En Tunisie, la révolution du jasmin en 2011 a libéré une presse longtemps muselée par le régime de Ben Ali. Depuis, Walid Bourouis est témoin et victime de la dégradation progressive du droit de la presse. Pour avoir dénoncé la corruption au sein des médias d’État, il a dû fuir son pays.
Walid Bourouis débute sa carrière de journaliste dans le journal francophone Le Quotidien en 2009. À l’époque, le Le président Ben Ali dirige le pays d’une main de fer : le multipartisme interdit, la liberté d’association confisquée et la presse muselée. Lorsqu’il tombe en 2011, Walid Bourouis avait 20 ans. Un vent de changement souffle sur tout le pays. La liberté de la presse se développe et Walid redécouvre son métier.
« Je me souviens très très bien de la Une de notre journal du lendemain : « Le vent de la révolution souffle ». Le 14 juillet j’écrivais un article « La voix du peuple crie haro (?) sur le régime » et le rédacteur en chef a refusé en riant en disant que c’était peut-être un peu trop tôt, mais voilà, c’était la dernière fois que j’ai été censuré », dit-il au micro de Welly Diallo de RFI.
L’euphorie n’a pas duré longtemps. En 2011, il rejoint Cactus Prod. Cactus Prod fait partie de ces médias « confisqués » ayant appartenu à la famille de Ben Ali et réquisitionnés par l’État après la révolution.
En 2016, Walid Bourouis révélait une affaire de corruption au sein de son propre média ; au cœur de l’enquête : un détournement de plus de 4 millions d’euros. Les ministres se retrouvent face à la justice et l’affaire fait la Une des journaux du pays. Pour Walid, c’est le début d’un nouveau quotidien plein de menaces.
« Depuis 2016, il y a eu des menaces et des agressions, c’est le quotidien… Je me souviens d’une grande manifestation où j’ai été agressé aux genoux avec 21 jours de repos et au visage aussi… C’était toujours comme ça. »
Les choses empirent en 2022 quand Kaïs SaïedPrésident de la Tunisie, adopte le Décret-loi 54 qui punit la « diffusion de fausses informations ». Le 16 juillet 2023, les journalistes descendent dans la rue pour défendre la profession. Walid s’exprime et critique les agissements du président Kaïs Saïed, la corruption de son entourage, ainsi que les violences policières exercées contre les journalistes.
« C’était une journée de colère car, la veille, Kaïs Saïed avait prononcé un discours dans lequel il avait traité les journalistes de criminels. Et c’est à ce moment-là que les menaces ont repris, mais cette fois accompagnées de poursuites judiciaires. Je risquais cinq à dix ans de prison et c’est à ce moment-là que j’ai dû quitter le pays. »
Depuis, poursuivi en vertu du décret 54, Walid vit en exil en France, où il poursuit ses activités syndicales et son soutien à ses amis journalistes emprisonnés en Tunisie.
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