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Fin du vote obligatoire, quels dommages collatéraux ?

Les élections municipales et provinciales du 13 octobre ont vu en Flandre un niveau d’abstention jamais égalé, mais légal. Depuis 2021, le vote n’est plus obligatoire dans le nord du pays pour ce type d’élection, contrairement à Bruxelles et à la Wallonie qui ont maintenu cette disposition.

Seuls six Flamands sur dix sont allés voter dimanche dernier. Soit 3,1 millions d’électeurs sur plus de 4,9 millions d’électeurs. Ils étaient 90 % lors des élections municipales de 2018.

«On s’attendait effectivement à une baisse du taux de participation puisque les derniers sondages indiquaient un taux d’abstention de près de 25%», commente le politologue et professeur à l’UCLouvain, Pierre Vercauteren. “Mais pas à une telle échelle”, renchérit Jean Faniel, directeur général du CRISP (Centre d’études et d’informations socio-politiques). “Nous pensions que la baisse de la participation serait plus progressive, mais elle est en réalité très prononcée.”

Ceux qui résistent au vote ne sont plus poursuivis par la justice

Depuis une vingtaine d’années, le taux de participation aux élections ne cesse de chuter en Belgique. Ceux qui résistent sont d’autant plus disposés à rester chez eux que la justice ne les poursuit plus.

La décision adoptée au début de la décennie par le précédent gouvernement régional flamand du nationaliste Jan Jambon concernant les élections locales a évidemment précipité le mouvement. Lors d’élections communales ou provinciales, les électeurs flamands sont désormais libres de ne pas voter.

Déjà dans les années 1990, certains dirigeants souhaitaient supprimer l’obligation de voter au motif que la majorité des électeurs du Vlaams Blok (actuellement « Vlaams Belang ») n’était pas forcément attirée par l’extrême droite, mais cherchaient d’abord à exprimer son mécontentement. avec obligation de voter.

Le politologue Lieven De Winter fait un parallèle avec les Pays-Bas : « Le taux de participation de 63 % des électeurs flamands correspond aux taux observés aux Pays-Bas lorsqu’ils ont décidé de supprimer le vote obligatoire. Lors des élections qui ont suivi, ils sont passés d’un taux de participation de 95 % à 70 %. Il a ensuite augmenté à nouveau lors des élections suivantes avant de retomber. Aujourd’hui, ce taux ne dépasse même plus les 50%, surtout lorsqu’on parle d’élections municipales.»

De quoi alarmer ceux qui pensent que l’abstention est la meilleure arme des partis populistes et d’extrême droite, car elle réduit le bassin de voix des partis démocrates.

Un obstacle à la liberté individuelle ?

En Belgique, le vote obligatoire existe depuis 1893, ce qui en fait l’un des rares pays en Europe à avoir maintenu cette disposition aussi longtemps. À l’origine, le système reposait sur l’idée que la participation électorale était un devoir civique, garantissant une représentation démocratique large et inclusive.

Ses partisans affirmaient déjà que l’abolition du vote obligatoire risquait de marginaliser les groupes les moins politisés ou les plus éloignés des institutions politiques, comme les jeunes ou les populations défavorisées. Quant à ses opposants, ils y voyaient une entrave à la liberté individuelle (voter doit être un droit et non une obligation) et estimaient que l’obligation de voter pouvait conduire à une forme de désengagement ou de désintérêt pour la politique. Ce qui pourrait nuire à la qualité du débat démocratique.

La décision de supprimer le vote obligatoire pour les élections municipales en Flandre a été principalement portée par le précédent gouvernement flamand, et notamment par la N-VA d’Anvers Bart De Wever, un parti nationaliste et conservateur. Il est depuis longtemps un ardent défenseur de l’abolition du vote obligatoire, estimant que cette mesure reflète mieux la liberté individuelle. Il a été adopté avec le soutien de l’Open VLD (le parti libéral du Premier ministre sortant Alexander De Croo) et du CD&V (démocrate-chrétien).

Le sud du pays reste favorable à l’obligation de voter

En revanche, en Wallonie et à Bruxelles, la suppression du vote obligatoire n’est pas mise en œuvre. Les partis francophones, comme le PS et le Mouvement Réformateur (MR, libéral), se sont opposés à cette réforme, arguant qu’elle nuirait à la représentation des classes populaires.

Récemment, le libéral francophone Louis Michel, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien commissaire européen, a encore une fois dit tout le mal qu’il pensait de la fin du vote obligatoire. “Je trouve un peu fort qu’on introduise dans la loi la possibilité de ne pas aller voter”, a-t-il insisté. Là où le vote n’est pas obligatoire, cela favorise davantage les partis de droite ou, en tout cas, un électorat plus privilégié qui votera. Donc, en termes de représentation, cela désavantage les personnes vulnérables ou les personnes moins riches, moins formées. Et donc, par rapport à la démocratie, on ne se rend pas compte mais on réintroduirait par ce biais un vote au pouvoir ou recensement. Louis Michel dénonce une « régression démocratique ».

Les résultats des élections municipales en Flandre tendent à lui donner raison, même s’il est trop tôt pour faire une corrélation entre la fin du vote obligatoire et les scores de certains partis.

Victimes collatérales des communistes

A Anvers, la N-VA de Bart De Wever a obtenu 37% des voix. Si le communiste PTB-PVDA, présenté comme son principal concurrent, arrive en deuxième position, il dépasse à peine les 20 %. Ce qui, selon certains dirigeants communistes, est la conséquence directe de la fin de l’obligation de voter. Une partie de leur électorat, plus précaire et allergique à la politique, ne serait pas venue.

En revanche, le Vlaams Belang a été un succès. Il a multiplié les bons scores dans différents endroits de Flandre et a surtout obtenu la majorité absolue à Ninove, commune située entre Bruxelles et Gand. Il est vrai que les électeurs avaient des comptes à régler avec les partis démocrates qui avaient refusé de gouverner avec le Vlaams Belang, vainqueur des élections municipales de 2018. Le « bélanger » Guy D’haeseleer sera le prochain maire de cette commune de la vallée de la Dendre. Du moins si les accusations de fraude contre son parti sont levées.

La Belgique se retrouve ainsi avec un modèle hybride où le vote est obligatoire pour certaines élections (fédérales, régionales, européennes) mais pas pour d’autres (communes en Flandre). À l’avenir, cela pourrait relancer les débats sur la cohérence de ce système.

Au Luxembourg, toute personne inscrite sur les listes électorales est obligée de voter le jour du scrutin. Toutefois, les électeurs âgés de plus de 75 ans et les Luxembourgeois résidant à l’étranger sont exemptés du vote obligatoire.

 
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