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L’INVITÉ DU DIMANCHE. Chahuté à ses débuts, le Montpelliérain Reno Lemaire est aujourd’hui reconnu comme le pionnier du manga made in

Montpellier Reno Lemaire est un pionnier du manga écrit, dessiné, édité et publié en . Après des débuts difficiles, et fort du succès de sa saga emblématique Dreamland, née en 2006, aujourd’hui traduite au Japon, et en cours d’adaptation en version animée, il lance une nouvelle série.

Il fut un temps où la France n’était pas encore le deuxième pays au monde où l’on publiait et vendait le plus de mangas, après le Japon bien sûr. Il fut même une époque où presque tout ce qui touchait à la culture populaire japonaise était très largement stigmatisé, les dessins animés notamment, principalement pour leur prétendue violence.

Un jugement général qui se résume assez fidèlement par une prise de position restée célèbre de Ségolène Royal, lorsque, alors députée des Deux-Sèvres (en 1989), elle critique dans un ouvrage intitulé Marre des zappers pour bébé séries de dessins animés japonais qui n’étaient, selon elle, que « Des passages à tabac, des meurtres, des têtes arrachées, des corps électrocutés, des masques dégoûtants, des bêtes horribles, des démons rugissants. Peur, violence, bruit. Avec un minimum d’animation. Des scénarios réduits à leur plus simple expression.Rien de moins.

800 000 exemplaires vendus

Ce rappel historique signifie que, pour un jeune Français, s’imaginer, quelques années plus tard, auteur de manga à part entière en France, était pour le moins une utopie.

Un contexte qui n’a pas empêché un jeune Montpelliérain nommé Renaud Lemaire de s’y lancer, au milieu des années 2000. Près de vingt ans plus tard (entre-temps, Renaud est devenu Reno, on gardera donc cette orthographe), on le retrouve, à 45 ans, auteur complet d’une célèbre série à grand succès, Pays de rêveavec 22 volumes et 800 000 exemplaires vendus au total.

“A 7 ans, j’ai réalisé ma première bande dessinée”

Une série dont le premier tome vient d’être traduit et publié au Japon (une traduction existe déjà en Allemagne), et qui est en cours d’adaptation en anime, qui sera diffusé à partir de 2026 sur la plateforme ADN, réputée sous le nom de «Netflix, tu es un manga”.

Le tout mérite donc bien un flashback et une page portrait dominicale du principal concerné. Qui se présente ainsi à ceux qui ne le connaissent pas encore : «Je suis montpelliérain, né à Montpellier, collégien à Las Cazes, lycéen au Mas de Tesse, étudiant à Paul-Valéry. J’ai aujourd’hui 45 ans, et quand on appartient à ma génération, on a commencé à lire des mangas vers 15-16 ans, avec Dragon Ball. Moi, à 7 ans, j’ai réalisé ma première bande dessinée, comme un ersatz du P’tit Spirou ou d’Astérix.

Fou du format manga

Puis, alors qu’il a à peine 25 ans, il décide de faire de sa passion son métier. Et comme il est fou du format manga, du manga qu’il fera, du mangaka qu’il deviendra. Sans même avoir conscience qu’il est un pionnier, voire un précurseur “en tout cas l’un des premiers auteurs à avoir été signé par un éditeur, Pika, qui ambitionne de publier un livre qui ressemble à ce qui se fait au Japon, pour une série”.

Une série destinée à un public adolescent (relevant donc du manga shonen) et qui s’inscrit dans le genre garde son ADN français, voire régional, puisque son héros, Terrence (qui, en surmontant sa phobie du feu, se retrouve transporté, à chaque nuit, dans le monde des rêves), est un lycéen qui fréquente le même établissement que celui où avait étudié Réno Lemaire quelques années auparavant.

“Pas un auteur français aussi lynché que moi”

A cette étape de son histoire, le destin de Réno Lemaire ressemble à une success story sans tache, celle d’un jeune dessinateur de bande dessinée qui, à 25 ans, réalise les rêves de l’enfant de 7 ans qu’il était autrefois. Sauf que ses débuts « ont été très mal accueillis, ça a vraiment divisé. Je ne pense pas qu’il y ait un auteur français autant lynché que moi.»

Les coups pleuvent de toutes parts : « Déjà, le format manga était considéré comme l’envahisseur, les librairies refusaient d’en vendre à l’époque ! A la Fnac, mes couvertures étaient crachées, oui, c’est arrivé, ou alors elles étaient parfois taguées ! Cela a rendu tout le monde nerveux : le public du franco-belge, de l’album cartonné de 48 pages, était mécontent de voir de jeunes auteurs imiter, selon eux, les Japonais. Mais où allons-nous ? le manga restait très extrême, ne comprenait pas la démarche venant d’un auteur non japonais, et ça, je m’attendais à moins… »

“Je suis allé chercher mon public”

Un accueil qui aurait découragé plus d’un jeune entrant dans la profession. Mais Reno se releva, à sa manière : «Je ne me suis pas arrêté. Les avis des autres ne comptaient pas, je ne connaissais personne dans ce secteur, j’écrivais et je dessinais pour moi. Je me suis dit que si le succès arrivait, tant mieux, je pourrais remplir le frigo et si ça ne marche pas, eh bien… je continuerai, et je prendrai un petit boulot de bouffe à côté. .

Et puis le vent a tourné : « En fait, à un moment donné, tout le monde parlait dePays de rêve mais personne ne l’a lu. Le regard des gens a donc changé lorsqu’ils ont commencé à lire la série. Ceux qui n’aimaient pas ça ont trouvé d’autres chats à fouetter, et j’ai beaucoup signé, j’ai fait 90 festivals, je suis allé chercher mon public, et ça m’a sauvé.

“Il connaît très bien son public”

Et vingt ans plus tard, rien n’a changé. Comme peut en témoigner Marine Dumas, qui a accueilli le mangaka il y a quelques jours à la librairie de Montpellier Planètes Interdites, lorsqu’il est venu présenter sa nouvelle série, Quête gratuite qu’il a créé et scénarisé : « Il connaît très bien son public. Ses premiers fans reviennent à chaque fois, il se souvient d’eux, a un mot pour chacun, il prend le temps d’avoir un vrai échange, et ça les touche beaucoup. A Montpellier d’autant plus !

Christophe Régner, son confrère d’une autre librairie montpelliéraine spécialisée en bande dessinée (Azimuts) confirme : « Avec Dreamland, c’est devenu un phénomène éditorial, et un phénomène local aussi, un peu à l’image de Fabcaro, qui est aussi héraultais. Cette série a marqué les esprits et les lecteurs. Chapeau bas ! ».

L’unanimité maintenant

Un succès désormais salué presque unanimement. Mais cela a un prix. Celle d’un travail titanesque, qui, dans le cas de Réno Lemaire, se mesure à l’aune de 6 000 pages réalisées en 18 ans, à raison de treize à quatorze heures quotidiennes passées devant sa planche à dessin, six jours par semaine. . Sept : « De 9 heures à 18 heures, puis de 22 heures à 2 heures du matin, tous les jours. Et à l’approche de la fermeture, je pousse jusqu’à 3 heures du matin, sinon c’est impossible !

Un tour de force réalisé avec l’aide de deux assistants pour croquer les décors (dont un originaire de Montpellier), un processus collaboratif courant au Japon, mais rare en France : « Il a fallu inventer de nouveaux contrats. Parce que s’il y en avait pour les scénaristes, les décorateurs et les coloristes, pour le métier d’assistant décorateur, il n’y avait rien !note Réno Lemaire. Encore une fois, un pionnier !

 
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