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nous lisons l’agenda scandaleux

Université Uni-Mail Genève, le 11 mai 2024.Image : KEYSTONE

L’affaire du journal du syndicat étudiant CUAE a plongé l’Université de Genève dans la crise. Le sujet du scandale est-il si scandaleux ? Watson l’a lu en détail. Il réserve quelques surprises. Le vice-président du jeune PLR ​​et le président du PS genevois réagissent.

21.09.2024, 06:5321.09.2024, 09:05

Luttes féministes, toilettes non genrées, occupations de locaux, assassinats attribués à la police, défense de la cause palestinienne : l’agenda 2024-2025 du CUAE, le syndicat étudiant de l’Université de Genève (Unige), est clairement orienté à gauche. Gauche révolutionnaire bien plus que gauche gouvernementale. La quarantaine de messages politiques disséminés dans ses pages ne laissent aucun doute à ce sujet. Tous ne dénotent pas un positionnement d’extrême gauche et deux ou trois échappent à la politique au sens strict, comme la commémoration du tricentenaire de l’invention de la crème double de Gruyère, une certaine 21 décembre 1724.

Mais le ton général du livre n’a rien de drôle. Il est constitué de remarques délivrées comme des rappels censés éclairer les élèves sur l’état du monde et les combats à mener contre les injustices. On a l’impression de tenir entre les mains un manuel d’éducation populaire.

La couverture de l’agenda

Une salamandre sur la couverture.image: dr

Déclenchement de rapports

L’agenda 2024-2025, qui Watson Le dossier, qui a été parcouru en détail, est au cœur d’une polémique qui secoue à la fois la CUAE (Conférence universitaire des associations étudiantes) et le rectorat de l’Unige. Tout a commencé avec le signalement par la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) de deux messages figurant à l’ordre du jour. Nous étions à quelques jours de la rentrée académique du 16 septembre et la CUAE s’apprêtait à diffuser son ordre du jour.

Les deux messages rapportés font référence au conflit israélo-palestinien, vivement contesté par le drame en cours à Gaza. L’un, affiché comme une promesse sur les cinq dernières pages du journal, qui s’achève le 5 octobre 2025, deux jours avant les massacres du Hamas du 7 octobre, reproduit le slogan pro-palestinien « Palestine libre, du fleuve à la mer ». La plupart des observateurs l’interprètent comme une volonté de voir l’État d’Israël disparaître sous sa forme actuelle et donner naissance à autre chose.

Le deuxième message concerne la date de 6 septembre 1970celle du triple détournement d’avion perpétré par le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), organisation reconnue comme terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, mais pas par la Suisse. « Apologie du terrorisme », s’est indignée la CICAD. La CUAE nie cette intention. Lors de cette opération de piraterie, les otages juifs avaient été séparés des otages non juifs, ce que le syndicat étudiant omet de préciser dans sa note d’ordre du jour.

De toute façon, Le rectorat a interdit la distribution de 5 500 exemplaires du journal 2024-2025 aux étudiants. Le CUAE dénonce la censure.

« Meurtre » de la police

Mais les références au conflit israélo-palestinien, toutes au détriment de l’État hébreu, ne sont pas les seules qui peuvent apparaître controversées, d’un point de vue politique, sinon juridique.

Deux tragédies sont ainsi qualifiées à tort de meurtres. C’est ce que dit la note d’ordre du jour à la date de 8 septembre 2025:

« 4 ans depuis l’assassinat de Roger « Nzoy » Wilhelm à la gare de Morges suite à une série de meurtres racistes commis par la police suisse »

Agenda CUE 2024-2025

Le 8 septembre 2021, sur un quai de la gare de Morges, un policier, croyant sa vie en danger, a utilisé son arme et tué Roger « Nzoy » Wilhelm. Les proches de ce dernier contestent la manière dont la justice vaudoise a mené l’enquête, l’accusant d’être à la fois juge et partie. L’affaire est en cours. Mais l’assassinat suppose une préméditation ou une manière d’agir particulièrement odieuse. Selon une Source au Ministère public vaudois :

Les critères du meurtre « semblent difficiles à appliquer aux faits étudiés. Les tribunaux ici maintiennent l’homicide »

Une Source au Ministère public vaudois

À la date de 27 juin 2025L’ordre du jour du CUAE mentionne :

« Deux ans après l’assassinat de Nahel par la police, des soulèvements ont éclaté dans toute la France »

Agenda CUE 2024-2025

Les faits se sont déroulés à Nanterre en 2023. Un policier a tiré à bout portant sur un adolescent de 17 ans alors qu’il conduisait une voiture et qu’il refusait d’obtempérer. L’enquête en cours envisage pour l’instant la charge de meurtre et non d’assassinat, qui, comme on l’a vu, requiert une préméditation.

Notes de l’ordre du jour

Image: Watson

Nous avons demandé par courriel à la CUAE d’expliquer la raison de l’utilisation du terme « assassinat » dans les cas susmentionnés, alors que la justice refuse de le faire sur la base des preuves dont elle dispose. Nous n’avons pas reçu de réponse.

Le recteur moqué

L’agenda se corse auprès du rectorat de l’Unige et de l’exécutif cantonal genevois. Le 18 janvier 2025 marque ainsi les « 2 ans de la censure par le Conseil d’Etat de l’élection du recteur par l’Assemblée générale de l’Université ». « Censure » ? Le Conseil d’Etat avait opposé son veto, comme c’est son droit, à la nomination du Canadien Eric Bauce à la tête du rectorat. Un nouvel appel à candidatures avait été lancé, une femme étant souhaitée pour le poste. L’actuelle rectrice, Audrey Leuba, avait été choisie et nommée le 22 novembre 2023.

La CUAE a clairement une dent contre ce dernier. Le 1er avril 2025, le syndicat étudiant écrivait dans son journal, sans que personne n’y comprenne grand-chose, mais on sent la piqûre :

« 1 an de hacking de la Tribune de Genève par Audrey Leuba »

Agenda CUE 2024-2025

Ces drames dont l’agenda ne parle pas

Voici les notes qui figurent à l’ordre du jour 2024-2025 du CUAE. Et il y a celles qui n’y figurent pas. Rien le 7 octobre : Massacres du Hamas en 2023suivie de la répression meurtrière israélienne à Gaza. Rien au 16 octobre : l’assassinat en 2020 en France du professeur Samuel Paty par un djihadiste tchétchène. Rien au 16 septembre : Décès de Mahsa Amini en 2022 aux mains de la police des mœurs iranienne. (Nous ne savons pas si les disparitions de Samuel Paty et Mahsa Amini ont été mentionnées dans les journaux précédents de l’Union des étudiants de Genève.)

Vice-président des Jeunes Libéraux Radicaux (JLR) de Genève et étudiante en droit à l’Unige, Alexis Couniniotis considère la situation comme « épouvantable ».

« Je ne pense pas qu’il soit juste que le syndicat étudiant de la CUAE utilise l’argent des cotisations étudiantes qui le financent pour faire avancer son programme idéologique, dont nous savons qu’il est d’extrême gauche. Je dirais exactement la même chose si le syndicat étudiant était aux mains de l’extrême droite. Nous vivons une période instable. Nous devons faire attention à ne pas créer de situations conflictuelles. »

Alexis Couniniotis, Vice-Président de JLR-GE

Alexis Couniniotis est un ancien membre du comité du Geneva Debate Club, l’une des nombreuses associations de l’Unige. « Le CUAE, par son rôle d’organisation faîtière, a défendu les intérêts du Geneva Debate Club et je suis sûr qu’il les défend toujours. Mais là n’est pas le problème. Le CUAE profite clairement de sa position dominante pour diffuser ses idées politiques et ce n’est pas le rôle d’une organisation faîtière. C’est inacceptable. »

« Qui peut accepter de recevoir 30 000 francs pour un programme ouvertement politique ? »

Alexis Couniniotis, Vice-Président de JLR-GE

Le vice-président des JLR genevois garde un mauvais souvenir de l’occupation de la cafétéria de l’Unige par la CUAE pendant deux semaines en 2021 (un fait rappelé dans la dernière édition de l’agenda controversé). Le syndicat étudiant réclamait des repas à 3 francs. «Je n’ai pas apprécié la méthode utilisée, l’occupation. L’exploitant de la cafétéria, un particulier, a perdu une grande partie de son chiffre d’affaires. A la fin de l’occupation, il a cédé sa place à un autre exploitant.»

« J’ai trouvé cette situation complètement injuste. Une remise en cause de l’enveloppe accordée au CUAE, qui emploie du personnel permanent avec cet argent, aurait été justifiée à l’époque, comme c’est le cas aujourd’hui. »

Alexis Couniniotis, Vice-Président de JLR-GE

Pour Alexis Couniniotis, « il est regrettable que le rectorat ait attendu si longtemps avant d’agir ». Désormais, ajoute-t-il, « il est sans doute opportun que les élus du Grand Conseil prennent les choses en main pour mettre un terme à cette situation absurde ». Le PLR ​​et l’UDC aiguisent leurs armes législatives – la droite est majoritaire au parlement cantonal.

« Non à la dissolution de la CUAE »

Le président du Parti socialiste genevois, Thomas Wengermembre du Grand Conseil, s’oppose à la dissolution du CUAE :

« L’esprit révolutionnaire a toujours été dans les gènes d’un syndicat étudiant, dont le rôle est de faire bouger les choses. Il ne faut pas se plier aux injonctions des partis réactionnaires qui voudraient museler le CUAE. »

Thomas Wenger, président du Parti socialiste genevois

Cependant, la note « Du fleuve à la mer » et celle relative au triple détournement d’avions par le FPLP, sont des « erreurs »déclare Thomas Wenger.

« Ces références n’auraient pas dû figurer à l’ordre du jour. Il est important qu’un représentant du rectorat exerce un droit de regard sur l’ordre du jour annuel du CUAE avant de l’imprimer à l’avenir, afin que ce genre de chose ne se reproduise plus. »

Thomas Wenger, président du Parti socialiste genevois

« Manque de vigilance »

Selon le Tribune de Genève du 17 septembre, qui cite un ancien représentant du rectorat à la commission des impôts, celle qui décide de l’attribution des subventions, dont les 30 000 francs à la CUAE pour la mise en œuvre de son agenda, “il y a eu un manque de vigilance” de la part de l’Université – cette dernière le dément.

Et si, un jour, l’extrême droiteet ce n’est plus l’extrême gauche qui détient le syndicat étudiant de l’Unige ? Thomas Wenger :

« Je ne demanderais pas non plus sa dissolution, mais les mêmes garanties devraient s’appliquer, ainsi que bien sûr les lois garantissant les droits fondamentaux, en particulier la non-discrimination. »

Thomas Wenger, président du Parti socialiste genevois

Il existe peut-être une autre solution : le syndicat étudiant devrait cesser de se comporter comme un parti unique.

 
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