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Un café avec… Chantal Hébert

Je connais beaucoup de gens que la politique – particulièrement la politique canadienne – ennuie profondément, mais qui écoutent Chantal Hébert avec plaisir. Peut-être parce qu’elle a toujours laissé le public se faire sa propre idée, ce qui explique pourquoi il souhaite connaître la sienne, qui est franche, concise et directe. Vous n’avez jamais l’impression qu’on vous remet une cassette ou que vous devez être d’accord ou en désaccord avec elle, vous prenez simplement des notes. En tout cas, je pourrais l’écouter pendant des heures, car c’est aussi une usine à anecdotes politiques hilarantes.


Publié à 1h12

Mis à jour à 5h00

Elle a certes ses détracteurs, mais en pleine crise médiatique, Chantal Hébert demeure une figure respectée du paysage journalistique, de part et d’autre des deux solitudes, ce qui lui a valu cette année le prestigieux prix Michener-Baxter, la plus haute distinction en journalisme au Canada. Au café où elle m’avait donné rendez-vous au centre-ville de Montréal, un jeune homme est même venu me témoigner son admiration. Comment explique-t-elle cette confiance qu’elle inspire ?

“Je n’en ai absolument aucune idée”, répond-elle. J’imagine, en étant cohérent. Je ne suis pas vraiment du genre à arracher ma chemise. Pour moi, les faits sont plus importants que ce que nous pensons. Je prétends qu’il n’y a pas d’opinion en politique qui ne soit pas bonne. Qui décide de ce qu’est un consensus ? »

La plupart des électeurs sont suffisamment intelligents s’ils disposent des informations nécessaires pour tirer leurs propres conclusions. Je pense que mon opinion politique n’a pas plus de valeur que celle des gens qui boivent du café à côté de nous et qui ne font pas ce que je fais dans la vie. Je n’ai pas une connaissance complète.

Chantal Hébert

Chantal Hébert ne fait pas partie de ceux qui pensent qu’il y a trop d’opinions dans les médias. « En général, les gens qui se plaignent qu’il y a trop d’opinions, c’est parce qu’ils n’entendent pas assez les leurs, et s’ils l’entendent, ils pensent que nous l’entendons moins que les autres. C’est une question de perception. »

Ayant travaillé dans les deux langues officielles dans de nombreux médias tout au long de sa carrière, Chantal Hébert en sait quelque chose. Elle a été accusée d’être souverainiste ou fédéraliste selon la chaîne sur laquelle elle s’exprimait. « Tout ce qui a changé, c’est la boîte de conserve, mais c’était la même soupe dedans », note-t-elle.

Au début de sa carrière, elle observait avec amusement les journalistes anglophones qui expliquaient le Québec au public anglo-saxon et les journalistes francophones qui expliquaient le Canada aux Français. Souvent sans maîtriser la langue de la majorité québécoise d’une part, et sans être allé plus loin qu’Ottawa pour en parler Reste du Canada de l’autre. « Alors évidemment, on ne se comprend pas », conclut-elle. « Ce qui explique peut-être, comme le disait mon ami Paul Wells, que dans la politique canadienne, quand quelque chose arrive, le résultat le plus ennuyeux est le plus probable. »

Ici, il n’y a pas de drames, je ne risque pas ma vie en faisant ce que je fais. Oui, le Canada a bien d’autres problèmes, mais à l’échelle humaine, 90 % des personnes qui vivent ailleurs seraient souvent mieux loties ici.

Chantal Hébert

Elle ne trouve pas non plus que dans le pays, nous soyons plus polarisés qu’avant, contrairement à ce qui se passe chez nos voisins américains. De retour d’un voyage en Colombie-Britannique, la province où, dit-elle, la gauche et la droite s’affrontent le plus, elle a constaté que, malgré tout, les gens sont capables de se parler sans se déchirer. yeux. Par contre, elle a remarqué au cours des derniers mois que d’un océan à l’autre, ce n’était pas du tout Trudeau, Poilievre, Singh ou Blanchet qui monopolisaient les discussions, mais les élections américaines – notre rencontre a eu lieu avant de connaître les résultats du 5 novembre. Selon lui, ni un gouvernement conservateur ni un gouvernement libéral ne voudraient avoir à négocier avec Donald Trump, que tous ses anciens collaborateurs qualifient d’ingérable. « Je peux normaliser presque n’importe quel politicien canadien, ce n’est pas un problème. J’ai passé beaucoup de temps dans ma vie à dire : « arrêtez de dire que M. Ford est comme Trump ». Il y a des limites à dire des bêtises. Mais je ne peux pas normaliser Donald Trump. Pas en écoutant tous ces gens qui le connaissent bien. »

La liberté du freelance

Une journée type dans la vie de Chantal Hébert commence tôt, avec la préparation de ses apparitions à la radio le matin, puis plus tard à la télévision. Entre tout cela, elle se tient informée et écoute la période des questions à la Chambre des communes – un moment idéal, semble-t-il, pour envoyer des textos en toute confidentialité aux élus qui s’ennuient sur les bancs. Elle écrit ses chroniques et aide ses petits-enfants à faire leurs devoirs, en plus de passer du temps sur le réseau X, qu’elle apprécie (et qu’elle appelle encore Twitter) malgré toutes les critiques qui lui sont faites. Elle trouve même important d’être là, en tant que journaliste. « Sinon, on laisse Twitter à tous les fous de la planète. Quelque part, il faut que ceux qui ont des idées et des faits à défendre acceptent d’occuper le terrain eux aussi, pas d’aller se cacher chez eux en disant : « Ils sont trop méchants avec moi », dit celui qui a reçu sa première menace de mort après l’échec du Accord du lac Meech. Network X offre, dit-elle, « un lectorat plus large que n’importe quel journal pour lequel vous pourriez écrire ».

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PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Chantal Hébert et notre chroniqueuse Chantal Guy

Elle ne répond pas plus aux insultes qu’aux compliments. Bref, elle entretient une saine hygiène informationnelle et n’écoute plus les informations avant de se coucher, pour mieux dormir. Chantal Hébert ne pense pas non plus à la retraite, pourvu qu’on la veuille encore, puisqu’elle est pigiste, et cela lui a toujours convenu.

Elle a beaucoup à dire sur le métier, et constate qu’avant, on fonctionnait en silos, sans se parler. «Je ne veux pas minimiser l’ingérence étrangère, la manipulation ou la désinformation, mais le fait est que, néanmoins, les premiers agents de désinformation auparavant étaient des journalistes des grands médias qui vivaient en silos», dit-elle. Ces silos ont été brisés, non pas parce que nous sommes devenus plus éclairés, mais parce qu’à cause des médias sociaux, il devient impossible de dire, par exemple, des bêtises en anglais sur le Québec sans se faire frapper et vice versa. versa. »

Quant à ce qu’elle appelle les « mesures » du Canada pour encadrer les GAFAM, Chantal Hébert ne se fait aucune illusion. « Cela me surprendrait si nous parvenions à des solutions majeures, car il y a des intérêts économiques là-dedans. Nous ne nous dirigeons pas vers un moment où les gouvernements nationaux réussiront à imposer leurs volontés aux GAFAM. »

Un monde de plus en plus complexe

S’il y a une chose qu’elle a vu évoluer au fil du temps, c’est la complexité des crises. Selon lui, gouverner est devenu de plus en plus difficile.

Le prochain premier ministre du Canada, qu’il soit l’ancien ou le nouveau, sera obligé de faire face à des choses que nous n’avons pas l’habitude d’imaginer. Comme l’Inde et la Chine qui ne nous parlent pas, ou encore la crise climatique. Lorsque j’ai commencé à couvrir la politique, résoudre un problème s’appelait faire une loi sur les langues officielles, ou conclure un accord constitutionnel. Bref, il s’agissait d’arrangements internes.

Chantal Hébert

Elle rappelle que le ministre des Finances du gouvernement Harper a passé plus de temps aux réunions du G7 et du G20 qu’avec les ministres des Finances provinciaux, en raison d’une crise économique mondiale. « Une fois que nous y sommes, les gouvernements ne peuvent pas dire : ‘Je vais réglementer les prix à l’épicerie.’ Comment allons-nous faire cela, s’il y a un cataclysme qui signifie que nous n’aurons plus d’oranges de Floride, plus d’olives pour faire de l’huile d’olive, plus de chocolat ? Presque tous les problèmes dont sont saisis les gouvernements, qu’ils soient nationaux ou provinciaux, dépassent les pouvoirs dont ils disposent. »

Comme si demain le Québec avait les pleins pouvoirs en matière d’immigration, le sujet du moment, «il aurait les mêmes problèmes et les mêmes accords internationaux qui l’obligeraient à accepter des réfugiés dans un monde où les conflits se multiplient.» On ne parle plus de LA guerre du Vietnam, on est sur plusieurs fronts.»

Malgré tout, elle trouve cette tendance générale à trouver que tout allait mieux avant un peu agaçante. « Le Canada et le Québec sont devenus moins homogènes », constate-t-elle. Le « nous » s’est beaucoup élargi. Des gens comme moi, c’est-à-dire une femme, qui parlait anglais avec un accent, ça n’existait pas en politique, c’était inconcevable. Alors quand on me demande si c’était mieux avant, est-ce qu’on pourrait d’abord aller lire les journaux des années 80 pour savoir si c’était si extraordinaire ? Je ne peux pas vous dire si c’était l’âge d’or, car il n’y avait pas de place pour des gens comme moi. »

Questionnaire sans filtre

Votre relation avec le café : limite. Je commence ma journée avec du café puis j’arrête, car si j’en bois après 11 heures, je ne dors pas.

Si vous avez eu un don : La cape d’invisibilité d’Harry Potter, pour siéger aux réunions du caucus et du cabinet sans que personne ne puisse me voir.

Votre dernière lecture notable : Il y en a deux. Météo des incendies : en première ligne d’un monde en feu de John Vaillant, où l’auteur raconte non seulement l’incendie qui a dévasté Fort McMurray, mais aussi comment notre mode de vie et les changements climatiques nous ont amenés à créer des villes où nous invitons le feu. En français, La version qui n’intéresse personne par Emmanuelle Pierrot. J’ai trouvé que c’était une réussite, ce livre m’est resté en tête.

Si vous pouviez rassembler des hommes politiques morts pour leur poser des questions, qui seraient-ils ? En fait, je les laisserais tous là où ils sont dans leur repos éternel et j’inviterais mon copain Jean Lapierre à revenir pour savoir ce qu’il penserait de tout ce qui s’est passé depuis cet avion qui s’est écrasé avec sa famille et lui-même à bord.

Qui est Chantal Hébert?

  • Elle est née le 24 avril 1954 à Ottawa.
  • Elle a grandi à Toronto et vit à Montréal depuis la fin des années 1990.
  • Elle est diplômée du Glendon College de l’Université York, Senior Fellow du Massey College de l’Université de Toronto et a reçu plusieurs doctorats honorifiques.
  • Au cours de sa longue carrière débutée en 1975, elle a travaillé notamment pour Radio-Canada, CBC, RDI, Devoir, La pressejeCitoyen d’Ottawale Poste Nationalle Étoile de Toronto et Nouvelles.
  • Chantal Hébert, qui est officier de l’Ordre du Canada, a reçu le prix Michener-Baxter cette année.
 
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