La nostalgie peut aussi être douce comme le lactosérum. Nous en avons donc bien profité ce week-end à Vouhé. Au prix de nombreux travaux d’exhumation des documents ayant servi à faire la lumière sur les cent vingt-six ans d’histoire de la laiterie La Viette, Jean-Louis Neveu a présenté les prémices de sa quête de témoignages, d’archives et même d’anciens films, vendredi 8 novembre 2024 au soir.
C’est peu dire que la mémoire collective locale est très attachée à cet ancien joyau rivé au cours d’eau de La Viette, aux confins de Vouhé et de Soutiers. Nous avons senti beaucoup de frissons parcourir l’assemblée.
« Voir le fleuron local disparaître, ça me fait toujours mal au cœur »
Était-ce vraiment une surprise de retrouver une salle des fêtes à Vouhé (355 habitants) pleine à craquer de cent dix personnes venues s’offrir cette unique séance de cinéma d’une nuit, agrémentée de ces fameux vieux films chinés ? Nous restons toujours naturellement prudents, par modestie, sur les questions d’affect en Gâtine. Or, il est désormais évident que la fermeture secrète de la laiterie le 25 novembre 2022 a été un véritable crève-cœur pour beaucoup.
Avec jusqu’à un millier d’éleveurs locaux approvisionnant La Viette à ses heures de gloire, la ronde des bidons de lait a marqué l’histoire de nombreuses familles de ce coin de Gâtine. On n’imagine pas l’empreinte laissée ici par cette laiterie qui est encore capable, en 2021, de produire, entre autres, mille tonnes de beurre avec sa tête de gondole estampillée AOP Charentes-Poitou.
Vendredi soir, à Vouhé, c’était comme si la parole se libérait d’un coup. « Voir le fleuron local disparaître me fait toujours mal au cœur. L’idée n’est pas de languir mais de rassembler cette mémoire pour reconstituer l’histoire de ce lieu qui représente non seulement une histoire industrielle mais une grande aventure agricole et sociale. Jean-Louis Neveu told the audience.
Une émotion très palpable dans le public
Au fur et à mesure que défilaient les images, il était très émouvant d’entendre les chuchotements dans le public, certains énumérant les noms des personnes apparaissant à l’écran, tout en faisant religieusement circuler un cahier pour noter leur nom et les éventuels documents ou témoignages en leur possession. .
Jean-Yves Carou, ancien maire de Vouhé qui dirigeait la laiterie, a rappelé le bon temps, où la maison gastronomique Lenôtre venait choisir son beurre. Il a vu la liste des fournisseurs de lait locaux fondre comme un morceau de beurre au soleil, passant d’un millier au début à une quinzaine dans les années 1980.
Dans le public, Daniel Rouvreau n’a rien raté de cette tournée qui s’est rendue dans le fief de son enfance à Beaulieu. Lui qui a présidé aux destinées de la laiterie dans son dernier souffle coopératif, a vu clignoter sur l’écran des images poignantes de la ferme familiale en action lors de la tournée laitière, avec son papa Denis et ses dix-huit Parthenaises. Ces vaches produisaient du lait aux portes du Château de La Guyonnière et buvaient même l’eau des douves qui gelaient plus que d’habitude au moment où arrivait l’hiver.
Grâce à ces films, Daniel a revu sa mère, sa sœur Michelle, la tournée du camion conduit par Albert Boinot, le père de Michel qui a tourné ces images. Et il souriait avec tendresse devant Bayonne, cette sacrée chienne de la ferme Guyonnière : lorsqu’une faible traite avait à peine donné assez de lait pour tapisser le fond de la boîte, elle siphonnait parfois, subrepticement, ce fameux nectar qui était, pour l’un, cent vingt-six ans, l’or blanc de La Viette.
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