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La littérature comme nécessité : entretien avec Antoine Compagnon

Si notre époque peine à trouver un « usage » à la littérature, est-ce parce que nous avons une notion trop étroite de ce concept ?

Nous sommes à une époque où nous souhaitons une rentabilité très rapide de tous les investissements, quelle que soit l’activité. Tout doit payer rapidement. Nous percevons, par exemple, les études comme un investissement, alors que dans la tradition ancienne, les études étaient faites pour se connaître soi-même. Ils ne semblent plus répondre au principe socratique du « Connais-toi toi-même », ou à ce que les Allemands appellent le « Connais-toi toi-même ». Éducationc’est-à-dire l’entraînement de l’esprit. Un souci de rentabilité gagné.

Lire de la littérature comporte une dimension de gratuité, de plaisir, qui n’exclut pas une forme d’utilité. Seulement, cela n’est pas immédiat, contrairement à la lecture d’un manuel d’instructions. Comme le disait Baudelaire : « La poésie est un des arts les plus lucratifs ; mais c’est une sorte d’investissement où l’on ne reçoit les intérêts que tardivement, par contre c’est très élevé « . Je soutiens l’idée que cela permet de mieux comprendre le monde, de mieux connaître les autres. Ainsi, il contribue à une bonne réussite sociale et professionnelle.

Au-delà de la notion d’utilité, peut-on défendre l’idée selon laquelle la littérature est une « nécessité » pour une bonne vie humaine ?

Je soutiens cette thèse en m’opposant à Paul Valéry, qui croyait qu’il fallait dormir et manger mais pas lire des romans et de la poésie. Pour ma part, je crois qu’on a besoin de fiction et de poésie pour vivre. On passe notre temps, dès le plus jeune âge, à se raconter des histoires pour avancer dans la vie. Selon moi, la nécessité de la littérature réside dans le registre de la faculté cognitive, et non du savoir encyclopédique – qui n’est pas, à proprement parler, nécessaire.

 
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