Dans ce dossier, nous reprenons dans son intégralité la passionnante étude menée par la rédaction de TEC21 basé sur les données accumulées par nos collègues d’espazium qui gèrent et alimentent la très populaire plateforme compétitions.espazium.ch depuis une dizaine d’années maintenant. Ils ont fait appel à l’entreprise garderValeur et ses experts en analyse de données pour regrouper près de 2 000 procédures, puis transmettre ces résultats à notre spécialiste en visualisation, Valérie Bovay. Enfin, une dizaine d’acteurs et actrices de la compétition ont été invités à réagir à ces graphismes.
Cette patiente démarche a été nécessaire pour tirer des leçons et surtout briser certains clichés. On apprend d’abord que non, la concurrence ne s’essouffle pas, mais que le nombre de procédures augmente plutôt dans toute la Suisse. On apprend alors que la concurrence ouverte est favorisée dans les cantons latins. On découvre même que la culture de la concurrence n’est pas forcément plus importante dans le canton de Zurich si l’on compare le nombre de démarches au nombre d’habitants. En termes de qualité, on peut s’en faire une idée en visitant l’exposition actuellement présentée à la ZAZ Bellerive, qui présente 104 résultats de concours organisés dans ce canton au cours des deux dernières années.
Nous avons prolongé cette enquête en demandant à Véronique Biau de commenter la situation à l’échelle européenne. Le chercheur français, l’un des rares à disposer d’une vue d’ensemble des compétitions à travers le continent, dresse un tableau méconnu et très instructif, présentant de grandes disparités. Il fournit également quelques enseignements sur d’autres pratiques d’appel d’offres, dont les architectes suisses pourraient s’inspirer, comme Présentation visuelle Néerlandais, les appels à projets urbains innovants français (APUI, dont « Réinventer Paris ». Lire l’article Réinventer Paris : marketing urbain ou vrais projets ?), ou encore les tirages au sort pratiqués en Allemagne dans les compétitions sélectives.
Ce travail analytique se concentre sur les chiffres. Cependant, pour continuer à faire respecter et à développer les méthodes de concurrence, il est nécessaire d’entrer dans les détails. Selon l’étude sectorielle du Conseil des Architectes d’Europe (ACE/CAE), le nombre d’heures investies annuellement dans les concours est très variable en Europe et atteindrait près de 2000 en Belgique. Les architectes suisses n’ayant pas pu répondre à l’étude (faute de temps peut-être ?), nous ne pouvons pas estimer leur situation. Combien d’heures ont été investies pour créer l’exposition ZAZ ?
Dans ce contexte, il est toujours bon de rappeler l’engagement absolument exceptionnel que la profession délivre à la société, sans garantie d’être récompensé, ni même rémunéré. Et de rappeler ce que réclame la SIA depuis 150 ans : le fair-play. Aucune statistique ne permet de distinguer les concours bien organisés de ceux qui prennent de plus en plus la forme d’appels d’offres déguisés dans le but d’obtenir un avant-projet (compact) à moindre coût : les cahiers des charges sont parfois si précis, les spécialistes jamais plus nombreux et les exigences si grandes que seule l’aspect économique du projet peut faire la différence. Le concours doit rester un concours d’architecture.
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