerver contre nos voisins européens ».

Réponse de Nicolas Jutzet : « La déconnexion est effective (entre l’Europe et les Etats-Unis). Finalement, la Suisse a déjà fait un choix de fait. Pas politiquement mais dans les réalités économiques. Depuis les années 1990, l’Union européenne a perdu de son importance. Et ce sont d’autres marchés, généralement comme les États-Unis et l’Asie, qui gagnent en importance, ce qui signifie que dans cinq ou dix ans, l’Asie sera un marché plus important que l’Europe. » Il ne parle cependant pas de rupture : « Il n’est pas nécessaire de divorcer. Vous pouvez rester en bons termes avec un ancien partenaire.

Perspectives économiques à court terme

Au centre du désaccord entre nos deux interlocuteurs, il y a aussi l’évolution des relations bilatérales Suisse-UE, principalement avec l’adoption de mécanismes d’intégration dynamique des règles communautaires. Cent quarante séances de négociations, depuis mars 2024, n’ont pas suffi à boucler ce troisième paquet d’accords bilatéraux.

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Quelles seraient les conséquences d’un échec ? «C’est quand même assez simple», résume Chantal Tauxe. Il faut conclure. Vous devez le parapher. Nous devons envoyer cela au Parlement. La discussion doit avoir lieu. Et puis il faut être conscient d’une chose : si nous disons non, que ce soit au niveau parlementaire ou lors d’un vote populaire, il n’y aura pas de troisième fois. Nous reviendrons sur les discussions que nous avons eues en 1992. Quelles sont les alternatives ? Il restera des accords de libre-échange, et puis beaucoup de complications aux frontières. Un cavalier seul est possible. Cela aura certainement un prix social. Il y a aussi l’Espace économique européen ou l’adhésion.

Nicolas Jutzet l’avoue, “dans les premiers instants, cela risque d’être douloureux… Je ne suis pas d’accord avec cette vision du court terme et c’est même un reproche qu’on peut faire à une partie de l’économie : penser trop court terme.” Pour le vice-directeur de l’Institut Libéral, c’est le modèle suisse qui est en jeu. Si la Suisse «va un peu mieux que les autres… Ce n’est pas parce qu’on est meilleurs. C’est tout simplement parce que nos institutions nous rendent un peu plus responsables. Qu’on investisse un peu plus sur le long terme. Qu’on est un peu plus proche de la propriété privée. Qu’on fait un peu moins de bêtises qu’ailleurs. Et c’est tous ces éléments que nous mettons en danger, à très long terme, si nous signons ce type d’accords.»

« Pour les Ukrainiens, l’Europe est synonyme de protection »

Pour conclure, après ces considérations très terre-à-terre, une question plus existentielle : l’Europe nous fait-elle encore rêver ? Chantal Tauxe : « Ça ne me fait pas rêver, mais ça m’émeut. Cela m’émeut quand je pense, avec ma formation d’historien, que dans un même parlement, il y a des Polonais siégeant à côté d’Allemands. Quand on pense à l’histoire de la Pologne et de l’Allemagne, sans parler toujours des Français et des Allemands, cela me touche. Il faut respecter cela en Ukraine ou en Géorgie… il y a eu d’énormes manifestations en faveur de l’Europe… Pour eux, l’Europe est synonyme de protection.»

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Nicolas Jutzet partage cette émotion pour les gens : « Je suis aussi touché lorsque les Ukrainiens ont l’impression que leur avenir sera plus sûr (en Europe). Je partage cette émotion, de la même manière que je suis ému lorsque je vois les peintres hollandais du XVIIe siècle. Mais il est mécontent de la façon dont l’Europe est construite : « Cela m’attriste même que mon avenir ne soit pas européen. Je suis même très en colère, très en colère contre l’institution qui fait que, malheureusement, l’avenir ne se jouera pas ici.»

 
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