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tortues entre les fissures

Dans une cour du centre de soins des tortues marines, au sein de l’Aquarium de Guadeloupe, une tornade se débat dans une piscine. Le reptile, plus petit que la paume d’une main, tente désespérément d’atteindre le fond pour récupérer de la nourriture. A chaque fois, il remonte à la surface tel un bouchon. “Le vétérinaire déterminera aujourd’hui si son problème de flottabilité est dû à un œdème suite à une capture accidentelle par des engins de pêche, comme cela arrive souvent. », commente Thomas Godoc, responsable du centre de soins, en plaçant délicatement l’animal dans un seau, sur un linge humide, pour le transporter. L’année dernière, toutes les tortues adultes collectées et soignées par cette structure portaient les marques des filets sur leurs pattes avant ou sur leur cou.

« Près d’un millier de tortues se font prendre dans les filets chaque année en Guadeloupe et en Martinique, c’est catastrophique », déplore Damien Chevallier, chercheur au CNRS et spécialiste des tortues marines. En Guadeloupe, une formation a été dispensée à des pêcheurs volontaires pour leur apprendre à réanimer les tortues lorsqu’il n’est pas trop tard. ” Mais bien souvent, les pêcheurs ne déclarent pas les individus capturés, constate Thomas Godoc. Ils ont trop peur des ennuis et préfèrent les remettre directement – ​​et discrètement – ​​à la mer. » Il est en effet interdit de pêcher ces espèces protégées. En transporter un est puni d’une amende de 22 500 euros et d’un an d’emprisonnement.

COP16 : Qu’attendre des crédits biodiversité ?

«Nous sommes obligés de sensibiliser et de réexpliquer aux pêcheurs qu’ils ont l’obligation de déclarer toute capture, et qu’en nous appelant pour obtenir l’autorisation de les ramener au centre ils sont protégés, il explique.Mais rien ne fonctionne. En 2023, nous avons soigné une quinzaine de tortues adultes blessées. Tous avaient été signalés au Sea Turtle Stranding Network… par des touristes.»

« Il faut arrêter de piller la mer »

Dans le petit port de Saint-François, au sud-est de l’île, le sujet se tend, les visages proches. Personne ici n’admet avoir jamais capturé une tortue, et la discussion est courte. Seul Christophe Catherine l’avoue sans enthousiasme. Ce grand pêcheur de 44 ans utilise depuis longtemps un trémail, un modèle peu sélectif et emmêlant, dénoncé par les associations de protection de l’environnement. “J’ai attrapé trop de poissons dont je ne voulais pas, des tortues, mais pas que », dit-il en démêlant son filet sur la jetée. Il murmure pour éviter les interactions avec d’autres pêcheurs qui ne partagent pas ses positions : «Cela ne fonctionnait pas, alors j’ai amélioré ma pêche. Si nous voulons que ce métier perdure pour nos enfants, nous devons arrêter de piller la mer. »

Il y a quatre ans, le propriétaire du flamboyantJérusalempassé au filet droit, beaucoup plus fin, qui est censé se déchirer au passage du reptile. En avance sur l’évolution de la réglementation… En effet, dans les prochains mois, un arrêté préfectoral devrait interdire les trémails dans les eaux de Guadeloupe, comme c’est déjà le cas en Martinique depuis quatre ans.

Les jeunes tortues marines sont soignées à l’Aquarium de Guadeloupe. (Crédits : LTD/Fanny Arlandis)

Outre le trémail, d’autres modèles, comme ceux utilisés pour attraper les lambis ou les homards, posent problème. Mais tous ne peuvent pas être interdits. “C’est pourquoi seules des solutions innovantes, conçues avec les pêcheurs, permettront de réduire les captures accidentelles.insiste Damien Chevallier. Partant de ce constat, le scientifique s’est lancé dans une expérience qu’il a baptisée Topase (pour « tortues et pêche accidentelle, vers des solutions de réduction efficaces ») et qui s’est achevée l’année dernière.

Pêche bretonne : les écologistes ne parviennent pas à faire adopter un vœu sur les espaces marins protégés

Dix pêcheurs guadeloupéens – dont Christophe Catherine – ont accroché des petites LED aux mailles de leurs filets pour signaler le danger pour les tortues. Résultat : les pêcheurs ont capturé la quantité habituelle de poissons… sans attraper de tortues. Reste désormais à trouver une solution plus écologique et moins énergivore que les batteries pour recharger ces lampes. “En 2017, poursuit le chercheur, nous avons découvert, à notre grande surprise, que les tortues interagissent entre elles, et surtout qu’elles communiquent par des sons. J’ai donc voulu aussi mettre ces connaissances à profit. »

Caméras embarquées équipées d’hydrophones [micros destinés à fonctionner sous l’eau] ont été installés sur leurs coquilles pour enregistrer leurs sons. Ceux qui indiquent la vigilance et l’alerte ont déjà été identifiés. L’idée serait alors d’utiliser ces vocalisations comme répulsif sous-marin. C’est le cœur du projet Recapted (« réduction des captures accidentelles pour une pêche efficace et durable »), sorte de Topase II que Damien Chevallier vient de lancer en Martinique et en Guadeloupe, et qui se poursuivra jusqu’en septembre 2027.

La haute horlogerie à l’heure du recyclage

Tout a commencé par une seule question. Comment la haute horlogerie peut-elle promouvoir un mode de vie plus sain et agir pour préserver la planète ? “Nous nous sommes lancés un défi : démontrer que les déchets recyclés pouvaient être vendus et considérés comme un produit de luxe.»,déclare Jean-Christophe Sabatier, directeur produit chez Ulysse Nardin. Au sein de cette célèbre marque suisse, connue pour avoir développé le premier chronomètre de marine en 1846, cela ne pouvait se faire qu’en lien étroit avec l’océan. L’entreprise recherche alors des start-up capables de l’aider à fabriquer des montres étanches jusqu’à 300 mètres de profondeur à partir de matériaux issus du milieu marin. Elle rencontre Fil & Fab, une entreprise fondée par trois jeunes entrepreneurs du Finistère, qui récupère les filets de pêche usagés dans les ports français pour recycler les pièces en polyamide, c’est-à-dire en nylon.

Le processus Fil & Fab est simple. Après avoir éliminé les polluants extérieurs (restes d’algues, poissons…) et séparé les différentes parties de l’armature du filet, les couches de polyamide restantes sont broyées, extrudées – »moulé en forme de spaghetti»,explique Yann Louboutin, co-directeur de la société -, ensuite réduit en granulés prêts à l’emploi. Un résultat qui séduit des secteurs aussi divers que l’automobile, la lunetterie, la coutellerie ou l’horlogerie. Ulysse Nardin produit les châssis et le dos de deux de ses montres, la Diver Net Azure et la Diver Net OPS, à partir de ces granules.

«La matière ne manque pas, souligne Yann Louboutin. Un filet de pêche a une durée de vie de dix mois en moyenne. Ce qui fait que chaque année, en , on jette entre 600 et 800 tonnes, dont 50 % en Bretagne.» En 2024, Fil & Fab aura recyclé plus de 50 tonnes, un volume que l’entreprise espère tripler prochainement. Avec eux, l’horloger Ulysse Nardin a retrouvé sa belle histoire à raconter. Les deux sociétés travaillent actuellement sur une nouvelle édition limitée qui sortira pour le prochain départ du Vendée Globe, le 10 novembre.

 
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