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cinq ans après, retour sur une affaire qui a ébranlé l’État

Valberg, mi-octobre 2019. Une histoire va ébranler la station puis le sommet de l’Etat et elle commence par la nourriture pour chats.

Danièle Portalier a entendu la rumeur : un louveteau erre dans les rues de Valberg. Mais elle ne l’a pas vu. Chaque jour, elle distribue des croquettes aux chats sans maître dans une petite cabane aménagée à proximité de chez elle. Et puis elle se rend compte que le petit loup se nourrit d’elle dès son départ. “La distribution se fait à 18h. A 18h02, le loup était là.”

Sauver « un animal blessé »

Avec son amie Claudine Coudière, puis d’autres habitants de leur quartier résidentiel, ces défenseurs des animaux se retrouvent alors aux premières loges d’une incroyable histoire, racontée dans le livre Le loup de Valbergpublié hier.

Ils se rendent compte que le petit, trop jeune pour chasser, a faim et est malade.

Alors ils décident de le « sauver ». “C’était inconscient, on a tout de suite pris parti, ils retracent. Il y a un animal blessé, nous l’avons soigné comme on le ferait pour un blaireau. Donc”. Tout cela en faisant le moins de bruit possible. Difficile. « Nous sommes dans un village… J’ai entendu des pensées : as-tu nourri le loup aujourd’hui ? Où le caches-tu ?.

Danièle et Claudine ne disent pas qu’elles ont “nourri” le loup, mais ils l’ont “fixé”.

Ils ne changent rien au rituel des croquettes, qui fait entrer l’animal.

QG chez Danièle, Claudine en « sentinelle »

Claudine et Danièle voulaient sauver le loup qui errait dans la vallée devant leur quartier. Le jeune ourson était en mauvais état lorsqu’il a finalement été capturé. (Photos DR et AL).

Et toute une organisation est mise en place pour observer et documenter son comportement. Il a un parcours bien précis : il vient manger les croquettes et se réfugie dans le vallon face au quartier de Danièle et Claudine.

La terrasse de Danièle devient « le QG ».

Claudine se voit prêter un appartement au sommet d’une résidence. Elle a le rôle de “sentinelle”: “J’observe et je préviens” quand le loup sort de sa vallée.

Les dames le savent : elles ont besoin d’aide. Ils ne se tournent pas vers les autorités. Ils ne comprennent pas pourquoi l’État accorde l’autorisation de tuer cet animal protégé lorsqu’il s’attaque aux troupeaux. “Le loup est toujours controversé, remembers Danièle. Nous ne voulions pas qu’ils décident de lui tirer dessus parce qu’il était trop faible.

Un collectif mis sur place

Ils préviennent un naturaliste amateur (qui souhaite rester anonyme). Il affirme avoir contacté différentes autorités, en vain.

En fait, la capture d’un loup pour le soigner est une exception en . Et aucun n’avait été libéré jusqu’à présent. Alors le naturaliste se tourne vers les militants communautaires.

Ils ont tous la même conviction profonde : “Sans ce mouvement, ce loup serait mort”.

L’UPA06, un collectif qui trouve refuge aux animaux blessés, met deux bénévoles à pied d’œuvre. Suzanne et son compagnon font de fréquents déplacements entre Nice et Valberg. Ils échangent leurs informations avec les riverains mobilisés.

Là aussi, ils sont convaincus qu’il faut agir vite. « Quand nous sommes montés, cela commençait à poser problème. Il errait dans le village, les habitants lui donnaient à manger, on sait que c’est un problème.

Poulets, cages et fusil

L’animal errait dans les rues. (RD)

Ils obtiennent un document signé d’un centre de soins qui s’engage à soigner le petit. Pendant plusieurs jours, ils tentent de le capturer avec du poulet et une caisse. Mais l’animal ne tombe pas dans le piège. Grâce à leur réseau, ils se procurent alors un pistolet hypodermique pour l’endormir. Ils surveillent l’animal la nuit. Lorsqu’ils le voient enfin passer, ils le signalent au tireur… qui s’est assoupi. Leur chance est passée.

Tout cela est interdit : capturer un loup, espèce sauvage protégée, équivaut à du braconnage. Suzanne le sait très bien. « Ce n’est pas du tout légal. elle admet. Nous étions complètement fous. Mais le loup aurait été tué. Et nous sommes habitués aux choses limites. La justice n’est pas rendue pour les animaux… » Il arrive que associations et forces de l’ordre travaillent ensemble, comme lorsqu’un charnier est découvert chez un particulier. Mais pas cette fois.

Tensions et grand dispositif de capture

La tension à la gare est à son comble. Les rumeurs et les réseaux sociaux s’agitent, la presse l’a raconté. La préfecture a pris l’ordre de capturer l’animal. Tout le monde se regarde comme des chiens de porcelaine.

Danièle et Claudine sont persuadées d’avoir été suivies et trompées. Les deux militants de l’UPA06 racontent des affrontements avec la police : leur information contre la garantie que le lionceau sera soigné et qu’ils participeront à la capture. Le soir décisif, ils furent refoulés.

2 novembre. L’appareil exceptionnel prouve à lui seul l’intelligence de l’animal et la difficulté de l’attraper. Parmi la vingtaine de personnes, le groupe de sauvetage animalier des pompiers du Sdis et leur vétérinaire, Véronique Vienet, ont été mobilisés ; un maître-chien de sang (qui ressent également le stress des proies) et l’Office français de la biodiversité (police de l’environnement).

La disparition

Aux commandes, le patron local de l’OFB, Louis Bernard. Il se souvient d’une opération bien joué” : “Nous avons fait du bon travail.” « Après plusieurs nuits dans le froid et la neige, on finit par le frapper avec une flèche hypodermique. Il part et s’endort plus loin, on le retrouve grâce au chien conducteur ».

Ce n’est pas une première pour Louis Bernard, qui se souvient avoir capturé un loup dans la vallée de Mollières, en 2007. Une vieille femelle attaquée par sa meute, morte en captivité.

Le directeur départemental de l’OFB rejette les accusations des militants. « La première cause de mortalité chez les loups, c’est de s’entre-tuer. Il y avait des associations qui essayaient de les capturer avec des cages. Ils veulent bien faire, mais ils commettent en réalité des violations. Nous aurions pu leur donner une amende, nous avons fait comme si nous n’avions rien vu. Notre objectif était d’avancer. »

Le petit est en mauvais état. Il a d’abord été conduit à la clinique vétérinaire de l’hippodrome de Cagnes-sur-Mer, avant d’être conduit dans un centre de soins agréé pour y être soigné et entraîné à la chasse. C’est là qu’il disparaît des radars, au grand désarroi de tous les protagonistes. Louis Bernard assure qu’il n’en savait rien.

Le loup a finalement été relâché dans la Drôme, dans le plus grand secret, sur décision ministérielle. Une première en France.

 
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