Ours, loup gris ou chat des forêts, isard, grand tétras, lagopède, Mercure agrion… Laboratoire à ciel ouvert d’une cohabitation intelligente avec une nature respectée, la réserve, labellisée UICN, renouvelle son plan de gestion pour l’OFB. Une réussite.
Ce fut une soirée très populaire. Célébrer la nature et le pastoralismemais aussi la bonne entente entre l’homme et son écosystème naturel. Un véritable moment d’échange, un bilan de la bonne gestion de cette réserve originale, l’une des douze seules existant sur ce modèle en France où les usages cohabitent. Une fin d’année où la nature s’invite en même temps que les habitants deOrlu et Orgeix pour un moment d’échange. Les deux villages emblématiques possèdent un trésor qu’ils côtoient au quotidien, une riche biodiversité dans un territoire qui vient de connaître le rare renouveau. Label UICN, Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Et son plan de gestion pour les dix prochaines années.
Label de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature
Il n’y a que quelques centaines de lieux protégés par ce label dans le monde qui l’ont obtenu : grands parcs américains, chinois, etc. la Camargue ou la réserve marine de Cerbère-Banyuls, en Occitanie. Et la minuscule réserve d’Orlu de 4 250 hectares. « Nous avions ce label il y a cinq ans et le voilà renouvelé après évaluation. Parallèlement nous avons signé une convention avec l’Etat, l’OFB… Cela couronne l’important travail de partenariat avec l’OFB, les salariés de la réserve et l’Etat.» Il y a eu aussi la présentation du plan de gestion de cette réserve devant le préfet et tous.
Réserve créée par Augustin Bonrepaux
Dont Alain Naudy, maire d’Orlu – « Une ville de 7 000 hectares qui appartient à ses habitants, c’est rare !– donne le contexte : « Cette réserve naturelle a été créée en 1925 par un magnat mondial de l’arsenic : Maurice Burrus. Il avait acheté une partie du domaine, soit plus de 6 000 hectares, au seigneur d’Orlu pour son plaisir. Il le vend au début des années 1960 à Cellulose d’Aquitaine à Saint-Gaudens pour couper du bois et fabriquer de la pâte à papier. Mais après sept à huit ans, le domaine est mis en vente en 1973. Mon prédécesseur, le célèbre Augustin Bonrepaux, député et président du conseil général et qui fut président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a eu cette idée de racheter la surface de la réserve.
Nous avons acheté ensemble, Orlu et Orgeix, des montagnes via un syndicat pastoral et forestier, créé pour l’occasion »
En 1974, il y a tout juste 50 ans, «nous avons acheté ensemble, Orlu et Orgeix, des montagnes via un syndicat pastoral et forestier, créé pour l’occasion »formule Alain Naudy. Le maire d’Orlu précise : “Au fur et à mesure que nous vendions le bois de ces 4 250 hectares, c’est devenu un groupe syndical.” Un prêt sur 36 ans, jusqu’en 2010, était nécessaire. « Nous avons ensuite consulté les habitants – nous travaillons beaucoup comme ça ici – pour savoir qui allait gérer cela. Il y avait la fédération de chasse et l’OFB. Au départ, ce n’était qu’une réserve de chasse : ici, il y a un ou plusieurs chasseurs par famille et la carte de chasse n’est pas chère (20 €) et est vendue par le syndicat local. Aujourd’hui, c’est des tirs rigoureux, avec seulement trois balles, un animal désigné, on ne fait rien.»
Située aux confins des Pyrénées ariégeoises et catalanes, la réserve nationale de chasse et de faune sauvage d’Orlu s’étend dans la partie haute de la vallée de l’Ariège, sur une superficie de près de 4 250 hectares. Créées en 1981, ces réserves s’inscrivaient dans le cadre de l’étude et de la conservation de la faune de montagne, notamment du chamois et du grand tétras. Qui y ont leur sanctuaire mais ouvert, vivant.
Ici, dans cette réserve, quand les Isards toussent, ce sont les habitants qui sont malades. Nous avons un lien très fort avec les Isards de cette région pour la bonne raison qu’il y a beaucoup de… chasseurs”
C’est l’Office français de la biodiversité qui gère la toute nouvelle Réserve nationale de chasse et de faune sauvage (RNCFS) d’Orlu, en Occitanie. « Ici, nous ne sommes pas comme des propriétaires qui louent un bien pour ne plus en prendre soin, décrypte Alain Naudy. Dans cette réserve, quand les Isards toussent, ce sont les habitants qui sont malades. Nous avons un lien très fort avec les Isards de cette région pour la bonne raison qu’il y a beaucoup de… chasseurs. C’est donc un lien qui peut tuer. L’Isard est le symbole de la réserve.
Subvention de l’Etat de 209 000 € sur trois ans
« L’État, pour intéresser davantage la population à la protection du patrimoine, verse ce qu’il appelle des aménagements : une dotation de 209 000 € sur trois ans. Qui pourra à l’avenir disposer d’une zone de protection forte où l’on pourrait expliquer les recherches qui y sont menées sur la faune et la flore. Nous avons déjà passé une soirée sur le desman que nous avions réussi à piéger pour l’observer. Il était équipé de balises GPS ; c’est un animal peu connu et les deux captures à l’automne 2023 et au printemps 2024 ont permis d’en apprendre beaucoup sur la vie de ce petit mammifère. Dont l’aire de répartition est en déclin, notamment dans les contreforts, à cause de la qualité de l’eau et du réchauffement climatique.
« La réserve, un outil de développement »
Alain Naudy précise : « J’ai toujours considéré cette réserve comme un outil de développement. » Refuges, location d’estives, vente de bois (pour 250 000 € il y a peu)… Les habitants de la vallée récoltent les bénéfices de cet achat. C’est aussi un élément supplémentaire pour le tourisme en Ariège ; cela amène également les gens vers de multiples structures comme Montanéo, dont Dis-Leurs vous a parlé ICI. « Pour faire fonctionner les campings et les gîtes : cette réserve est devenue un outil de développement économique. Le préfet a également souligné que nous avons saisi cette réserve. Il existe peu de réserves de ce type gérées par l’État. Mais très peu, trois ou quatre, pour lesquels les habitants sont si investis.»
Ours, loup gris ou chat des forêts, chamois, grand tétras, lagopède, Mercure agrion…
Ce territoire (d’une superficie d’un peu plus de la moitié de celle de l’étang de Thau) abrite de nombreuses espèces animales caractéristiques des milieux montagnards : des mammifères à desman des Pyrénées, chauves-souris, l’ours brun, le loup gris ou encore le chat des forêts, l’isard… Parmi les oiseaux, on peut citer grand tétras, gypaète barbu, milan royal, vautour fauve, lagopède alpin, perdrix grise des montagnes, crave à bec rouge, pic noir, merle rieur, chouette de Tengmalm. Le territoire abrite même des insectes remarquables comme l’azur de la Croisette et l’agrion mercure. Ou encore la linaigrette et le grand portail.
La réserve est incluse dans le périmètre Natura 2000
En raison des habitats et des espèces endémiques présentes sur le site, le territoire de la réserve est inclus dans un périmètre du réseau. Natura 2000 au titre des deux directives européennes Habitats et Oiseaux. Le pastoralisme et le tourisme, comme d’autres activités, se déroulent également sur le territoire de la réserve.
Landes et pelouses d’altitude, prairies de fauche en montagne
Les habitats, justement. De par sa grande superficie et son amplitude altitudinale, le RNCFS d’Orlu présente une mosaïque : des landes et prairies d’altitude dont la conservation est fortement influencée par les activités pastorales, et dans une moindre mesure par la fréquentation touristique ; des milieux forestiers, peu impactés par la gestion forestière, mais potentiellement soumis à l’impact des grands ongulés (notamment les cerfs) et à l’impact du pastoralisme en lisière (brûlage, piétinement, pâturage). Ce coin de l’Ariège possède également des zones humides ; prairies de fauche du niveau montagneux impactées par l’abandon agricole et les milieux creusés dans le roc.
Réserve de chasse et protection des animaux
Xavier Rozec est l’un des deux agents de l’OFB affectés à la réserve d’Orlu. Un plan de gestion décennal, validé à nouveau le 24 avril 2024, par le comité de pilotage, permet de fixer des objectifs à long terme pour ce territoire : milieux ouverts, zones humides et pastoralisme, avec par exemple : la gestion de l’eau et l’hydroélectricité. , protection des zones humides et des cours d’eau, entretien des milieux ouverts et des mosaïques d’habitats, recherche scientifique concernant les habitats et les espèces patrimoniales (chais, desman, grand tétras, etc.)
Une réserve qui se situe, oserons-nous dire, entre la réserve à truites et l’élevage de thons méditerranéens. « Cette réserve naturelle de chasse et de faune a un statut un peu particulier. Depuis l’origine, son objectif premier est de protéger le gibier afin de le maintenir en bonne santé et de pouvoir, entre autres, le relâcher sur d’autres territoires.corrige Xavier Rozec. C’était notamment le cas des ézards du Parc National des Pyrénées. Autre objectif : la protection de certains animaux, comme le chamois, la marmotte ou le grand tétras, dont “on enregistre une diminution des populations au niveau national et dans les Pyrénées”. Ce qui fait dire à Xavier Rozec que le bilan est “demi-teinte”, il ne fait aucun doute que le changement climatique joue un rôle important.
Les cerfs de la réserve d’Orlu ont un impact très fort sur les plants de bleuets !
Enfin, la zone est un territoire d’étude de différentes espèces. Certains prélèvements sont autorisés mais avec des règles strictes : on ne peut pas chasser, et encore ce ne sont que quelques prélèvements autorisés. Seuls six cerfs – une espèce présente dans la réserve depuis les années 1990 seulement – ont par exemple été tués cette année. Ils ont un impact très fort sur les… plants de bleuets dont ils raffolent ! Et plus largement « toutes les plantes qui poussent dans la forêt ». On y trouve également quelques échantillons de chamois – dont la population est plus dense dans la réserve qu’ailleurs dans les Pyrénées – à des fins scientifiques : suivi sanitaire.
Quarante ans d’étude de l’ézard là-bas
Il précise : « Cela fait par exemple 40 ans que nous travaillons sur les chamois. Qu’on s’équipe de colliers GPS, de colliers visuels pour les observer à distance.” De quoi observer et documenter un déclin des populations de chamois : “Il a été à un moment divisé, dans la réserve, par trois entre le début des années 1990 et par 500 dix ans plus tard, à cause de deux maladies successives.” C’est peut-être aussi lié à une surdensité de chamois à une certaine époque : plus nombreux, ces animaux étaient aussi plus petits qu’aujourd’hui. Donc moins en forme.
20 000 personnes par an au fond de la réserve
« De nombreuses thèses vétérinaires ont été réalisées sur cette réserve. Actuellement, nous travaillons beaucoup sur le changement climatique, sur les interactions entre animaux sauvages et animaux domestiques, en prenant le chamois comme modèle. Nous les équipons de GPS pour voir comment ils interagissent ; nous étudions les usages humains : quelque 20 000 personnes visitent chaque année la partie basse de la réserve, au cours des mois d’été, de printemps et d’automne. En partie haute, ce n’est pas une roupie d’étourneau : « Environ 4 000 visiteurs par an. »
Des expositions imaginées au refuge En-Beys
Une réserve qui vient de voir son plan de gestion renouvelé début 2024. « Avec la création de l’OFB, nous avons des ambitions plus larges en termes de connaissance et de protection de la biodiversité. Nous utilisons la même méthodologie que dans les réserves naturelles nationales. Nous sommes toujours très intéressés par le grand tétras, le chamois et le lagopède, mais nous ne nous abstenons pas de nous occuper des espèces situées dans les Pyrénées. Comme le desman.»
Organiser une soirée pour faire le bilan d’une année de gestion que tous les acteurs souhaitent annuelle, c’est bien. Mais communiquer plus largement et plus largement vers le grand public est un objectif, par exemple « à travers des expositions au refuge gardé d’En-Beys, à 1.950 mètres d’altitude, propriété de la municipalité, où dorment chaque année plus de 4.500 personnes ». Sans compter les nombreux promeneurs avec qui nous pouvons échanger. Et envoyez des messages.
Olivier SCHLAMA
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