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“Je suis contre toute augmentation d’impôts”

Le JDD. L’inflation dans la zone euro tombe en dessous de 2%. Les consommateurs peuvent-ils s’attendre à voir les prix de certains aliments ou produits du quotidien baisser ?

Michel-Édouard Leclerc. L’Insee et la Banque de France parlent désormais de désinflation. C’est progressif, mais bien réel. Je pense que l’inflation en France, en moyenne, à la fin de l’année, sera bien inférieure à 2 %. Cela ne veut pas pour autant dire que les prix baissent dans les magasins. Certaines gammes baissent les prix, mais après trois années d’inflation, la frustration des consommateurs est parfaitement compréhensible. En réalité, outre des dépenses contraintes, comme le logement ou les transports, certains prix continuent d’augmenter, notamment sur l’alimentation et les produits d’entretien, poussant les Français à limiter leurs achats ou à se tourner vers des produits moins chers. Chez E.Leclerc, nos acheteurs sont déterminés à obtenir des réductions importantes auprès des constructeurs multinationaux.

Le meilleur de la production française doit être accessible à tous

Les négociations avec les constructeurs s’ouvriront dans deux mois. Quels arguments développerez-vous pour faire pression sur les grands groupes dont vous avez souvent dénoncé les dérives ?

Les grandes marques multinationales doivent admettre qu’elles ont souffert de l’inflation, perdant des parts de marché au profit des marques privées. Logiquement, cela devrait pousser des marques comme Pampers, L’Oréal, Kellogg’s ou Carte Noire, pour ne citer que quelques exemples, à accorder des réductions de prix aux distributeurs, qui pourront ensuite les répercuter sur les consommateurs. Chez E.Leclerc, nous refusons que cet effort s’appuie sur les agriculteurs français. La loi française prévoit une protection de leurs revenus. Pour que cela soit respecté, la relation entre agriculteur et industriel doit être contractualisée en amont des négociations.

L’été a été compliqué pour les agriculteurs, avec des récoltes de blé endommagées par de fortes pluies. Certains prix pourraient-ils recommencer à augmenter ?

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Les prix des produits agricoles peuvent varier en fonction de la météo, des tensions géopolitiques ou de la demande du marché. Ainsi, certains producteurs de céréales ont été particulièrement touchés ces derniers temps, avec des risques de nouvelles hausses. Nous ne contestons pas les augmentations liées aux dépenses et coûts agricoles ou au prix des matières premières. Mais rappelons que la distribution n’est pas le premier client de l’agriculture. L’industrie de transformation, les grossistes et le secteur de la restauration représentent leurs principaux débouchés. Chacune de ces professions devra comprimer ses marges pour ne pas pénaliser les consommateurs, tout en respectant la rémunération des agriculteurs.

Votre groupe a été condamné en août à une amende record de 38 millions d’euros pour avoir contourné le cadre de négociation des prix avec les producteurs. N’est-ce pas la preuve de la pression excessive de géants comme E.Leclerc, notamment sur les agriculteurs ?

Dire que nous avons été condamnés est inexact. Il s’agit d’une amende administrative qui a été infligée à une entreprise belge qui effectue des achats auprès de multinationales avec nos partenaires allemands. Juridiquement et politiquement, nous ne comprenons pas cette approche. Tout cela semble être une opération de communication contre nous. Objectivement, je ne cache rien. Je ne comprends pas cette histoire.

Comment concilier globalement des prix toujours plus bas pour les consommateurs et des prix de rémunération juste pour les producteurs pour préserver nos capacités de production françaises ?

Notre objectif est de rendre tous les produits accessibles au consommateur, qu’il s’agisse d’un produit d’entrée de gamme ou d’un produit plus sophistiqué. Nous ne sommes ni hard discounters ni vendeurs, nous ne réduisons pas nos offres aux seuls petits prix. Au contraire, nous disposons d’une des offres les plus larges des hypermarchés français. Bien sûr nous essayons de bien négocier, mais c’est avant tout parce que nous travaillons avec de faibles marges que nous sommes les moins chers. Le meilleur de la production française doit être accessible à tous.

Le Premier ministre vient d’annoncer que le salaire minimum sera augmenté de 2 % à partir de novembre. Est-ce une bonne mesure ?

Tout ce qui va dans le sens de la « promotion sociale » est, à mon sens, essentiel. Les jeunes Français ont besoin de visibilité sur leur futur salaire. Je suis favorable à une progression salariale au fil des années dans l’entreprise, mais pour y parvenir, il faut réduire l’écart entre salaire brut et net. Pour cela je propose de transférer une partie des cotisations sociales vers un autre support que le salaire, notamment sur des produits qui concurrencent nos emplois, comme les produits importés des pays à bas salaires, ou qui les menacent, comme la robotique, les services numériques et bien sûr l’artificiel. intelligence.

Michel Barnier a promis un « participation de grandes entreprises qui réalisent des bénéfices importants ». E.Leclerc a réalisé un chiffre d’affaires record en 2023, à 48 milliards d’euros (+10%). Alors, êtes-vous inquiet ?

La France pratique déjà une fiscalité très lourde. Pour moi, si on crée de nouveaux impôts, il faut que cela s’inscrive dans un projet global, et pas seulement pour tenter de boucher des trous. Dire qu’il faut « taxer davantage » n’a aucun sens. Je suis contre toute augmentation d’impôts si on ne sait pas à quoi ils serviront. Est-ce pour financer de nouveaux projets en matière d’éducation, de santé, de décarbonation, de culture ? Alors pourquoi pas. Mais est-ce nécessaire pour taxer davantage, ou pour attirer des capitaux et mobiliser l’épargne ? Entre l’incitatif et le punitif, il faut choisir. Après l’inflation que nous avons subie, plutôt que de taxer les entreprises, je préférerais que le nouveau ministre de l’Économie les rassemble et négocie des baisses de prix au profit des consommateurs.

Les hausses d’impôts doivent s’inscrire dans un projet global

Que pensez-vous de la création d’un poste de secrétaire d’État à la consommation ?

C’est une bonne chose, car les consommateurs auront besoin d’une voix forte au sein du Conseil des ministres, et il ne faut pas oublier que c’est la consommation qui tire la croissance.

Les hypermarchés E.Leclerc ont-ils un avenir sans Michel-Édouard, vous qui incarnez tant la marque ?

J’incarne et vis la marque, avec passion. Je me sens responsable et obligé compte tenu de la confiance que les consommateurs nous accordent historiquement. Aujourd’hui, je joue le rôle de fédérateur, d’influenceur et de représentant de ces entreprises familiales qui, sous la marque E.Leclerc, continuent d’investir et de créer des emplois sur leur territoire. Cela fait huit ans que tous les postes de direction ont été repris par une nouvelle génération d’entrepreneurs. Je serai toujours à leurs côtés. Mais leur performance et leur efficacité ne sont pas seulement dues à ma popularité, mais au travail des équipes sur le terrain qui ont su rendre les magasins attractifs et les offres compétitives. En réalité, l’après Michel-Édouard Leclerc, c’est avec Michel-Édouard Leclerc… Et désolé pour mes concurrents, ça pourrait continuer longtemps comme ça !

 
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