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comment le village de Saint-Aubin-de-Médoc est passé de la terre aux étoiles

CEn clair, Saint-Aubin-de-Médoc a connu un avant et un après 1960. En témoigne l’exposition (avec diaporama) intitulée « L’Envol », visible jusqu’au 12 octobre à l’Espace Villepreux, salle Hermès. La sortie d’un livre éponyme retrace l’impact de l’arrivée des activités aérospatiales sur la commune entre 1960 et 1977.

L’ordre est venu initialement du maire Christophe Duprat. « Je souhaitais un ouvrage de référence sur cette période. Car l’histoire de Saint-Aubin est intimement liée à celle de la conquête spatiale. C’est encore le cas aujourd’hui puisqu’un tiers des travailleurs saint-aubinois travaillent encore dans l’industrie aéronautique-spatial-défense. »

Forêt, vignes et moutons

James Colombel, Joël Heraud, Jean-Marie Lambert et Gérard Neveu se sont chargés de l’intégralité du projet. Tous sont acteurs de cette époque et passionnés d’histoire via les associations Généalogie 33 et Art et culture. L’année 1958 marque le point de départ de l’épopée. Le monde est en pleine guerre froide entre les États-Unis et l’URSS. La France travaille à construire sa force de dissuasion nucléaire. Pour cela, il lui faut des appareils capables d’emporter des armes nucléaires.

« L’histoire de Saint-Aubin se confond avec celle de la conquête spatiale »

La Sereb, ou Société pour l’Etude et la Production d’Engins Balistiques, est née. Sa mission est de doter la France d’une industrie balistique et spatiale. La direction est confiée à Charles Cristofini, un haut fonctionnaire de l’Etat, qui s’entoure d’ingénieurs. D’autres entreprises comme Nord et Sud-Aviation gravitent dans l’écosystème.


Charles Cristofini, patron de Sereb, lance symboliquement le chantier du futur lotissement baptisé Villepreux 1.

Nouvelle-Aquitaine region

L’armée ayant besoin de fusées à poudre, il est nécessaire de trouver un emplacement approprié, si possible hors de portée des missiles soviétiques. Saint-Médard-en-Jalles est une option. Son moulin à poudre, qui date du XVIIèmee siècle, dispose d’un solide savoir-faire industriel. Le maire de la ville, Christian Dussedat, fait appel à ses relations dans les cabinets ministériels. Il peut compter sur le soutien du maire de Bordeaux Jacques Chaban-Delmas, loin d’être un inconnu à l’Élysée. Les discussions aboutissent, le Sereb débarque en Gironde. Une première équipe d’ingénieurs s’installe provisoirement dans des casernes en bois à proximité du moulin à poudre.

Mais très vite, les regards se tournent vers Saint-Aubin-de-Médoc, où la veuve Langlois entend se séparer du domaine de Villepreux, une propriété exceptionnelle de 60 hectares avec château. Un lieu calme et discret, idéal pour les chercheurs Sereb. L’acte de vente est signé en octobre 1962. A l’époque, le village se compose de son village, de quelques maigres hameaux, de la forêt, des vignes, des moutons et des chemins caillouteux en guise de routes.


Les anciens locaux du Sereb existent toujours sur le Domaine de Villepreux. Ils accueillent désormais des structures municipales.

O.D.

Maladresse

Placée sur la rampe de lancement de la modernité, la ville prend son essor. Les premiers bâtiments sont construits en 1964 : direction, services administratifs, bureau d’études, salle informatique, bibliothèque et imprimerie… Un centre d’accueil du personnel de 3 400 m² prend forme au nord du domaine. Les déménagements se succèdent. Des ingénieurs et techniciens d’autres entreprises aéronautiques viennent en Aquitaine.


Vue aérienne de Saint-Aubin-de-Médoc au début des années 1960.

DR/Reproduction OS

Pour convaincre les cadres parisiens et leurs épouses de venir s’installer dans la « pampa », Sereb mise sur la qualité de vie. Elle fait construire sur le domaine de Villepreux un complexe sportif avec piscine, courts de tennis, salle de sport, etc. Les lotissements donnent corps aux quartiers. Le rêve pavillonnaire avec un jardin généreux façonne l’habitat. Les premiers bâtiments attribués aux ouvriers de Nord-Aviation dans les années 1960-1970, la démographie explose. La population de Saint-Aubin, qui stagnait entre 400 et 450 habitants depuis la Révolution française, a dépassé les 5 000 personnes en 2000. Elle frôle désormais les 8 000 habitants.


A l’époque, l’ancienne bergerie accueillait les festivités du staff Sereb à la manière d’un club-house.

O.D.

Bernard Barbeau, premier adjoint au maire, a vécu ce basculement de la terre vers les étoiles. « Les nouveaux arrivants ont fait quelques gaffes au départ, souligne-t-il. L’accès à la piscine était interdit aux locaux. On a vu apparaître des pancartes « propriété privée », « pelouse interdite ». Pour nous qui vivions au contact de la nature, c’était incompréhensible. Nous avions une gravière comme terrain de jeu. C’est là que nous nous sommes baignés et sommes allés pêcher. Il y avait deux villages. Cette mise à l’écart a généré un esprit de « guerre des boutons ». »

Achat en 2006

Les relations se détendent lorsque Bernard de Noblens, alors cadre à Sereb, rejoint le conseil municipal aux côtés du maire René Escaret. Le développement urbain se poursuit sans problème. Le sport se structure autour de l’Assam (Association Sportive de Saint-Aubin de Médoc) et bouscule les statuts sociaux.

Les premiers bâtiments sont construits en 1964 : services administratifs, bureau d’études, bibliothèque et imprimerie…

Sur le plan balistique et spatial, la construction et les essais de fusées à poudre sous la bannière du programme Pierres Précieuses culminent, fin 1965, avec le tir de la fusée Diamant A. Le lanceur français a décollé d’Hammaguir, en Algérie, avec à son bord le satellite Astérix. Dès lors, la France devient la troisième puissance spatiale mondiale, après l’URSS et les États-Unis.

Cette histoire a été en partie écrite en Gironde. « Saint-Aubin était, avec Saint-Médard, l’épine dorsale de tout ce qui se faisait auparavant », estime James Colombel. En 1970, l’État décide de regrouper le trio formé par Sereb, Nord-Aviation et Sud-Aviation au sein de la Société Nationale Industrielle Aérospatiale (SNIAS). Puis le SNIAS devient Aérospatiale. Le site de Saint-Médard-Issac prend une importance industrielle croissante. Les noms ont valsé au fil des intégrations et fusions successives jusqu’à la naissance d’ArianeGroup en 2017.


Cette maquette à l’échelle 1/5 de la fusée Diamant A, affichée sur un rond-point, a été inaugurée le 26 novembre 2009, quarante-quatre ans jour pour jour après le lancement de la véritable fusée emportant le satellite Astérix.

O.D.

Entre-temps, Villepreux s’est vidé de sa substance spatiale. En 2006, la Ville acquiert une partie du domaine. Elle crée un lieu de congrès, la maison des associations, l’école de musique et la Scène (salle de spectacle). Et Bernard Barbeau de conclure : « Cet achat était comme un symbole car nous redonnions aux Saint-Aubin un espace dont ils étaient privés depuis des années. »

Exposition au salon Hermès (Espace Villepreux) au 37, route du Tronquet, Saint-Aubin-de-Médoc. Horaires de 9h à 12h et de 14h à 17h30 ; Samedi de 14h à 17h30

 
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