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SÉNÉGAL-AGRICULTURE-PROFIL / Maguette Ndiaye, passionnée d’agriculture et militante de la cause paysanne – Agence de presse sénégalaise

+++Par Momar Khoulé Ba+++

Taïba-Ndiaye (Tivaouane), 3 octobre (APS) – Maguette Ndiaye, gestionnaire des terres, s’investit pleinement dans l’agriculture depuis plus de quarante ans à Taïba Ndiaye, commune du département de Tivaouane (ouest) où elle cultive diverses cultures.

Aujourd’hui âgée de plus de soixante ans, Maguette est née dans ce village du district de Méouane. Une localité qu’elle a quittée une première fois après avoir obtenu le Diplôme de fin d’études secondaires (DFEM, aujourd’hui connu sous le nom de Brevet de fin d’études secondaires (BFEM). Ce sésame en poche, elle a pris la direction de Tivaouane pour poursuivre ses études. .

Mais dans la cité religieuse, une sorte de spleen s’empare d’elle et l’empêche de se concentrer sur ses études. Elle n’a jamais cessé de penser à son père qui ne pouvait pas compter sur un garçon pour l’aider dans les travaux agricoles.

Touchée par cette situation de son père, Maguette Ndiaye décide d’abandonner l’école et de retourner à Taïba Ndiaye, pour se tourner définitivement vers la terre. La passion pour l’agriculture de la brillante étudiante qui rêvait de devenir une grande intellectuelle venait de prendre le pas sur son amour pour les études.

Sa passion pour l’agriculture et sa détermination à aider son père ont également surmonté les souhaits de ceux qui essayaient de la garder à l’université.

Son père, ancien membre de la défunte Société de Développement Agricole (SOODEVA), lui avait inculqué de nombreuses techniques agricoles au point qu’elle avait hâte de travailler à son propre compte. D’ailleurs, elle aime répéter qu’elle a fait pour son père tout ce que les hommes de son âge faisaient pour le leur.

Ses actions l’ont tellement inspirée qu’elle considère l’agriculture comme l’un des métiers les plus nobles dans le sens où c’est elle qui nourrit l’humanité et avec dignité.

« Mon père était aussi un grand agriculteur et j’ai vécu toute mon enfance avec lui dans les champs malgré mes études », se vante-t-elle pour montrer l’influence positive que son père a eu sur sa carrière.

Après avoir obtenu son DFEM, elle est envoyée à Tivaouane pour poursuivre ses études secondaires. Malheureusement, la jeune Maguette était persuadée que l’agriculture était la seule activité professionnelle où elle pouvait pleinement s’épanouir.

Militant de plusieurs associations paysannes

En 1984, le gouvernement sénégalais a créé des organisations paysannes pour encourager les actions militantes en faveur d’une agriculture plus responsable.

L’État s’était alors désengagé du secteur, poussant les agriculteurs à s’organiser en associations et syndicats pour prendre soin d’eux-mêmes, se souvient Maguette Ndiaye. A cette époque, elle n’avait pas encore fêté ses 20 ans.

Après son mariage, la jeune femme acquiert sa première ferme familiale. Ses connaissances approfondies feront le reste. « J’ai connu beaucoup de gens impliqués dans le monde agricole, je me suis lancée directement dans les organisations paysannes », confie-t-elle.

Au fil du temps, elle se voit confier plusieurs responsabilités au sein d’associations locales. Il y a d’abord l’Union des groupements paysans des Niayes (Ugpn) qui en fait sa secrétaire générale.

Cette organisation le recommande ensuite à la Fongs, la Fédération des Organisations Non Gouvernementales. Elle gravit rapidement les échelons et rejoint finalement le conseil d’administration.

Maguette Ndiaye ne vit désormais que par et pour l’agriculture. Elle côtoie des personnalités convaincues que seule l’agriculture peut redonner la fierté aux Sénégalais.

Son rêve est désormais de redonner à l’agriculture sa véritable place au Sénégal, secteur dont dépend selon elle l’avenir du pays.

Progressivement, la gestionnaire foncière s’insère dans le cercle des acteurs du Conseil national de concertation et de coopération des populations rurales (CNCR). Le CNCR étant une plateforme avant tout des structures à vocation paysanne, avec l’appui d’organisations comme Enda, IPAR, de nombreux projets voient le jour dans la zone des Niayes, tandis que des formations sont organisées au profit des conseillers municipaux.

Le natif de Taïba Ndiaye fait désormais partie des administrateurs et du collège des acteurs du CNCR au niveau national. Elle s’intéresse à la manière de soutenir les organisations de producteurs.

L’accès des femmes à la terre comme champ de bataille

Pour devenir propriétaire foncier, quelles difficultés il a dû affronter ! Le fait est que les barrières sociales persistent et empêchent les femmes d’avoir accès à la terre pour posséder leurs propres champs. Une jeune fille sans mari se retrouve bloquée lorsque les terres sont divisées après la mort de son propre père.

Selon cette tradition, puisque les filles sont censées se marier et quitter le foyer paternel, leur donner des terres comporte le risque de les voir devenir la propriété de leurs maris.

Le gestionnaire foncier proteste contre une telle situation et demande aux autorités de revoir cette tradition.

« Même dans votre propre foyer, vous n’avez pas le droit à la terre », critique Maguette Ndiaye, expliquant cette situation par la méconnaissance des femmes de leurs droits.

L’agriculteur précise que ce n’est pas la loi sur le domaine national qui prive les femmes de la possibilité d’accéder à la terre. Cette loi est très claire, selon elle.

« La terre appartient à la Nation entière. Les coutumes peuvent bien sûr priver les femmes de terres, car certaines pratiques ne conviennent qu’aux hommes », explique-t-elle.

« La loi dit que la terre appartient à tout le monde, on ne peut pas la vendre. Il appartient à celui qui a la capacité d’aménager l’espace », insiste le gestionnaire foncier.

Il est cependant possible d’entreprendre des démarches administratives pour obtenir un bail, voire un titre foncier, rappelle Maguette Ndiaye.

En héritant, dit-elle, un homme reçoit deux parts contre une pour une femme. Cette réalité s’applique dans tous les domaines quelle que soit la nature du bien concerné, a-t-elle précisé.

L’administrateur du CNCR conseille aux nouvelles autorités sénégalaises de collaborer avec cette plateforme, soulignant qu’elle est la seule capable de porter toutes leurs aspirations dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage.

« Si le CNCR est appelé à s’appuyer sur les différentes expériences de ses adhérents et de ses dirigeants, les orientations pour le gouvernement seront décisives avec des indications claires, claires et précises », pense Maguette Ndiaye.

L’agriculteur souligne que le CNCR a beaucoup travaillé sur la loi agropastorale et de la pêche, après avoir identifié les points sur lesquels doit désormais s’appuyer l’agriculture.

Selon elle, reconnaître que l’agriculture est un métier en mettant en place un système de versement d’une pension de retraite serait un bon début pour intéresser les jeunes et les femmes à investir dans ce secteur primaire.

« Les paysannes n’ont pas de congé de maternité ni d’aide de l’État, alors que tous les fonctionnaires ont une pension. Et pourtant, ce sont les agriculteurs qui nourrissent le pays. Les acteurs de l’agriculture doivent bénéficier des mêmes avantages qu’un journaliste de l’APS, de la RTS ou du Soleil. C’est juste une question d’organisation », explique Maguette Ndiaye.

Concernant les coopératives agricoles, elle salue l’énorme travail accompli par le régime précédent. Elle conseille cependant aux nouvelles autorités de consolider les acquis obtenus par ces organisations paysannes.

Par ailleurs, elle suggère également au gouvernement de revoir la loi sur le domaine national qui date de 1964.

« Lorsque nous avons mis en place cette loi, le pays ne comptait que 3 millions d’habitants. Nous comptons aujourd’hui plus de 17 millions d’habitants. Autrement dit, un pot conçu pour 10 personnes ne peut pas nourrir davantage », observe-t-elle.

Mor Tallo Lo, un fils qui suit les traces de sa mère

En vacances à Taïba Ndiaye, Mor Tallo Lo, son fils, étudiant en 2e année de philosophie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, nourrit l’ambition de marcher sur les traces de sa mère agricultrice.

“La famille perdrait beaucoup si je restais mes trois mois de vacances à la maison à regarder ma mère, qui assure mon loyer et ma nourriture à l’université, se démener comme un diable dans les champs”, affirme Mor.

Son objectif est de nourrir le Sénégal qui peine depuis plusieurs années à atteindre l’autosuffisance alimentaire.

Le philosophe en herbe dit aussi vouloir mobiliser toute son « énergie patriotique » pour que sa mère ait les moyens de réaliser ses ambitions agricoles.

“Nous avons besoin de financements non seulement pour agrandir la zone maraîchère mais aussi pour trouver des magasins de stockage des récoltes”, affirme l’étudiant, déterminé à jouer son rôle pour mériter tous les avantages dont il bénéficie grâce au courage de sa mère.

« Des femmes comme Maguette Ndiaye peuvent réaliser la grande révolution alimentaire attendue depuis plusieurs décennies au Sénégal. C’est une façon de rendre hommage à des femmes de son calibre», affirme l’étudiante.

Mor Talla Lo assure que sa mère investit tout ce qu’elle gagne dans les champs pour les études supérieures de ses quatre frères et sœurs.

MKB/ASB/ASG/OID

 
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