Cette découverte fit grand bruit, car elle confirmait une rumeur qui circulait depuis un siècle, à savoir qu’un des seigneurs des lieux aurait enlevé et mis au cachot sa femme suite à une grave dispute conjugale. L’affaire remontait à 1714. Le marquis Jean-Jacques de Montesquiou, alors seigneur de Xaintrailles, se maria, malgré ses 54 ans, avec Hélène de Sabran, de 33 ans sa cadette et issue d’une illustre famille du sud de la France. . Son frère, Honoré de Sabran, fut premier chambellan du duc d’Orléans, devenu régent à la mort de Louis XIV. L’épouse de l’accommodant Honoré, Louise-Charlotte de Foix, était l’une des maîtresses les plus notoires de ce grand seigneur désireux de faire commencer la fête. Cela a pu prêter à confusion : la rumeur courait qu’Hélène de Sabran avait également été l’une des maîtresses du Régent, ce qu’aucun document fiable ne pouvait confirmer.
Philippe d’Orléans a laissé le souvenir d’une vie très dissolue. Quant à Hélène, particulièrement belle, elle aurait eu, malgré sa jeunesse, de nombreux amants avant son mariage. L’historien Philippe Lauzun la décrit ainsi, telle qu’elle apparaît dans un tableau aujourd’hui disparu : « L’œil fier et hautain, la taille fine et élancée, serrée dans un corsage Pompadour, le carquois sur l’épaule, l’arc à la main, et deux de beaux lévriers couchés à ses côtés. Et il ajoute : « On sent en elle la noblesse de race, la grande dame de la Régence. »
Disputes violentes
Cependant, les beaux jours de la jeunesse n’ayant que peu de temps, la belle résolut de finir honorablement en se mariant. Mais tel était le sort des femmes à cette époque, qu’elles n’avaient pas un sou de dot. Elle résolut d’épouser ce gentilhomme gascon richement doté, espérant combler son déplorable déficit de richesse personnelle. Une fois le mariage accompli, profitant de l’avantage que lui donnaient sa beauté et sa jeunesse, Hélène se vit offrir des biens considérables par le marquis de Montesquiou. N’ayant d’yeux que pour les charmes de sa jeune épouse, et totalement aveugle quant à son passé sulfureux, le vieux mari consentit à toutes ses demandes.
“J’ai vu, de mes propres yeux, l’escalier, la cave et les restes de cette personne emmurée dans ce donjon”
Cependant, la belle a abusé de l’aubaine et a exigé de plus en plus. Elle fit cependant l’erreur de se montrer de plus en plus rapace, puis face aux réticences du mari qui commençait à y voir clair, elle se révéla parfaitement odieuse. De violentes disputes éclatèrent à tel point que la rumeur du désaccord du couple ne manqua pas de se répandre dans tout le village. Puis un jour, ce bruit s’est arrêté, et personne à Xaintrailles n’a revu Hélène de Sabran.
Un squelette découvert
C’est ainsi qu’est née et s’est répandue la rumeur selon laquelle le mari exaspéré aurait jeté la belle Hélène dans des connards de bas-fond. Rumeur qui se perpétue de génération en génération jusqu’à ce qu’en 1838, la découverte, sous le donjon, de ce squelette féminin, confirme les terribles soupçons.
Le baron Haussmann, alors sous-préfet de Nérac, fut témoin de cette découverte, et la raconte dans ses Mémoires : « En remontant les dalles de la cour intérieure du château, des ouvriers venaient de découvrir un petit escalier descendant à l’entrée. à une sorte de cachot, sous le cachot, dans lequel se trouvaient les os d’un corps humain : un crâne encore garni de quelques cheveux et de lambeaux d’étoffe d’or et d’argent. J’ai vu de mes propres yeux l’escalier, la cave et la dépouille de cette personne emmurée dans ce donjon. »
Il ne pourrait bien entendu s’agir que de la « dépouille » d’Hélène de Sabran.
Rumeur… et histoire
Sauf que des historiens sérieux se sont ensuite saisis de l’affaire, ont consulté les actes et la chronologie. Devant notaire, le couple se sépare en 1720, six ans après leur mariage, et Hélène de Sabran quitte alors Xaintrailles, emportant néanmoins l’argent que son mari lui avait imprudemment alloué.
Ne la voyant plus, les cris de dispute ayant cessé, les imaginations locales s’enflammèrent. Mais d’autres actes notariés révèlent que le malheureux Jean-Jacques meurt en 1730, tandis qu’Hélène de Sabran meurt à son tour, loin de Xaintrailles, trois décennies plus tard, en 1763, à l’âge de soixante ans. , non sans avoir engagé d’interminables procès contre les héritiers du défunt marquis.
Reste le mystère de ces ossements sur lesquels sont restés des lambeaux de riches vêtements. Mystère, en effet… Mais une chose est sûre : il est impossible qu’il s’agisse de la dépouille d’Hélène de Sabran, dont son mari, trop heureux de se débarrasser, n’a certainement pas pensé à séquestrer !
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