Il ne bouge pas mais il piétine sur place et donne l’impression de tourner comme un lion en cage. “Madame, Madame, qu’est-ce que cela signifie?” », implore Aurélien. Le président du tribunal vient de lui signifier son mandat de dépôt. Aurélien ira donc immédiatement en prison, mais il rejette l’idée jusqu’à la dernière once d’énergie. “Madame, combien de temps?” », demande-t-il avec crainte. Environ cinq à sept jours, selon le juge qui a prononcé la peine. « Madame, Madame… » Les mots tourbillonnent tels des flocons de neige, avant de s’effacer peu à peu dans une atmosphère où s’entremêlent indifférence et désapprobation. Non, le plaidoyer ne suscite ni compassion ni empathie. Parce qu’il frappe sa mère, quand même ! Les menottes sont déjà autour de ses poignets. Clic-clac. Départ pour Metz-Queuleu.
Aurélien est un garçon atypique. Etrange même. On ne sait pas s’il cherche à se démarquer ou s’il est juste anticonformiste, hors des sentiers battus, mais il ne laisse personne indifférent. Silhouette longue et chétive noyée dans un large pantalon de jogging frais et noir beurre, il ne passe pas inaperçu. Et encore moins quand on s’intéresse à sa drôle de chevelure. Grosse corolle jaune poussin, sorte de bol posé sur le dessus du crâne, il défie allègrement les conventions.
Les coups, oui, ils font mal…
Ce garçon de 26 ans au look improbable a aussi une manière de fonctionner et d’être déconcertante. Alors, lorsque la présidente Anne-Sophie Antoine rappelle les faits qui lui sont reprochés, il avoue tout. « Absolument tout », insiste-t-il avec un naturel étonnant. Tout quoi ? D’abord en août dernier, ivre, en manque de drogue, il s’est éclaté et s’est introduit sans retenue dans le domicile de sa mère en Moselle Est. Conduit aux urgences, il rentre chez lui le lendemain. Il crie après sa mère, la gifle, lui crache dessus, la traite de « pute » et de « salope ». « Oui, tout cela est vrai, mais c’est parce qu’elle m’énerve à propos de tout. Il faut ranger le salon, faire son lit, nettoyer, cuisiner. Elle m’énerve, explique Aurélien d’un mouvement du menton. Parce qu’il est comme ça, et voilà : il cède à ses pulsions sans rien canaliser. « Mais pourquoi rester ? », demande le président de ce Tanguy qui novotelise l’appartement familial. « Parce que je ne sais pas où aller, eh bien. ” Évidemment.
Et puis il y aura ce dimanche, tout récemment. Aurélien ne devrait pas s’approcher de sa mère. Mais il est revenu, parce qu’il revient toujours. ” Pour quoi ? », persiste le président. Réponse inattendue, improbable : « Elle m’a manqué ». « On voit le résultat, Monsieur », grince Anne-Sophie Antoine. Tout s’est mal passé ce jour-là. Aurélien, le fils tyran, reste toujours aussi belliqueux. Il frappe, secoue, crie, mais réfute le mot violence. Puis, lorsque sa mère va se reposer sur son lit, il la suit, lui prend la tête dans les mains et la pousse sur l’oreiller, comme pour l’étouffer. « Ce n’est pas de la violence, n’est-ce pas ? », demande le président. « Il y a des choses pires », rétorque Aurélien. Bizarrement, il n’a vraiment pas l’air d’un méchant…
Iconoclaste, singulier, immature, il a tellement le souci du détail. Par exemple, il est au chômage et n’a jamais travaillé. «Ça ne m’intéresse pas», confie-t-il en haussant les épaules. Il se contente du RSA, soit 530 euros. « Avez-vous quelque chose qui vous intéresse ? », tente le président, visiblement effrayé. « Non, pas maintenant. » Le tout livré avec un naturel époustouflant.
Aurélien est condamné à huit mois de prison avec mandat de dépôt. Il bénéficiera du régime de semi-liberté. Et cette fois, lui, que rien n’affecte, est interloqué. Il est là, KO, abasourdi, hébété. Les coups, oui, ils font mal…
Iconoclaste, singulier, immature, il a tellement le souci du détail.
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