Fanny Kaekat, Hortencia Zhagüi et Zenaida Yasacama font partie de différentes communautés autochtones d’Équateur. Depuis une semaine, ils voyagent ensemble à travers le Canada pour partager leurs inquiétudes concernant l’accord de libre-échange actuellement en négociation entre leur pays et le Canada.
“Nous continuerons à défendre nos territoires avec nos vies”, déclare M.moi Yacasama d’un ton et d’un regard déterminés.
Ce qu’ils dénoncent, c’est la présence d’un grand nombre de sociétés minières canadiennes sur leurs territoires, où ces dernières détruiraient l’environnement et leurs moyens de subsistance. Selon un rapport de Mining Watch Canada publié en septembre, 15 entreprises canadiennes mènent des activités d’exploration minière dans ce pays d’Amérique du Sud. De possibles violations des droits humains, y compris une répression violente des opposants aux sociétés minières, sont signalées dans les secteurs où ces sociétés sont actives.
Mme Zhagüi vit dans une communauté située non loin des activités menées par l’entreprise torontoise Dundee Precious Metals qui présenteraient des risques de contamination de l’eau par l’arsenic. Le militant assure que la population locale rejette ce projet. «C’est un écosystème unique qui est en danger», estime cette membre de l’école féminine d’agroécologie de Kimsakocha, qui promeut la souveraineté alimentaire.
Dundee Precious Metals, pour sa part, se dit en désaccord avec les affirmations de Mining Watch. Le plan de l’entreprise comprend « des mesures visant à minimiser la consommation d’eau et à garantir que l’eau renvoyée dans l’environnement répond aux exigences de qualité les plus strictes ».
“Il est déjà difficile de se défendre contre eux, et ce sera encore plus difficile si le pouvoir des entreprises est renforcé par l’accord de libre-échange”, a déclaré Mme.moi Zhagüi, qui dit craindre pour sa sécurité et celle de sa famille.
Protection des investisseurs
Selon le site Internet du gouvernement du Canada, le projet d’accord de libre-échange vise notamment à établir « des règles concernant la promotion et la protection des investissements et des investisseurs » comme les sociétés minières. Nous souhaitons établir un « mécanisme transparent de règlement des différends entre investisseurs et États ».
Ce type de mécanisme permet aux entreprises de s’adresser directement à un tribunal d’arbitrage international pour poursuivre un pays et exiger le paiement de dommages et intérêts. Plusieurs organisations estiment cependant que cette protection offerte aux investisseurs étrangers pourrait décourager les efforts gouvernementaux en matière de protection de l’environnement ou des droits humains.
« Ce sont des inquiétudes légitimes », a déclaré Charles-Emmanuel Côté, professeur à la faculté de droit de l’Université Laval. «Cela expose les mesures prises par n’importe quel État à des plaintes. Cela peut amener l’État à devoir organiser une défense coûteuse, au cas où, par exemple, des mesures environnementales interféreraient avec les droits privés. »
M. Côté croit cependant que les traités de libre-échange peuvent être rédigés de manière à équilibrer différents intérêts, en reconnaissant le droit des États de légiférer pour des objectifs louables comme la lutte contre les changements climatiques.
Une visite constructive
Par courriel, Affaires mondiales Canada affirme vouloir « garantir que les avantages et les opportunités créés par l’accord de libre-échange soient largement partagés, y compris avec […] peuples autochtones. »
« Nous apprécions les opinions indépendantes et constructives et sommes heureux de rencontrer la délégation en visite ainsi que les groupes de la société civile canadienne », a ajouté le porte-parole Jean-Pierre J. Godbout. « Le Canada demeure un fervent partisan de la participation pleine et efficace des peuples autochtones du monde entier aux questions internationales qui les concernent. Les peuples autochtones ont le droit de participer aux décisions qui les concernent aux niveaux mondial, régional et local. »
Fanny Kaekat considère que les peuples indigènes n’ont pas été consultés par le gouvernement équatorien sur cet accord. N’ayant pas réussi à faire entendre sa voix dans son pays, elle et ses collègues ont décidé de voyager pour parler aux Canadiens. Ces défenseurs de l’environnement se sont rendus à Toronto, Ottawa et Montréal pour rencontrer des députés fédéraux, le négociateur en chef, des groupes de la société civile, des journalistes et des dirigeants autochtones de partout au Canada.
« Nous avons ressenti une fraternité avec les autres peuples autochtones. Ça nous motive, a commenté Mmoi Kaekat. Nous ne sommes pas seuls. »
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