A la veille du 11 novembre, Richard Crespy, professeur d’histoire-géographie et historien local, s’intéresse aux plaques commémoratives de la Première Guerre mondiale dans les églises et à leurs spécificités.
C’est un souvenir méconnu qui a pourtant sa place dans l’histoire du conflit et ses répercussions à long terme : les plaques commémoratives de la Première Guerre mondiale dans les églises. Ils bénéficient d’une protection naturelle au sein des édifices religieux, mais leur pérennité n’est absolument pas assurée puisqu’ils ne font pas l’objet d’un classement administratif de protection. Pourtant, dans certaines communes (dans les anciens cantons de Saugues ou du Monastier par exemple), ils constituaient et constituent encore le seul hommage public aux soldats morts pendant le conflit.
Une demande de 1919
Au printemps 1919, la Semaine religieuse du diocèse du Puy évoque « les nombreuses demandes adressées à l’évêché par des prêtres qui souhaitent installer des plaques nominatives de militaires morts à l’intérieur des édifices religieux ». En Haute-Loire, la première mention retrouvée concerne la commune de Céaux-d’Allègre, le 27 avril. Certaines communes avaient choisi d’installer leur monument officiel au sein de l’église (comme Blavozy, Saint-Germain-Laprade ou Les Estables) et d’autres ont consacré des vitraux aux conflits (Chaspuzac, Valprivas).
Les plaques ne sont « qu’une simple page d’histoire » et en aucun cas un acte de culte en soi, un objet de dévotion particulière. Leurs objectifs sont « d’accroître la dévotion aux âmes du Purgatoire et d’éviter que les victimes de la guerre ne tombent dans l’oubli ». La question de la présence de protestants sur ces plaques est intéressante. Même si l’œcuménisme a progressé, une certaine méfiance règne encore. Au Chambon-sur-Lignon, la plaque installée dans l’église catholique ne mentionne que cinq noms, ce qui est très peu comparé au nombre de décès dans la commune qui dépasse la centaine.Des inscriptions au choix des matériaux, chacun raconte une histoire, celle d’une époque et de ses habitants. Photos Dr
Par rapport à un mémorial public, le coût de création est bien entendu inférieur. Cela permet donc d’accélérer la production, mais cela pose aussi un problème statistique. En effet, la liste définitive des morts de guerre n’était absolument pas dressée au moment de l’installation de ces plaques – essentiellement entre 1919 et 1921. Parfois, comme au Monastier-sur-Gazeille, une ou plusieurs étaient ajoutées à la liste. noms a posteriori. Par ailleurs, depuis la séparation de l’Église et de l’État en 1905, la propriété des édifices religieux revient aux communes. Le projet était généralement initié par le curé de la paroisse, mais il devait obtenir l’accord du maire. Aucune opposition n’a été constatée en Haute-Loire. Toujours au Monastier, les souscriptions de la population ont permis d’installer les deux monuments commémoratifs qui ont été inaugurés le même jour. A Cubelles, le 19 septembre 1920, l’archiprêtre de Saugues « remercie le Maire et le conseil municipal d’avoir consulté le Curé pour déposer dans l’église la plaque qui vient d’être bénie ».
Chacun a sa place…
Les églises avaient une vocation naturelle à devenir des lieux de mémoire de la guerre. La pratique religieuse généralisée, le réconfort apporté aux familles endeuillées par les actes de culte et la vigueur des sentiments patriotiques de nombreux ecclésiastiques ont joué en faveur de cette faveur. Avant que le 11 novembre ne devienne une journée de commémoration nationale en 1922, la Toussaint et le 2 novembre étaient marqués par des cérémonies honorant les morts de la guerre. Cette pratique perdure dans de nombreuses localités après la fin du conflit. L’emplacement des plaques varie selon le bâtiment. On les retrouve dans le vestibule comme à Rosières, près d’une porte d’entrée comme à Freycenet-la-Cuche, Brives-Charensac ou Yssingeaux. Nous disposons également de plaques sur piliers comme dans les églises Ponote du Collège ou des Carmélites ainsi qu’à Craponne. Le plus souvent, ils se trouvent sur les parois latérales. Les matériaux utilisés sont variés avec une dominance du marbre et du bois. …
Et son choix d’inscription
Les inscriptions sont intéressantes car elles peuvent fournir des informations sur le financement du projet. On retrouve bien sûr le nom de la localité avec la mention « paroisse » ou « commune ». Comme sur les monuments publics, on a les dates du conflit, parfois les années de décès des soldats, rarement les grades (Sainte-Florine). Dans Ouides et Connangles, un extrait d’un célèbre poème patriotique de Victor Hugo a été ajouté. A Blanzac, les noms des donateurs ont été indiqués. L’inscription « Dieu et Patrie » est très courante. Mais ce qui compte avant tout, c’est le sort des âmes des défunts. La mention du verbe « prier » ainsi que diverses formules religieuses latines sont censées le rappeler.Des plaques en bois ont été réalisées
Enfin, particularité de la Haute-Loire : l’inscription des morts selon les villages d’origine que l’on retrouve dans de nombreux édifices (Bains, Présailles, Cayres ou Laussonne), un esprit plus présent en Velay que dans le Brivadois. A l’inverse, on trouve plus rarement des médaillons avec le portrait du défunt comme à Auvers ou dans l’église de Verne, commune de Lapte. Une statue accompagne très souvent les plaques commémoratives, de la Vierge (à Saint-Étienne-du-Vigan et Pinols) mais surtout de Jeanne d’Arc. Sa canonisation en 1920 n’est bien sûr pas étrangère à cette présence à Brignon, Vielprat, Saint-Pal-de-Mons, Chavaniac-Lafayette ou Saint-André-de-Chalencon.
Et la présence d’un drapeau tricolore est assez courante même si elle ne va pas forcément de soi. Là, c’est l’Église qui va aller dans le sens de l’apaisement. Le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Vatican en 1921 explique cette évolution, qui a également permis de valider les plaques avec ce décor.
Peu de traces des inaugurations
Après, les inaugurations sont plus difficiles à connaître que celles qui concernaient les monuments publics. À Saint-Geneys-près-Saint-Paulien, elle se traduit par une simple bénédiction à la fin de l’homélie du 1er février 1920. Le maire fait l’appel auquel un de ses adjoints répond par « Tombé dans le champ de la mort ». .» « honneur » en alternance avec « Mort pour la France ». L’assistance termine en ajoutant : « Seigneur, donne-lui le repos éternel. » A Tence, le 7 avril, les plaques ont été inaugurées en présence de l’évêque du Puy, Mgr Boutry. A Freycenet-la-Cuche, les vétérans sont en uniforme et armés pour « rendre honneurs à leurs camarades ». A Présailles, le 13 septembre, 600 personnes ont participé à la cérémonie (les retardataires ne peuvent pas entrer dans l’église), parmi lesquels des curés des paroisses voisines, des religieux de la commune et des ouvriers du chantier de Transcévenole.
Le difficile recensement
L’inventaire des plaques commémoratives dans les églises n’est pas si simple. Parfois, ils ont disparu lors de travaux de rénovation, comme à Saint-Laurent au Puy dans les années 1970. Il y a aussi la particularité des bâtiments dans les sections de communes. Les églises des villages de Brugeilles (Torsiac), Verne (Lapte), Sarlanges (Retournac) possèdent une plaque commémorative. A l’inverse, à Espaly ou à Aiguilhe, la basilique Saint-Joseph et la chapelle Saint-Michel n’en possèdent pas. Si le monument aux morts public est installé à proximité de l’église, voire accolé à celle-ci, la présence d’une plaque à l’intérieur n’est pas garantie, c’est le cas par exemple à Landos ou à Saint-Victor -Malescours. Il faut également prendre en compte les temples protestants, sachant que les tendances réformées vont dans le sens d’une réduction des lieux de culte. Pourtant, à Tence, Freycenet-Saint-Jeures et dans le quartier de Montbuzat, on trouve des plaques nominatives dans les temples avec un extrait de la Bible : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie » pour le premier, « Ton frère le fera ». ressuscitez » pour le deuxième et « Bienheureux les artisans de paix » pour le troisième.
Certains valent le détour…
Certaines plaques méritent le détour en raison de leur composition globale. A Saint-Julien-d’Ance, des anges et la Vierge embellissent une plaque aux nombreux détails sculptés, tandis qu’à Sainte-Florine, on retrouve des soldats dans différentes postures ainsi qu’un Vercingétorix qui monte la garde. Il existe également des peintures nominatives très bien conservées comme à Connangles ou à Saint-Didier-sur-Doulon. À La Chomette, les noms des défunts étaient inscrits dans une belle écriture calligraphique. A Yssingeaux, la plaque de marbre noir est insérée dans un tableau composé de mosaïques figurant les armoiries de la ville, des pots à feu ainsi qu’une représentation dominante de l’esprit saint. L’ensemble est précédé d’un gisant en bois représentant le Christ et il fut inauguré le 28 septembre 1920.
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Signalons enfin les plaques sur bois provenant des églises de Salettes et de Lafarre. Cette dernière a fait l’objet d’une restauration réussie en 2018 par des apprentis du CFA de Bains. Il s’agit d’œuvres uniques du même atelier, finement sculptées et qui comprennent également des plaques métalliques, également sculptées, portant les noms des soldats morts à la guerre, des blessés et des prisonniers. La plus complète est celle de Salettes, inaugurée en mai 1919. Elle constitue à la fois une œuvre artistique remarquable et une Source historique sans équivalent pour cette petite commune. A ce titre, cette dernière mérite un classement qui garantirait sa pérennité pour les générations futures.
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