« Pour vous donner une idée, c’est une île qui se situe entre le 40ème Rugissant et le 50ème Hurlant, à 3 000 km de toutes les côtes..» Dans sa maison de Bommes, à Sauternes, Barthélémy Lambert finit de préparer sa valise avant le grand départ. Avec son frère qui vit à l’île de la Réunion, l’infirmier libéral qui travaille à Langoiran entame ce vendredi 8 novembre un périple vers l’île St-Paul, un rocher de 8km² situé au sud de l’océan Indien appartenant à la France.c’est l’un des points les plus isolés du globe, une zone avec des dépressions d’une dizaine de mètres, et c’est une île qui est classée zone écologique intégrale donc il est interdit d’y débarquer« .
« Des bottes en caoutchouc pour désinfecter et éviter toute contamination de l’île »
Si les deux frères âgés de 48 et 51 ans ont obtenu une autorisation exceptionnelle pour poser le pied sur cette île protégée, c’est parce qu’ils souhaitent y déposer une plaque commémorative à la mémoire de leur trisaïeul, l’amiral Ernest Mouchez. “Nous aurons l’occasion d’y descendre 30 minutes pas plus», a expliqué Matthias Lambert. « Une plaque sera vissée et il y aura une cérémonie en l’honneur de notre ancêtre.“
Leur aventure a pour but de commémorer l’odyssée exceptionnelle de leur ancêtre. “C’était il y a 150 ans, l’amiral et astronome Ernest Mouchez était chargé par l’Académie des Sciences de Paris de tenter d’observer le transit de Vénus.» dit Barthélémy Lambert, lui-même passionné d’astronomie. En 1874, le passage de la planète devant le soleil était d’une importance capitale pour l’astronomie car il permettait de déduire l’unité astronomique (UA), la distance entre la terre et le soleil. Toutes les nations scientifiques de l’époque envoyèrent des missions à travers le monde pour calculer cette valeur, sachant que cet événement rare ne se répète qu’une fois tous les 243 ans.
“C’était une épopée folle”
“Sans GPS, avec boussoles, sextants et chronomètres comme seuls instruments de navigation», l’amiral Ernest Mouchez a mis trois mois pour rejoindre l’île Saint-Paul à bord d’un bateau à voile et à moteur. L’expédition scientifique y restera trois mois »,sans électricité ni eau douce sur place. C’était une épopée folle car la météo là-bas est épouvantable, il y avait très peu de chance d’avoir un ciel dégagé au moment précis du transit de Vénus”.
Sur cette île où il pleut plus de 300 jours par an, une éclaircie tant espérée a enfin permis à l’Amiral d’immortaliser le passage de Vénus devant le soleil, ce qui lui a valu une nomination au poste de directeur de l’Observatoire de Paris. , une première pour un marin. “Pour aller à l’Île Saint-Paul aujourd’hui, indicates Barthélémy Lambert, Il n’y a qu’une seule solution, il faut monter à bord d’un bateau ravitailleur appelé le Marion Dufresne. C’est le navire qui approvisionne toutes les bases scientifiques disséminées dans les îles des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Et c’est aussi le bateau de sauvetage du Vendée Globe. la course surnommée l’Everest des mers dont le départ est donné ce dimanche November 9 from Les Sables d’Olonne in Vendée.
L’infirmier libéral de Bommes s’envole ce vendredi 8 novembre pour rejoindre son frère à la Réunion. De là, ils embarqueront à bord du Marion Dufresne le 19 novembre. « Le navire se dirigera d’abord vers l’archipel de Crozet et les Kerguélen, les terres les plus méridionales, avant de naviguer vers l’île de Saint-Paul et de finir vers l’île d’Amsterdam.« . “L’arrivée sur l’île Saint-Paul est prévue pour le 8 ou le 9 décembre, 150 ans jour pour jour après la découverte scientifique de notre ancêtre, ajoute Matthias Lambert. Nous arriverons en Zodiac avec une petite équipe composée de deux techniciens qui visseront le socle et la plaque commémorative. Une petite cérémonie aura lieu en présence d’Isabelle Autissier, la présidente du Conseil consultatif de la réserve naturelle des Terres australes et antarctiques françaises.
« Si la mer n’est pas bonne, nous ne pourrons pas y débarquer »
Les deux frères réfléchissent à leur projet depuis des années. “Depuis tout petit, nous avons dans notre salon une carte dans un cadre doré, et ce n’est qu’à 40 ans que j’ai commencé à m’intéresser à cette carte, c’était le profil hydrographique de l’île. Saint-Paul et notre mère nous ont raconté l’histoire de notre ancêtre. Et on s’est dit que ce serait magnifique de pouvoir aller sur ce petit bout de rocher.
Pour réaliser leur rêve, les frères Lambert ont remué ciel et terre pendant plus de quatre ans. Une cagnotte en ligne les aide à couvrir les frais de leur expéditionles deux places à bord du Marion Dufresne leur coûtent 7 000 euros chacune. Ils ont également fondé l’association Vénus en Vue, qui a permis l’émission d’un timbre commémoratif à l’occasion des Journées du Patrimoine. Une exposition en l’honneur de l’amiral Mouchez aura également lieu le 20 janvier à La Réunion, où se trouve le siège des TAAF. Une exposition miroir sera également présentée aux portes du parc Montsouris à Paris.
A quelques jours de monter à bord du Marion Dufresne, les deux frères s’impatientent. « J’ai mal dormi ces derniers jours à cause de l’excitation», confie Barthélémy Lambert. Ce passionné d’alpinisme est un aventurier comme son frère. Ces deux passionnés de voyages ont traversé 17 pays africains pendant onze mois en 2000, mais ce sera leur première aventure sur l’océan. “J’espère que je ne vomirai pas pendant quatre semaines», plaisante le plus jeune.
Des homards pour déjeuner sur l’Île Saint-Paul ?
Au cours de leurs recherches approfondies sur le sujet, les frères Lambert ont appris qu’il existe «aucun arbre sur l’île St-Paul. Le vent y souffle constamment, ce qui empêche toute végétation haute. Il y a très peu d’animaux en dehors des oiseaux qui viennent y nicher. Par contre, on y trouve beaucoup de homards. Il faut dire que le cratère du volcan sur lequel l’île s’est formée produit encore de l’eau chaude. Et ces températures sont idéales pour les homards qui y pullulent. Mouchez raconte dans ses chroniques qu’il en avait même marre de manger ces homards à longueur de journée.
Les membres de l’expédition de 1874 jetaient simplement les homards dans des bassines d’eau bouillante pour les cuire.
« Il y a même eu une pêcherie construite dans les années 1950 pour tenter d’exploiter ce vivier de homard mais cela a malheureusement donné lieu à un drame, dit Barthélémy Lambert. À l’époque, en dehors de la saison de pêche, une équipe devait rester sur place pour entretenir le matériel. Ces huit personnes, principalement des Bretons, durent y passer l’hiver, mais entre-temps l’entreprise fut liquidée et ils y furent oubliés pendant neuf mois, et sur les huit, trois moururent. Les descendants de ces oubliés de Saint-Paul ont déjà posé une plaque commémorative sur l’île.
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