Dessin d’un camion envoyant ses gaz d’échappement sur des piétons en soutien, le candidat PSC Jacques Delcroix promet de son côté, sans se soucier de la contradiction de ses propos : «un air pur et de la verdure, un parking abondant et des commerçants prospères et respectés ». Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas en campagne pour les élections municipales de 2024 mais en… 1958 !
« Une affiche ne fera pas forcément gagner plus de voix à un candidat »
66 ans plus tard, les thématiques mises en avant par les partis politiques via leurs flyers, affiches – et aujourd’hui via les réseaux sociaux – ont peu changé. Le PS (comme le PTB) met toujours l’accent sur la production de logements ou l’accès à l’école. Alors que les thématiques liées à la qualité de l’air et au verdissement de la ville sont désormais la marque de fabrique des écologistes.
Les Engagés sont toujours partagés entre dynamisme économique et préservation de la santé des habitants. De là à penser que les élus prennent les électeurs pour des billes, que les projets et programmes qu’ils mettent en place depuis des décennies ne sont qu’un échec ?
Loin de là, assure le politologue de l’UCLouvain Pierre Vercauteren. “Il peut paraître surprenant de constater que l’on parle toujours des mêmes thèmes, mais il faut rappeler que la manière dont ces thèmes surgissent dans la vie quotidienne des gens, dans leur aspect concret, est très différente selon les époques. Quand on parle aujourd’hui de logements neufs, on parle de logements dotés d’une isolation importante. Ce n’était pas le cas à l’époque. » De même, “En 1958, on parlait beaucoup de réformer Bruxelles pour en faire un nouveau New York. Ce n’est pas parce que les partis politiques abordent aujourd’hui les mêmes thématiques qu’il s’agit des mêmes sujets. Le contexte est différent.
Le politologue s’interroge également sur la pertinence de cet affichage électoral omniprésent en période électorale à l’ère des réseaux sociaux, canaux de communication en contact direct avec l’électeur. “Je considère cela comme une situation paradoxale. Une affiche ne fera pas nécessairement gagner plus de voix à un candidat, mais l’absence d’affiche peut lui faire en perdre. Cela reste donc une nécessité. Les candidats sont obligés de poster sur papier même si cela est loin d’être suffisant à l’ère des réseaux sociaux.»
Pour le chercheur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp), “L’affiche était autrefois un canal central de la propagande électorale – aujourd’hui on dirait : la communication. Les affiches étaient également plus grandes : cela permettait d’élargir les textes. Pour les partis et les candidats, l’affiche était un vecteur essentiel pour se faire connaître et faire connaître leurs idées.
En termes de slogan, les élections municipales invitent à la créativité et à la personnalisation, poursuit Pierre Vercauteren. “A Mons, les écologistes figurent par exemple sur une liste RéforMons.» Ils sont également beaucoup plus personnalisés. “Je me souviens d’une liste Jaurès en Belgique. Roger Nols (ancien bourgmestre de Schaerbeek, extrême droite, NDLR) avait fait campagne via une liste de Noël. Plus récemment, Fouad Ahidar fait la même chose. Le jeu commun est extrêmement personnalisé, l’utilisation de noms et de visages est beaucoup plus fréquente.
« Écoutez la voix de votre maire et gardez-lui votre confiance »
Témoin, dans les années 1950, la candidate Denise Avella-Demulder invitait simplement les habitants de Laeken à «votez pour une Laekenoise qui défend vos intérêts”une immense photo d’elle sur l’affiche. Aucune mention de fête, elle déclare simplement qu’elle est “troisième candidat sur la liste n°2″. Autre exemple en 1958 encore : «Jeune représentant, votez pour Van Quickelberghe”a fièrement posé en costume trois pièces ce jeune candidat, 17ème candidat sur la liste PSC. 44 ans plus tôt, le maire sortant Adolphe Max ne jouait que là-dessus : «Votez pour lui ! Quoi qu’il arrive, écoutez la voix de votre maire et gardez-lui votre confiance. Il ne la trahira pas.lit-on sur une affiche électorale le présentant avec des yeux fiers, une moustache et une barbichette saillante.
Une tendance qui est de plus en plus marquée aujourd’hui, constate Cédric Istasse. “Aujourd’hui, la règle est d’avoir des affiches qui se limitent à trois éléments : la photo du candidat, le nom du candidat et le sigle ou le nom de la liste. Parfois, la place du candidat sur la liste est ajoutée. Et parfois aussi, un slogan – généralement de quelques mots seulement, qui plus est très consensuel, comme «Le changement, c’est maintenant », « Pour une ville où il fait bon vivre ». C’est une situation que beaucoup déplorent car elle met en avant des visages et des partis et non des idées, des programmes et des projets.»
Le contre-exemple d’Ecolo qui voulait faire de la politique « autrement »
L’exemple d’Ecolo est évident, souligne le chercheur. “Lorsqu’il est entré en politique, il voulait faire de la politique différemment. Cela comprenait des affiches électorales comportant des messages et non des têtes. Le parti s’est rapidement rangé dans le rang. Et, aujourd’hui, il ne se démarque plus des autres partis sur ce point. Écolo a fini par croire que ne pas jouer la carte de la personnalité sur ses affiches lui était électoralement préjudiciable.»
Si l’on remonte aux origines des affiches électorales, on remarque qu’elles comportaient un texte important, peu d’images ou de photos. “Il fallait souvent prendre le temps d’une ou deux minutes pour lire le texte dans son intégralité. De plus, il contenait des idées fortes, des positions claires et, on dirait aujourd’hui, qui divisent. Il était également facile de deviner la tendance politique sous-jacente.»
Mais quand même, l’agressivité, les attaques frontales et virulentes, que l’on retrouve aujourd’hui sur les réseaux sociaux, s’affichaient sur les murs de l’époque. “Pendant longtemps, les affiches électorales étaient constituées de dessins et de caricatures. Il s’agissait de frapper l’imaginaire à travers l’iconographie. Ces images dénonçaient une situation problématique en l’amplifiant ou donnaient l’image de ce que serait un avenir radieux si le parti était au pouvoir. Il n’était d’ailleurs pas rare que ces images soient constituées d’une caricature, parfois farouche, – d’adversaires politiques : soit un parti, soit même une personne en particulier.poursuit le chercheur. Ces attaques frontales, caricatures et fake news, on les retrouve très souvent aujourd’hui sur les réseaux sociaux…
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