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«Je ne pourrai pas partir seul au concours»… Fabrice Amedeo se lance dans un tour du monde au service de la science

En apparence, l’Imoca de Fabrice Amedeo ressemble à celui de ses concurrents, amarré au port des Sables d’Olonne, avant le départ du Vendée Globe. Mais à y regarder de plus près, son bateau présente quelques particularités. Pour s’en rendre compte, il vous suffit d’observer votre cellule de vie. Dans cet espace étroit, « au cœur de sa navigation et de son quotidien », le skipper installé trois caissons, équipés de trois capteurs océanographiques pour mesurer la pollution microplastique pour l’un, la biodiversité marine pour l’autre, ainsi que avec du CO2salinité et température de l’océan pour le dernier (appelé Ocean Pack).

Son kit comprend également seize balises à jeter à l’eau, pour mesurer les courants marins et les vagues dans les mers du sud, et donc mieux comprendre la dérive des macro-déchets et microplastiques dans l’océan Austral. Neuf seront largués dans l’océan Indien, cinq dans le Pacifique Sud et deux dans l’Atlantique après le passage du Cap Horn. Un projet conséquent, mais surtout un “une grande fierté” pour ce skipper qui a commencé à collecter des données scientifiques en 2019.

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A gauche, la boîte noire contient le système de filtre microplastique. A droite, en blanc, l’Ocean Pack mesure le CO2, la salinité et la température des océans. (JEAN-MARIE LIOT)

SSi son métier de marin le comble depuis le premier jour, “ce n’était pas suffisant.” “Partir au large, se surpasser et récolter ces données pour la communauté scientifique donne vraiment du sens à mon métier. Je ne pourrai pas partir seul à la compétition», reconnaît l’ancien journaliste, Fabrice Amedeo, qui appelle-le “nombre maximum de marins” se porter volontaire pour la recherche scientifique.

« Je démarre mon Vendée Globe avec l’ambition plus que jamais de boucler la boucle, mais aussi pour les scientifiques qui comptent sur moi pour rapporter de précieuses données sur l’état de nos océans.

Fabrice Amedeo, skipper de l’Imoca Nexans-Wewise

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L’engagement de Fabrice Amedeo est volontaire. Le règlement du Vendée Globe n’impose rien aux skippers. Néanmoins, la dynamique est bien engagée chez les marins. Si en 2020, 12 des skippers au départ avaient déployé des instruments scientifiques pendant la course, quatre ans plus tard, la logique s’est inversée. Seulement 15 des 40 engagés n’ont emporté aucun matériel à bord.

Le dispositif océanographique embarqué par Fabrice Amedeo est unique, et reste le plus complet de la flotte. Pour deux des trois capteurs, le changement des filtres doit être effectué quotidiennement. « Au total, je dirais que cela doit me prendre une trentaine de minutes par 24 heures. Cela représente quand même un temps considérable. souligne le skipper, qui connaîtra également une augmentation de la consommation énergétique de 15 % environ dû au fonctionnement des capteurs.

Par exemple, le capteurL’ADN environnemental est constitué de trois filtres, qui ressemblent à trois entonnoirs blancs inversés, à changer toutes les 24 heures. Ces capteurs mesurent et cartographient la biodiversité marine à partir de ce qui est libéré par les organismes à travers les excrétions (mucus, larves) et les sécrétions (fèces ou urines). Ensuite, les échantillons seront stockés dans de grands sacs orange, actuellement stockés à l’arrière de l’Imoca.

« Cette approche est révolutionnaire car elle permet d’identifier la présence ou l’absence d’espèces rares ou menacées, mais aussi de détecter les espèces envahissantes et autres pathogènes. Cela permet de mesurer la santé de nos océans en temps quasi réel et donc de comprendre la dynamique due au changement climatique », explique Xavier Pochon, chercheur spécialisé en surveillance moléculaire et professeur agrégé de biologie marine à l’université d’Auckland qui travaille sur le projet.

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Grâce à ces trois filtres et tamis de tailles différentes, les scientifiques pourront mesurer la pollution microplastique dans les océans. (JEAN-MARIE LIOT)

En parallèle, Fabrice Amedeo est à ses côtés, comme lors de son Vendée Globe 2020, un capteur microplastique, qui fonctionne avec trois filtres de largeurs différentes – 300, 100 et 30 microns (30 microns étant l’équivalent d’un cheveu coupé en trois) – à changer à nouveau toutes les 24 heures. Une fois ces filtres retirés, ils doivent ensuite être stockés dans des caisses en aluminium dont chacune est numérotée au feutre indélébile. Ceux-ci seront ensuite rangés dans un grand sac de rangement en plastique bleu compartimenté fermé par une épaisse fermeture éclair. La numérotation permettra de faire le lien entre les cases et les métadonnées enregistrées en parallèle comme la distance parcourue ou les volumes filtrés.

La manipulation de ces filtres, en pleine mer, dans des conditions éloignées d’un laboratoire, n’est pas aisée. Le skipper a ainsi effectué un premier rodage, quelques mois avant le Vendée Globe 2020, sur le Vendée Arctique, pour prendre ses marques. «Je n’avais pas manipulé correctement les filtres. Ils étaient très pollués. QQuand nous naviguons, en imperméables mouillés, quand nous rentrons à notre cabine et que nous sommes fatigués, nous faisons moins attention. Le moindre dommage qui peut venir de mes vêtements ou quelque chose comme ça, perturbe tout. il se souvient.

Mais le jeu en vaut la peine. « Cette méthode d’échantillonnage est assez unique, soutient Enora Prado, chercheuse en chimie analytique à l’Ifremer, chargée de l’étude. Dans les campagnes scientifiques, nous prélevons très rarement des échantillons en continu sur une section aussi large, mais effectuons plutôt des arrêts précis pour échantillonner. C’est une belle opportunité pour nous de prélever des échantillons plus importants, de cartographier la surface des océans au moment de cette pollution. »

Pour les scientifiques, l’intérêt de cette collaboration est de récolter des données dans des zones peu fréquentées jusqu’à aujourd’hui, en dehors du « les grands axes routiers déjà cartographiés ». « Les voiliers de course sillonnent les routes de campagne et collectent des données que nous n’aurions pas eu sans eux » souligne Enora Prado. Le chercheur rappelle également que les missions scientifiques en Antarctique conduisent souvent les navires à descendre vers l’extrême sud puis à revenir en Europe, sans, contrairement aux skippers du Vendée Globe, faire le tour de l’Antarctique par les trois caps (Bonne Espérance, Leeuwin et Horn).

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Fabrice Amedeo change les filtres microplastiques à bord de son Imoca. (PIERRE BOURAS)

Les résultats de l’édition 2020, dévoilés un mois avant le départ, ont déjà permis plusieurs conclusions. « Une première chose nous a surpris : la concentration de microplastiques est relativement homogène. Nous n’avons trouvé aucune zone de fortes accumulations, comme on peut en trouver dans les macroplastiques avec ce que l’on appelle le 7ème continent”, commence Enora Prado. Autre résultat surprenant : il y a autant de fibres cellulosiques (pouvant être d’origine végétale) que de microplastiques dans l’Atlantique. « Ces fibres naturelles [utilisées pour les vêtements par exemple] sont censés être biodégradables, d’où notre surprise d’en observer autant. On suppose donc que ceux-ci sont d’origine humaine, qu’ils ont été modifiés pour les rendre résistants au lavage par exemple.”

Afin de poursuivre le travail, Fabrice Amedeo espère, sur cette nouvelle édition du Vendée Globe, récolter plus de données qu’il y a quatre ans, lui qui a été contraint d’abandonner au Cap (Afrique du Sud) après une panne informatique sur son bateau. “L’objectif est de disposer de nouvelles données sur l’Atlantique pour confirmer les résultats mais aussi d’obtenir de nouvelles données lors de son passage dans l’Océan Indien, le Pacifique et l’Antarctique, et de les comparer”, annonce Enora Prado. Et ainsi poursuivre son engagement au service de la science.

 
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