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L’Inde, « la pharmacie du monde », s’attaque au marché pharmaceutique français

C’était une promesse d’Emmanuel Macron à la sortie de la crise du Covid : restaurer la souveraineté de la dans la fabrication et l’approvisionnement des médicaments. Quatre ans plus tard, cette politique semble avoir échoué. Le Doliprane va bientôt être vendu en partie à un fonds américain et, cet été, le champion français du générique Biogaran a failli être vendu à des laboratoires indiens.

L’Inde lorgne en effet de plus en plus vers le marché français. Exemple dans cette usine, au pied des montagnes himalayennes, tout près de la frontière avec le Pakistan. «Bienvenue aux Laboratoires Jackson»», explique Govind Chourasia, le directeur du site, qui est l’une des 10 000 usines de fabrication de médicaments et de vaccins en Inde. Les Laboratoires Jackson produisent « paracétamol, antibiotiques, corticoïdes, antiépileptiques… »soit un total de 300 sortes de médicaments génériques courants.

Au fur et à mesure de la visite de Govind Chourasia, nous croisons des machines qui fabriquent des boîtes de médicaments avec des inscriptions en espagnol, mais aussi en russe, anglais et français. “Oui, c’est du françaisindique le gérant, 70 % de notre production est destinée à l’export. « Ce n’est pas pour la Franceprécise Sahil Samra, directeur des laboratoires Jackson, mais pour les pays africains francophones.

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Une des usines des Jackson Laboratories, avec Govind Chourasia, le directeur. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Si ce n’est pas encore pour la France, le réalisateur ne cache pas ses ambitions. « Exporter en France est un de nos objectifsil explique. Pour cela, une certification européenne est requise. Nous prévoyons donc de nous agrandir en construisant une nouvelle usine qui fabriquera des médicaments aux normes européennes. Longtemps moquée, la qualité de l’industrie pharmaceutique indienne est désormais réelle. Ainsi, 10 % des usines du pays sont aujourd’hui agréées par la FDA (Administration des aliments et des médicaments)l’autorité américaine réputée pour imposer des normes parmi les plus strictes. « Nous produisons en grande quantité, la qualité de nos produits s’améliore. Nous sommes déjà presque partout dans le monde »» déclare Sahil Samra avec assurance.

« Ce n’est qu’une question de temps avant que tous les pays développés achètent des produits pharmaceutiques indiens… Et la France aussi. »

Sahil Samra, directeur des laboratoires Jackson

sur franceinfo

L’industrie pharmaceutique est aujourd’hui l’un des secteurs à la croissance la plus rapide en Inde. Environ un médicament générique sur cinq et la moitié des vaccins vendus dans le monde sont fabriqués en Inde.

La pharmacie indienne est devenue incontournable, explique Jitin Chawla, spécialiste du recrutement : « J’ai donné une conférence à 200 étudiants. Je leur ai conseillé de s’orienter vers l’industrie pharmaceutique, qui vaut aujourd’hui 42 milliards de dollars. Et selon les prévisions, ce sera trois fois plus en 2030. Le secteur emploie 600 000 personnes, voire le double, si l’on compte les emplois indirects. Et au cours des deux prochaines années, les fabricants de produits pharmaceutiques prévoient d’embaucher 130 000 personnes.

La main d’œuvre est bon marché dans le pays le plus peuplé du monde, avec des salariés payés entre 300 et 400 euros par mois, selon Jitin Chawla. A diplôme égal, c’est près de 10 fois moins qu’aux Etats-Unis ou en Europe. La recette du succès indien, c’est aussi le gouvernement, qui a permis, grâce à des incitations fiscales, de développer un écosystème et de créer des géants pharmaceutiques.

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Sahil Samra, directeur des Jackson Laboratories, Inde. (SOLENNE LE HEN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Ceci explique ce résultat, explique Sahil Samra, des laboratoires Jackson : « Nous sommes les plus compétitifs. Notre laboratoire a remporté un contrat pour fournir à Maurice des capsules d’oméprazole contre les brûlures d’estomac.

“Nous pouvons produire et vendre une capsule d’Oméoprazole pour seulement 10 centimes d’euro.”

Sahil Samra, Laboratoires Jackson

sur franceinfo

Ce coût de 10 centimes est presque deux fois moins cher que celui des concurrents français. Et l’Inde commence déjà à tisser sa toile en France. A Gurgaon, le quartier des affaires de New Delhi, la capitale, Umair Ul Haque travaille au sein du cabinet de conseil Dezan Shira and Associates. « Le marché français ne constitue que 2,6 % des exportations de médicaments et vaccins indiensil décrit. Or, cette année, l’Inde a exporté environ 240 produits vers la France. des millions de dollars de drogue. C’est déjà beaucoup, et cela ne cesse de croître.»

Sans le savoir, des médicaments indiens sont déjà dans nos armoires à pharmacie, par exemple ceux du génériqueur Arrow, basé à Lyon : filiale du groupe indien Aurobindo. Cet été, Aurobindo était l’un des deux candidats indiens au rachat de Biogaran, le champion français des génériques. La vente a finalement été annulée, mais le laboratoire Pierre Fabre est en train de céder l’un de ses sites de recherche en Haute-Savoie à un groupe indien.

L’Inde ne veut pas seulement exporter ses médicaments vers la France, elle envisage également d’acheter certains de nos sites en France, explique Umair Ul Haque : « Je comprends que les Français soient réticents à perdre le contrôle d’une entreprise, mais le but des Indiens n’est pas de vous faire perdre votre souveraineté.assure-t-il. En rachetant des groupes français, nous nous positionnons comme partenaires commerciaux et investisseurs.

«C’est une façon de renforcer votre industrie et de la faire prospérer.»

Umair Ul Haque, du cabinet de conseil Dezan Shira and Associates

franceinfo

Cette logique de marché va inévitablement prévaloir à long terme sur les constructeurs français, prédit Sahil Samra, directeur des laboratoires Jackson : « Si vous êtes compétitifs, si vous produisez de la qualité, alors vous survivez, et pas les autres. C’est le jeu. » Partenariat ou inéluctable perte de souveraineté de la France, les industriels indiens ont en tout cas déjà réalisé une percée significative sur le marché du médicament auprès de nos voisins belges et anglais.

 
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