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La véritable histoire du nucléaire en France

Quels sont les principaux résultats des recherches menées par le groupe de recherche Connaissances nucléaires présenté dans le livre Nucléaire France?

Comme je l’explique en détail dans la préface, l’ouvrage entend faire deux interventions principales, dans un contexte où il n’existe pas encore d’histoire officieuse de la relation entre la France et la technologie nucléaire en anglais, qui dépasse la division habituelle entre civils et militaires. Dans ce contexte, le travail offre de nouvelles réponses à de nouvelles questions sur l’histoire globale du nucléaire en France basé sur des archives, des entretiens et des enquêtes inédites dans plusieurs pays et, ensuite, il se veut une défense et une illustration de laethosméthode et résultats possibles d’une recherche indépendante.

Il propose des réponses à prochaines questions : quels sont les déterminants de la première génération de l’arsenal nucléaire français ? Les preuves disponibles dans les archives des pays alliés et ennemis corroborent-elles le grand récit gaulliste ? Quelles sont les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires en Polynésie ? Comment évaluer l’exactitude des mesures officielles de ces tests ? Comment le lieu de ces procès a-t-il été décidé ? Quelle a été la politique de prolifération et de non-prolifération de la France au-delà de la coopération déjà documentée avec Israël et l’Irak ? Quels sont les déterminants de la politique française vis-à-vis du programme nucléaire iranien ? Comment les méthodes de régulation des accidents nucléaires ont-elles évolué après la guerre froide ? Est-il exact de parler d’un « consensus » français sur la politique de dissuasion nucléaire ?

Les réponses disponibles à ces questions s’appuient trop souvent sur des archives exclusivement françaises ou acceptent a priori les postulats de rationalité stratégique ou la théorie de force de dissuasion nucléaire. Ces limites ont conduit à admettre hâtivement l’idée selon laquelle l’arsenal nucléaire français était devenu crédible dans les années 1960, en s’appuyant sur des sources françaises exprimant un désir de crédibilité et parce que les limites disciplinaires de l’histoire diplomatique ne permettent pas l’évaluation technique de la performance de l’arsenal. Nous avons aussi trop souvent accepté l’idée d’un grande stratégie sans vérifier si les intentions affichées avaient effectivement conduit à la construction des capacités correspondantes. Cet état des recherches a également conduit à réitérer l’affirmation selon laquelle un consensus existe en France sur la politique de dissuasion nucléaire à partir des enquêtes du service de communication du MINARM, alors que les enquêtes trouvées dans les archives ainsi que celles issues de recherches indépendantes dressent un tout autre tableau. Le fait que l’étude de protestation contre la politique nucléaire française se concentrer sur l’extérieur du pays renforce ce problème.

Afin d’évaluer le bien-fondé des idées reçues sur les différents aspects de la politique nucléaire française, les contributeurs de cet ouvrage se sont mobilisés sources primaires pertinentes et inhabituellesen France et à l’étranger. Ils se sont ainsi appuyés sur différents types de sources françaises – archives privées ou locales – mais aussi de sources primaires britanniques, américaines, indiennes, sud-africaines ou iraniennes et deinstitutions internationales. A cela s’ajoutent des entretiens et enquêtes menés auprès d’un échantillon représentatif de la population française réalisés en 2018 et 2019. Une modélisation informatique de la trajectoire des nuages ​​radioactifs produits par les essais nucléaires français offrent également de nouvelles données qui pourront être utilisées pour de futures recherches.

Cet effort interdisciplinaire a conduit aux résultats surprenants rassemblés dans cet ouvrage, qui reprend l’ensemble des contributions de l’équipe sur la France et y ajoute une préface qui comprend des archives inédites pour une critique renouvelée de l’idée de consensus nucléaire en France.

Ils montrent que :

  • La première génération de l’arsenal nucléaire français n’a pas été pas techniquement crédiblemalgré l’aide étrangère. De nombreux responsables français le savaient, tout comme leurs alliés et ennemis.
  • La quête française deuranium dans les années 1960 s’est déroulée à une très grande échelle géographique.
  • Collaborations stratégiques françaises avec programmes nucléaires étrangers s’étendre au-delà des cas bien connus d’Israël et de l’Irak. Nous mobilisons les sources primaires françaises, Indien et sud-africain documenter les contributions françaises aux programmes nucléaires des deux pays.
  • L’entrée de Dossier nucléaire iranien par les « stratèges » au détriment des « régionalistes » au sein de la diplomatie française a conduit à une réécriture des relations franco-iraniennes qui dresse un portrait erroné du rôle de la France dans la genèse de l’accord nucléaire de 2015 (JCPOA – Plan d’action global commun).
  • Le gouvernement français envisageait de tester des armes nucléaires en Corse en 1960 qui se heurtèrent à une opposition qui obtint gain de cause. Ce chapitre précise également les limites des arguments avancés par ce collectif et constate l’absence de solidarité avec les populations exposées aux épreuves. en Algérie et en Polynésie.
  • Suite à un essai nucléaire qui ne s’est pas déroulé comme prévu en juillet 1974, environ 110 000 personnes, soit 90% de la population de Polynésie française de l’époque, ont été exposés à doses de radioactivité qui leur donnent droit à une indemnisation en vertu de la loi française.
  • Les réglementations en matière de sécurité dans le secteur de l’énergie nucléaire ont fondamentalement changé après la guerre froide et ont normalisé l’idée selon laquelleun accident nucléaire est gérable.
  • Plutôt que d’apporter un soutien, les politiques mises en œuvre ont principalement généré éloignement de la population envers les politiques liées aux armes nucléaires. Les données d’archives mettent à mal l’idée d’un consensus qui s’est érodé avec le temps. Un consensus suppose que les citoyens soient capables de donner leur consentement à un choix politique sur la base au moins des connaissances disponibles et d’alternatives clairement présentées. Aucun de ces critères n’est rempli.

Merci pour ces questions et merci aux contributeurs du livre : Matthew Adamson, Nabil Ahmed, Valerie Arnhold, Austin Cooper, Anna Konieczna, Sébastien Philippe, Jayita Sarkar, Sonya Schoenberger et Clément Therme.

 
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