Le 9 novembre 2023, l’ancien maire de Saint-Julien-en-Beauchêne, Jean-Claude Gast, décide de se rendre en Belgique pour se faire euthanasier. Un an plus tard, et alors que le projet de loi sur la fin de vie s’apprête à être voté à l’Assemblée nationale par une rare union de députés de tous bords, son fils témoigne et continue de porter le combat de son père.
Le 9 novembre 2023, la famille de Jean-Claude Gast a dit au revoir à l’ancien maire de Saint-Julien-en-Beauchêne, en Belgique. À près de 1.000 kilomètres de son domicile et des Alpes du Sud, l’homme de 79 ans, gravement handicapé après un accident de ski, est décédé après avoir eu recours à l’euthanasie.
Un « tout un parcours », se souvient son fils Yannick, en s’adressant à BFM DICI. « Alors qu’on aurait pu faire ça en France, chez nous », murmure-t-il.
Un an plus tard, il raconte la vie de sa famille sans « Gastou ». « Évidemment, cela a été une année pour nous avec des hauts et des bas. Avec ma mère, ils ont vécu ensemble presque 50 ans donc ce n’est pas toujours facile », explique Yannick Gast.
Novembre dernierBFM DICI a suivi les derniers instants de Jean-Claude Gast. Son recours à l’euthanasie est aussi la marque de son combat pour l’aide active à mourir en France, dont il espère qu’elle soit légalisée.
Jean-Claude Gast n’a pas attendu de voir cet espoir se réaliser. Le sujet était néanmoins en discussion à l’Assemblée nationale. Mais alors que le projet de loi sur la fin de vie entrait dans ses toutes dernières heures de débat, la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier a stoppé toute avancée. «On a fait marche arrière avec la dissolution», regrette Yannick Gast.
“Il est temps que ce ne soient plus des batailles politiques entre les différents partis, et que les politiques s’emparent de ces enjeux de société”, estime ce dernier sur notre antenne.
Il reste aujourd’hui « bon espoir » d’un retour sur le devant de la scène politique, notamment à l’Assemblée nationale.
Un projet de loi « transpartisan »
Au Palais Bourbon, les délibérations sur le projet de loi devraient reprendre là où elles se sont arrêtées.
“Nous avons une diversité politique importante, ce qui est de très bon augure”, se réjouit Olivier Falorni, député (Les Démocrates) et rapporteur général de la proposition de loi sur la fin de vie, auprès de BFMTV.com
Le député de Charente-Maritime, réélu après les dernières élections législatives de cet été, a en effet proposé à ses collègues de neuf groupes parlementaires (hors élus ciottistes et Rassemblement national) de cosigner le texte qu’il avait déjà présenté lors de la législature précédente.
« Aujourd’hui, 220 députés l’ont cosigné, dont le président de l’Assemblée nationale, et allant de LFI à LR », explique-t-il. Des élus RN l’ont également informé qu’ils voteraient en faveur du texte.
“Face à la faible capacité du gouvernement à légiférer, cela est transpartisan et serait un redoutable antidote aux gesticulations politiques, (…) qui permettra d’améliorer la qualité du débat parlementaire et de réconcilier en partie les Français avec leur Parlement”, assure Olivier Falorni.
Dans le détail, pour accéder à l’aide active à mourir, le demandeur devra solliciter un premier avis auprès d’un médecin généraliste. Ensuite une faculté de médecine constituée de deux autres professionnels de santé validera ou non la demande.
Olivier Falorni explique : « En tant que législateurs, nous sommes amenés à définir les conditions d’accès. (…) Être une personne handicapée n’est pas une condition pour pouvoir accéder à l’aide active à mourir » .
« Le médecin n’est ni un pronostiqueur ni un devin, nous avons donc adopté une formulation sur la notion de phase avancée ou terminale de la pathologie ou de l’état de santé du patient », indique Olivier Falorni.
Deux scénarios sont actuellement envisagés concernant le vote en première lecture de la loi. La première le situerait en janvier prochain, après l’examen du budget 2025, si le gouvernement respecte son propre engagement de « temps législatif partagé » à l’Assemblée, entre les votes des projets de loi portés par le gouvernement et les propositions de lois initiées par les députés. Le deuxième scénario verrait un vote »au premier trimestre 2025» pendant les semaines de vote réservées aux projets de loi inscrits au calendrier de la chambre basse du Parlement.
« Un long chemin » pour convaincre le président
Au micro de BFM DICI, Jean-Claude Gast a adressé un message à Emmanuel Macron avant de mourir. “M. Monsieur le Président, je ne vous écris pas de lettre car elle n’est plus d’actualité. Dans deux heures, je mourrai (…) Je suis actuellement en Belgique. J’ai dû fuir mon pays, mon village», a déclaré Jean-Claude Gast.
Olivier Falorni confie à BFMTV.com avoir eu « plusieurs discussions » avec le chef de l’Etat au sujet de l’aide active à mourir depuis son élection en 2017. Le député évoque ainsi « un long chemin pour le convaincre et « y parvenir ». une priorité politique ». Il l’assure : “Aujourd’hui, je sais qu’il en est convaincu”.
Même s’il n’a jamais rencontré « Gastou » ni sa famille, le député porteur du projet de loi sur la fin de vie évoque « l’immense admiration et le courage » des Gast dans cette épreuve. « Ce monsieur, que je n’ai pas rencontré, a, à travers son parcours, consacré ses derniers instants de vie à se battre pour les autres. Il faut une énorme dose de courage et d’abnégation pour se battre quand on sait que la loi ne pourra pas s’appliquer à soi-même, qu’il sera trop tard.
« Si la loi est votée, ce sera d’abord grâce à eux. Ce sont d’abord eux qui ont convaincu les Français de la nécessité d’évoluer, par leurs témoignages et leur courage. Je dis à la famille de ce monsieur combien elle peut être fière du combat, du message qu’il a porté et que je m’efforcerais d’être le porteur de la voix qu’ils ont donnée”, ajoute le député.
Le courage de Jean-Claude Gast sera également au cœur d’un livre, que Yannick Gast dit peaufiner actuellement. Un récit dans lequel son fils entend retracer son combat, mais aussi « sa relation avec son propre père ».
Dans une enquête, réalisée en mai 2024 par l’Ifop, l’institut constatait que « plus de neuf Français sur dix (92 %) se déclarent favorables à l’euthanasie lorsque le patient, atteint d’une maladie insupportable et incurable, est rendu malade ». la demande.
Alixan Lavorel avec Valentin Doyen et Thibaut Ghironi
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