Si le discours anti-immigration fait souvent la une des journaux aux États-Unis et en Europe, le phénomène semble aussi s’être propagé au Canada, où les provinces et une partie de la population réclament une réduction des seuils d’immigration. Trois experts s’inquiètent toutefois de la politisation croissante des questions d’immigration au pays.
Cela reflète une tendance mondiale. Les partis politiques imputent à l’immigration la responsabilité des problèmes liés à la crise du logement, au taux de chômage et à l’insécurité.
explique Mireille Paquette, professeure agrégée au département de science politique de l’Université Concordia.
C’est devenu une stratégie pour gagner du capital politique et se démarquer des autres partis. Je ne suis pas surpris que nous assistions à cette dynamique. [au Canada]
poursuit le spécialiste des politiques d’immigration.
Au pays, les premiers ministres provinciaux se sont récemment unis pour dénoncer la politique d’immigration du gouvernement fédéral, la jugeant trop laxiste.
Mireille Paquette, professeure agrégée au Département de science politique de l’Université Concordia
Photo: Radio-Canada
Le premier ministre du Québec, François Legault, a également déclaré qu’il espérait que le gouvernement libéral de Justin Trudeau soit renversé en raison de l’augmentation de l’immigration dans sa province.
Au sud de la frontière, le candidat républicain à la présidentielle Donald Trump n’hésite pas à mettre en avant sa rhétorique visant les migrants, qu’il rend responsables des maux de la société américaine, les qualifiant parfois même de criminels barbares
Et assassins et terroristes
.
En Europe, les partis anti-immigration gagnent de plus en plus de terrain dans les élections. En Allemagne, par exemple, un parti d’extrême droite a remporté une large majorité lors d’élections régionales au début du mois.
Ce discours politique ambiant
s’inquiète Adina Ungureanu, directrice générale adjointe du Collectif des femmes immigrantes du Québec. Nous essayons de trouver un bouc émissaire aux crises que traverse la société, comme le manque de logements, le manque d’enseignants, le manque d’infrastructures.
elle croit.
L’accueil nécessite une « meilleure organisation »
Pour Mireille Paquette, la décision du gouvernement fédéral d’augmenter ses cibles d’immigration dans le passé s’expliquait par le déclin de la population du pays, ainsi que par le besoin de main-d’oeuvre à court terme.
De plus, les défis du maintien des services publics et de la contribution aux finances publiques par l’impôt
Il existe encore des arguments en faveur de l’immigration, souligne le professeur.
[Mais] Il est possible qu’il n’y ait pas eu suffisamment de planification interfonctionnelle, c’est-à-dire qu’il n’ait pas été possible de garantir que tous les services à la population soient maintenus.
Quant aux gouvernements, tant provincial que fédéral, ils auraient dû se poser des questions préalables avant d’adopter leurs politiques, soutient Mme Ungureanu. Quels sont les besoins ? Dans quels domaines avons-nous besoin de travailleurs ? Comment allons-nous les intégrer ? Il faut y réfléchir avant de procéder.
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Adina Ungureanu, directrice générale adjointe du Collectif des femmes immigrantes du Québec
Photo: Radio-Canada
Au niveau fédéral, de très nombreux permis ont été délivrés, car toutes les provinces se plaignaient du manque de main-d’œuvre. [après la pandémie]de nombreuses personnes ont décidé de retourner sur le marché du travail à cause de l’inflation
elle continue.
Le fait qu’il y ait actuellement du gel [de l’immigration] Je ne suis pas surpris, car aujourd’hui le marché du travail n’est plus le même qu’il y a deux ans.
est d’accord avec Mme Ungureanu.
Malgré le fait que la pénurie de main-d’œuvre se soit atténuée ces dernières années, elle continue de sévir dans certains domaines majoritairement mal rémunérés, où les conditions de travail sont très difficiles et où il est plus difficile de recruter, souligne France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone.
Les employeurs ont toujours besoin de travailleurs temporaires. C’est comme si nous ne nous attaquions pas directement au problème.
Si cette dernière reconnaît que l’afflux important de nouveaux arrivants exerce une pression sur les services sociaux, la solution passerait, selon elle, par une meilleure organisation et un travail étroit avec les organisations civiles qui sont en première ligne.
Les pouvoirs publics auraient tout intérêt à collaborer avec ces organisations.
elle exige.
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France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone
Photo: Radio-Canada
Alors que de nombreuses personnes imputent à l’immigration le manque de services, Mme Langlois tient à souligner que les problèmes de logement, d’éducation et de santé proviennent également du fait que les gouvernements ont désinvesti dans ces secteurs depuis plusieurs décennies
.
À partir du moment où les dirigeants se permettent de dévier, cela ouvre la porte à des tendances qui sont alarmantes, qui sont inquiétantes.
elle croit.
De son côté, Mireille Paquette tient à souligner que le discours anti-immigration peut certes causer des problèmes, mais aussi un malaise chez les personnes issues de l’immigration.
Pour certains travailleurs temporaires, le durcissement des politiques d’immigration aggrave déjà leur situation
elle maintient.
Selon elle, les discours anti-immigration ont un impact sur la façon dont les citoyens perçoivent l’immigration. Cela suscite des inquiétudes même chez des personnes qui n’y penseraient pas au quotidien.
tout en aggravant les stéréotypes véhiculés, prévient-elle.
Avec les informations de Charlotte Dumoulin
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