Cela fait huit semaines que cinq amis, âgés de 32 à 36 ans, habitant Luzillé, Tours et Vendôme, ont été hospitalisés au service de réanimation du CHRU de Tours, après avoir été contaminés par des toxines botuliques. Lors d’une fête d’anniversaire, ils avaient consommé un pot fait maison de pesto d’ail des ours dans lequel des traces de botulisme avaient été identifiées par l’Institut Pasteur. Le professeur Pierre-François Dequin, médecin au service de médecine intensive, revient sur les soins qui leur sont prodigués.
Plus de deux mois en réanimation, ça paraît très long…
Professor Pierre-François Dequin: « Personne n’a beaucoup d’expérience avec le botulisme. La partie spécifique a été réglée au départ, avec l’administration d’un anti-toxine. Nous sommes désormais dans un état de paralysie qui doit régresser. Nous savons que cela prend beaucoup de temps et nous ne sommes pas en territoire inconnu. La paralysie régressive est prise en charge dans d’autres circonstances, dont certaines peuvent durer six mois, par exemple dans le syndrome de Guillain-Barré. Bien sûr, pour eux, c’est très long… »
Les toxines sont-elles encore présentes dans leur organisme ?
« L’antitoxine accélère la guérison. Aujourd’hui encore, il élimine les toxines présentes dans le sang. En revanche, ce sont ceux qui sont déjà fixés entre les nerfs et les muscles qui posent problème. Ils agissent toujours et provoquent la paralysie. Combien de temps ? C’est difficile à prévoir. On peut avoir des signes de récupération musculaire, et on a forcément des choses qui vont mieux. Mais aujourd’hui ces patients, qui ne sont pas tous au même stade de la maladie, dépendent encore de la respiration artificielle. »
La charge toxique devait être élevée…
« Nous avons sans doute affaire à une forme grave de botulisme… »
Il y a quelques semaines, le procureur avait qualifié leur état de santé d’« inquiétant »…
« ‘Inquiétant’ ne veut pas dire ‘aggravation’. Mais les véritables progrès ne sont pas encore au rendez-vous. Sous ventilation, les patients restent très fragiles, ils sont exposés plus longtemps à d’éventuelles complications pulmonaires ou infectieuses. Tant de choses peuvent arriver… »
“Le sentiment d’un cauchemar qui n’a pas de fin”
Comment le vivent-ils ? Est-ce qu’ils communiquent ?
« Le contact est fragile, ils ne peuvent pas parler. Dès qu’il y a ce confinement interne, c’est très compliqué pour les patients avec ce type d’attaque. Il y a toujours des hauts et des bas très difficiles. »
À quoi ressembleront les prochains mois ?
« Plus la phase de paralysie est longue, plus la phase de récupération sera longue. Après avoir passé deux mois au lit – et cela pourrait être encore plus long –, il faut presque réapprendre à marcher. Les muscles ont tendance à s’atrophier, il faut tout rééduquer. Les patients peuvent avoir l’impression d’être dans un cauchemar sans fin. Mais ce sont aussi des moments positifs car la communication reprend… »
Quand sortiront-ils des soins intensifs ?
« La phase de convalescence se déroulera d’abord en réanimation car ils sont encore fragiles. Ils rejoindront ensuite un centre de rééducation fonctionnelle avant d’être soignés dans un hôpital de jour… Cela peut durer plusieurs mois. »
Un nouveau cas de botulisme a été signalé en Isère. Pourtant, on disait qu’ils étaient rares…
« C’est la loi des séries. Mais oui, aujourd’hui, ces cas sont effectivement devenus rares. Ils étaient très courants dans le passé. Il y a eu des vagues après la Seconde Guerre mondiale, avant que le processus de mise en conserve ne soit standardisé. La mode revient aux conserves artisanales : il est très important que celles-ci soient fabriquées dans de bonnes conditions. »
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