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Savall, Monteverdi and the resilience of dinosaurs at the Maison symphonique de Montréal

Jordi Savall, Hespèrion XXI et les chanteurs de La Capella Reial de Catalunya étaient lundi à la Maison symphonique de Montréal dans un programme de Monteverdi, un érudit dont l’excellence ne peut éluder les questions de plus en plus criantes posées par la nécessité d’une médiation culturelle et musicale. .

Revoir un concert de Jordi Savall est comme un boulevard, surtout lorsqu’il s’agit de Monteverdi, son confident musical depuis plus de 40 ans. Sublime, forcément sublime…

Nous avons rapidement couvert ce chapitre. Ce qui est vraiment magique, c’est le consort de violes Hespèrion XXI, avec une douceur sonore et une cohésion magique, les cinq instruments et musiciens semblant parler d’une seule voix.

Il y a aussi un programme, intelligent, habile, qui alterne répertoire instrumental et vocal en miroir et qui, sur l’air de la gaillarde Le comte d’Essex de Dowland, passe des larmes à la légèreté autour des amours de Tirsi et Clori, dans deux madrigaux concertants.

Dans les parties vocales, on note la présence de la basse Salvo Vitale, une présence peut-être intimidante pour quatre acolytes qui n’ont pas la même aura, même si le ténor Ferran Mitjans se démarque avec un réel engagement.

Franchise et code QR

Alors voilà, place au concert. Nous pourrions continuer à le décortiquer, mais permettons-nous de profiter de cette occasion si édifiante pour nous faire l’avocat du diable en adoptant une attitude franche. Qu’a vécu quelqu’un qui a entendu parler du nom de « Jordi Savall », qui ne connaît pas vraiment la musique et qui s’est rendu à la Maison symphonique lundi soir ? Appelons ce candide « Gérard ».

Allons même jusqu’à imaginer que Gérard aurait lu Devoir SAMEDI. Jordi Savall a déclaré à Gérard : « Monteverdi met l’accent sur l’expression de la parole chantée. L’idée de faire passer les mots avant la musique réciter en chantant met en valeur toutes les émotions d’un acteur qui chante. C’est nouveau. […] Si vous prenez le La complainte d’Ariannajamais le malheur de cette femme abandonnée n’avait été ainsi illustré. Monteverdi nous fait vivre toutes les couleurs de nos émotions : on passe de la tristesse à la rage en quelques mots, quelques dissonances. »

Gérard a tout de suite saisi l’idée principale : il est essentiel de comprendre la relation entre le « dit » et le ressort qui anime l’expérience musicale. Cependant, la feuille ne reprend pas les paroles chantées. Ces mots ne sont pas projetés. Ils sont accessibles grâce à un QR code imprimé sur la brochure du programme. Ce dépliant est disponible en quantité nettement insuffisante mais, en aucun cas, vous ne pouvez utiliser le téléphone présent dans la salle pour lire le texte.

Il existe bel et bien un système conçu par des informaticiens et des artistes québécois autour de Valérie Milot. L’astucieux NEX-Périence vous permet d’utiliser le téléphone sans déranger les voisins. Mais visiblement, il reste encore du chemin à parcourir pour que cela se propage, puisque le QR code qu’on peut scanner pour ne pas avoir le droit de l’utiliser est largement plébiscité par les organisateurs.

Le langage des chats

Gérard se retrouve donc dans la pièce. Il entend sur scène des gens qui souffrent visiblement. « Aïe, aïe » fait peut-être référence aux chats sur l’appendice caudal sur lesquels quelqu’un marche. Monteverdi a peut-être écrit une version baroque de Chats ? « Ceux qui savent » savent que ce n’est pas ça. Mais est-ce que quelqu’un s’est demandé comment on fait pour connaître, sans éducation musicale, et à qui on parle ?

Au fond, l’émission « Les larmes et le feu des muses » nous donnait envie de pleurer, car pendant 80 minutes ce concert nous faisait penser à une chose : cette soirée de Marc-André Hamelin au Domaine Forget, avec une Sonate Piano à marteau magnifique, mais à laquelle Mathieu Lussier a fait référence comme une expérience marquante qui lui a fait comprendre que quelqu’un qui passait là, par hasard, ce soir-là, était sans doute perdu à jamais pour la musique classique.

Tel fut ce concert, même caricatural, avec ces chanteurs qui livraient leurs madrigaux comme des exercices parfaitement exécutés (écoutez le La complainte d’Arianna – le SV107 de 6e Livreà ne pas confondre avec le plus célèbre SV22 pour soprano — avec les chanteurs de Rinaldo Alessandrini pour découvrir ce qu’est la sensualité chez Monteverdi).

A ce titre, c’était quand même un peu fort d’imaginer voir Clori et Tirsi éprouver la quintessence des sentiments romantiques dans l’expression torride monteverdienne avec leurs livres de musique. On imagine la tête de Leonardo García Alarcón si sa soprano et son baryton étaient venus chanter la pomme avec leurs aide-mémoire !

Bref, ce concert professionnel compétent a été plébiscité car la personnalité de Savall mérite cet accueil. Mais c’était un concert pour ” quelques heureux » qui tenaient pour acquis que tout le monde connaissait par cœur les paroles des madrigaux de Monteverdi et qui ne considéraient pas vraiment qu’on en avait vu bien d’autres et investis différemment (dans Lanaudière, L’Orphée de Monteverdi de García Alarcón en 2023 et Reine des fées de Purcell par William Christie et 2024)

Surtout, que personne ne nous parle du « plaisir de la musique pure » ou du bonheur éthéré qui n’aurait pas besoin d’être compris, alors que l’acteur principal de « montrer » vient de nous déclarer que l’essence même de tout cela est l’alliance des mots et de l’harmonie.

C’est donc bien la forme d’élitisme la plus frappante, la réplique moderne des espaces privés des palais princiers, que nous avons rencontré lundi, la plus admirable étant l’étonnante tolérance et résilience du parterre de dinosaures dont on ne devrait plus s’étonner, dans de telles circonstances, par la lente extinction. N’ont-ils vraiment vu que du feu ?

Les larmes et le feu des muses

Révolution Claudio Monteverdi. Œuvres de Claudio Monteverdi (Madrigaux SV 107 et 111 du Livre VI. Madrigaux concertants SV 113 et 145), John Dowland, Anthony Holborne, Samuel Scheidt et Jacomo de Garzanis. Hesperion XXI, solistes de la Chapelle Royale de Catalogne. Symphony House, le 7 octobre 2024. Une production Traquen’Art.

A voir en vidéo

 
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