S’il y a une phrase à retenir du livre de Jordan Bardella, c’est sans aucun doute celle-ci : « Les victoires futures dépendront de l’unité du camp patriotique, à travers une capacité à rassembler les orphelins d’une droite plus orléaniste. » L’affirmation d’une stratégie « d’union des droites », dans ce que le président du Rassemblement national (RN) a fait jusqu’alors de la manière la plus personnelle, est annonciatrice du débat qui pourrait agiter le parti d’ici 2027 et l’élection présidentielle.
Le RN doit-il se résigner à abandonner les derniers atours de la stratégie populiste, celle qui a guidé Marine Le Pen entre 2012 et 2022, pour devenir le maître d’un camp, à l’instar de ses homologues européens ? Jamais, depuis l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen en 2011, un haut responsable du parti d’extrême droite n’avait affiché aussi clairement son objectif de rupture avec cette stratégie. « bloc d’élite contre bloc populaire »qu’il juge en privé “insuffisant[e] ».
Mais c’est grâce à cette analyse socio-électorale, forgée par l’enquêteur Jérôme Sainte-Marie, devenu son conseiller, que Marine Le Pen espère accéder un jour au pouvoir : en consolidant sa place de parti leader des classes populaires, puis en allant convaincre les classes moyennes qui subissent une prolétarisation personnelle et les retraités déplorant une dégradation du pays.
Conquérir la droite bourgeoise
Emmanuel Macron lui a permis de faire de cette confrontation une réalité « entre mondialistes et nationalistes », et brouiller la division gauche-droite. Elle ne croit pas à son retour. « Nous avons théorisé sa disparition. C’est irréversible.assurait-elle à l’automne 2022, alors que le macronisme, en majorité relative, semblait déjà toucher à sa fin. Depuis, Marine Le Pen ne manque pas une occasion d’assurer à qui veut la croire qu’elle ne l’est pas. “ni gauche ni droite”.
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Contrairement à Jérôme Sainte-Marie, Jordan Bardella estime, comme le regretté essayiste et conseiller Patrick Buisson (1949-2023) de Maurras, que « le carrefour essentiel (…) entre la classe ouvrière et une partie de la bourgeoisie conservatrice ». Il ne proclame pas clairement le renoncement à « ni droite ni gauche », ce qui ouvrirait une fracture au sein du parti. Mais sa main tendue vers l’obsolète « Droite orléaniste »la référence à René Rémond, historien spécialiste de la droite en France, et dont les meilleures incarnations récentes sont Alain Juppé puis Emmanuel Macron, intrigue. Longuement travaillé sur la question par Pascal Praud, mardi 12 novembre, sur la chaîne CNews, Jordan Bardella a erré sans jamais démentir, au point que l’éditorialiste a conclu : « Vous êtes de droite, mais Marine Le Pen vous interdit de le dire. » Sans être nié.
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