l’âme littéraire depuis 50 ans

“Si jamais vous revenez danser Chez Temporel un jour ou l’autre/Pensez aux joies qui y ont passé/Tout simplement, comme les nôtres.”

Il y a, dans ce dernier couplet de la chanson Bal à Temporel de Guy Béart (inspiré du poème Le Tremblay d’André Hardellet), un peu de l’essence même du café Chez Temporel.

Mais comment décrire l’âme de ce lieu mythique ? Ce lieu qui a tant bercé les paroles des poètes, accueilli artistes, bohèmes et autres esprits libres pour refaire le monde autour de son comptoir et réchauffé le cœur de nombreux passants avec ses soupes et son fameux croque-monsieur.

«[L’essence du Temporel]c’est un mystère», s’amuse l’auteur Martin Tétu.

Assis au comptoir du célèbre café, l’écrivain et sociologue va néanmoins tenter quelques pistes de réflexion. En posant les bases de son roman Félix au café Temporel (2022), il a lui-même tenté de percer le secret de cette entreprise fondée en 1974.

Selon lui, il faut d’abord se replonger dans le contexte de l’époque où le Vieux-Québec était encore un secteur populaire et animé et où le Quartier Latin regorgeait d’artistes et d’étudiants de l’Université Laval, campés alors tout près du Séminaire de Québec.

« À l’époque, le Québec n’était pas comme aujourd’hui : le fromage, c’était le P’tit Québec ; nous avons pris du café filtre; il n’y avait pas de vin… C’était Molson.

« Quand les gens franchissaient les portes Saint-Jean, ils arrivaient en France. Ils sont venus dans le Vieux-Québec pour retrouver un peu de France, disons. Et les gens qui recherchaient ça se concentraient dans le secteur», poursuit M. Tétu.

Indissociable de Chez Temporel, l’effervescence culturelle des années 70 et 80 alimentait également les échanges entre habitués et visiteurs d’un soir.

« J’ai vu Lucien Francoeur prendre un café ici. Gaston Miron a déjà lu des poèmes au deuxième étage lors des Lundis Poésie. Chrystine Brouillet a travaillé ici. Monique Proulx est venue y écrire son premier roman. D’un point de vue culturel, c’était très intéressant», partage Martin Tétu, qui a lui-même vécu 40 ans dans le Vieux-Québec et travaillé un an chez Temporel.

Au-delà du contexte historique, M. Tétu rappelle que le bâtiment Chez Temporel était avant tout une maison, au sens propre. Même son architecture incarnait donc un esprit accueillant et ouvert.

« Cet aspect familial est resté. Les planchers grincent comme tous ceux des appartements du Vieux-Québec ! […] Le côté mythique vient aussi de ce côté très vivant, proche des gens », précise M. Tétu.

Attachant et chaleureux

Dans le cadre des 50 ans de l’établissement, l’écrivain a décidé d’organiser un spectacle à la Maison de la Littérature afin de rendre hommage au lieu, à son histoire et à sa population habituelle.

Pour l’occasion, il a créé un groupe Facebook pour que d’autres nostalgiques puissent partager leurs souvenirs… Il ne s’attendait pas à ce que près de 1000 personnes répondent.

« Oui, cela m’a surpris. Je savais que ça avait affecté les gens, mais pas tant que ça», se réjouit-il.

Sur les réseaux sociaux, les échanges sont quotidiens : les anecdotes qui résonnent chez beaucoup, les photos d’archives, les témoignages d’anciens salariés abondent.

Martin Tétu se dit également heureux de pouvoir mettre en valeur l’histoire de Chez Temporel alors que le lieu existe toujours.

« Parfois, il y a des choses qui sont vraiment importantes dans la vie des gens, mais on s’en rend compte après coup », déplore-t-il.

Toujours sur la rue Couillard et fraîchement rénové par ses nouveaux propriétaires, le lieu a conservé son cachet d’antan et est prêt à accueillir de nouvelles générations d’artistes et d’habitués du Vieux-Québec.

Avec son spectacle littéraire, Martin Tétu espère aussi susciter des échanges entre habitués de l’époque et nouveaux curieux.

Pour que cette belle histoire continue.

Le spectacle Le Temporel, lieu légendaire de la bohème littéraire au Québec aura lieu gratuitement le jeudi 3 octobre à 19h30 à la Maison de la lettres.

Pour plus de détails, on peut visiter le site Web de l’événement.