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Après treize ans de mandat, le communiste Eric Bocquet démissionne de son mandat de sénateur du Nord

Il a rendu son écharpe de sénateur, après treize années passées à la chambre haute du Parlement. L’élu communiste du Nord Eric Bocquet a démissionné de son mandat au Sénat, qu’il occupait depuis 2011 et deux réélections. C’était son dernier jour vendredi 1er novembre. A presque 67 ans, il reste conseiller municipal de Marquillies, ville dont il a été maire pendant 22 ans, et conseiller métropolitain de la Métropole européenne de Lille. Il explique son choix et ce qu’il retire de ce poste.

Bleu Nord : Cette démission est-elle un soulagement ou est-ce compliqué de partir ?

C’est un véritable choix politique, réfléchi avant même les dernières élections sénatoriales de 2023. Je ne suis ni malade, ni fatigué, ni désillusionné, ni déçu. Mais je pars car j’ai décidé de laisser Alexandre Basquin [maire d’Avesnes-les-Aubert, ndlr] à régler dans le mandat. Cambrésis n’a pas eu de sénateur depuis 2017. Il connaît les communautés et il connaît le Sénat puisqu’il a été mon collègue pendant treize ans. Je pense qu’il sera opérationnel très rapidement. Il faut savoir, à un moment donné, préparer la suite et faire appel à la nouvelle génération.

Que retenez-vous de ce mandat de sénateur que vous avez occupé pendant plus de dix ans ?

J’ai adoré ce mandat. C’est une expérience que je souhaite à tout le monde. Je suis entré au Sénat avec des convictions, j’en suis reparti avec des certitudes. Je comprends mieux le fonctionnement du monde et notamment l’influence de la finance sur les affaires des États et de la société dans son ensemble. Je me suis retrouvé au comité des finances à mon arrivée en 2011, un comité que je n’avais pas choisi. J’ai appris chaque jour. J’ai l’impression d’être allé à l’université. Lorsque nous votons un budget, nous préparons la vie quotidienne des personnes, des communautés, des services publics, de tous les aspects de la société.

On dit souvent que le Sénat est la chambre des anciens élus…

Oui, il y a toujours ces octogénaires ventrus, somnolents et prostatiques dans la tête de certaines personnes. Honnêtement, ce n’est pas du tout ce que j’ai vécu. Je vivais avec des gens qui travaillaient beaucoup. Les travaux du Sénat et les rapports qui en sont publiés sont reconnus pour leur qualité par les journalistes, les universités et les maires. Il y a des débats de fond, parfois très vifs, comme celui sur l’inscription dans la Constitution, par exemple. Tout n’est pas écrit d’avance, il y a des choses qui ont pu avancer à certains moments sur des sujets particuliers. C’est le cœur de la démocratie.

Vous souviendrez-vous d’un combat que vous avez mené, d’un texte ou d’un moment qui vous a marqué ?

Il y a l’adoption des rapports des commissions d’enquête à l’unanimité par tous les membres, malgré les divergences qui peuvent exister entre eux. Cela donne de la force à ce rapport et il devient un outil politique. [Avec son frère, l’ancien député Alain Bocquet, ndlr]nous l’avons transformé en deux livres (Sans domicile Fisc et Billions on the run). Et un autre moment agréable a eu lieu en décembre 2021, lorsque le picard a finalement été reconnu comme langue régionale. C’est une petite victoire, mais symbolique et une reconnaissance de notre culture, de notre patrimoine. Ce n’est pas ringard.

Avez-vous eu l’impression d’avoir réussi à changer un peu les choses ?

En matière d’évasion fiscale et de paradis fiscaux, le chemin à parcourir est très long. Des petites mesures ont été prises, mais ce qui est, je crois, établi, c’est que le sujet est dans le débat public. Cela parle à tout le monde. On s’énerve régulièrement sur le déficit, la dette… Et puis là-bas, de l’autre côté, il y a des dizaines de milliards qui échappent à la République. On ferait peut-être bien de s’y intéresser un peu plus.

Envisagez-vous de poursuivre votre action politique ?

Je reste conseiller municipal à Marquillies et conseiller communautaire à la Métropole européenne de Lille. Si je suis invité à partager ce que j’ai appris et compris, comme il y a quelques semaines, par le Rotary Club de La Bassée pour parler de la dette publique, alors j’ai l’intention de le faire. Je vais changer de rythme. Un peu plus de lecture mais pas de rapport parlementaire. Écoutez de la musique. Revenir à des instants choisis, au rythme d’un sénateur.

Vous quittez à un moment particulier la situation politique du pays, très divisée, très incertaine aussi surtout depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Est-ce que cela vous concerne ?

Cela m’inquiète un peu. Concernant le débat budgétaire, j’ai le sentiment que c’est au Sénat que ce budget sera construit mais je crains que tout se décide par 49-3. La vie politique est fascinante, si elle prend soin des gens et pas seulement de ceux qui la pratiquent, avec des ambitions personnelles. J’ai vu les récents sondages sur la méfiance croissante de nos concitoyens envers les élus. C’est inquiétant car nous avons besoin d’élus. Nous vivons une crise démocratique tellement importante, l’abstention qui reste élevée, le vote d’extrême droite qui m’inquiète profondément, l’état du monde. Les gens sont inquiets et ne croient plus à l’avenir. Et c’est la pire chose. La résignation est la pire chose, c’est le pire poison. Je ne crois pas au destin. C’est pourquoi je suis impliqué depuis maintenant 50 ans. Je suis convaincu que les moyens existent pour construire un autre monde. Nous sommes dans un moment difficile. Mais il y a eu des moments plus difficiles dans notre histoire et tout cela renforce mon idée que l’engagement collectif permet de surmonter les difficultés.

 
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