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Isabelle Huppert, quintessence de la femme abandonnée

Face à l’Histoire, Isabelle Huppert est la quintessence de la femme abandonnée

Chahuté lors de sa première parisienne en mars, “Bérénice” offert en monologue à l’actrice de Romeo Castellucci s’est imposé aux Eaux-Vives. Attention, chef-d’œuvre.

Publié aujourd’hui à 14h30

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Bref:
  • L’interprétation de Bérénice par Isabelle Huppert est saluée à la Comédie.
  • Romeo Castellucci dresse le portrait d’un amour voué à l’échec dès le départ.
  • La mise en scène intègre des distorsions sonores et visuelles.
  • Bérénice met en avant les thèmes du pouvoir patriarcal, de la xénophobie et de l’impuissance féminine.

Et comment voudriez-vous qu’elle fasse autrement ? Que pouvait-elle livrer d’autre qu’un monologue inaudible, ses paroles se brisant contre un mur de surdité depuis près de deux mille ans ? Quelle apparence sinon le somnambulisme pour celui qui est à jamais hanté par le traumatisme d’un inconcevable abandon ? Après sa création controversée ce printemps à Paris, la force de conviction de ce « Bérénice » passant au Comédieet autour duquel l’immense Roméo Castellucci et Isabelle Huppert ont épousé leur talent, c’est total. Son trouble de beauté est évident. Samedi, les applaudissements ont continué à pleuvoir.

Pour éviter de parasiter les distorsions vocales, les manipulations sonores et autres hallucinations picturales qui sont ici la signature du couple Castellucci/Huppert, il suffit de savoir un peu où l’on va. En deux mots : dans un amour scellé bien avant même le lever du rideau entre Titus et Bérénice, sur fond de guerre judéo-romaine au Ier siècle après JC. Dans le rejet de sa future reine par l’empereur, au nom de la raison d’État, et sous la pression du Sénat. Enfin et surtout, dans le matériel versifié qui dessinait Jean Racine de leur séparation en 1670, pur joyau de vains alexandrins : « Que le jour recommence, et que le jour finisse, Sans que Titus puisse jamais voir Bérénice, Sans jamais pouvoir voir Titus toute la journée ?

En s’intéressant à la figure de l’amant répudié, le réalisateur et plasticien italien Romeo Castellucci, artiste complet s’il en est, ne se contente pas d’offrir à la suprême Isabelle Huppert la somme totale d’une carrière. Son resserrement aiguise également la lame politique de la tragédie amoureuse. En soulignant, ici, l’incohérence impériale, à la fois mince et tyrannique, là, cette xénophobie rampante qui profite du contexte guerrier, ailleurs cette solitude impuissante à laquelle les femmes sont réduites par la loi patriarcale.

Aucun slogan, aucune manifestation explicite ne permet de lire ce sous-texte. La démarche de Castellucci procède par touches d’autant plus stridentes qu’elles restent sibyllines. Contre les rideaux qui entourent le grand plateau, des tringles fouettent la toile ; un marteau, également mécanique, frappe alternativement la statue d’un chien ou d’un César ; les cris d’un match de basket en salle font écho aux crépitements lointains des armes ; La dieresis s’efface sous l’effet d’une aphasie forcée… Ce n’est qu’à travers un brouillard que les contorsions d’une héroïne sensuelle et furieuse, intemporelle, parviennent au public d’aujourd’hui, écrasé. Si proche et si loin.

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Katia Berger est journaliste à la section culturelle depuis 2012. Elle couvre l’actualité du spectacle vivant, notamment à travers des critiques de théâtre ou de danse, mais traite aussi parfois de la photographie, des arts visuels ou de la littérature.Plus d’informations

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