Tout a si bien commencé. L’accueil à l’aéroport et dans la demi-douzaine de villages que nous avons parcourus à toute vitesse. Partout, des cris de joie, des chants et des appels à l’aide face à l’ampleur du désastre. A Mayotte, Marine Le Pen jouit d’une popularité indéniable. Tout le contraire d’Emmanuel Macron, chahuté deux semaines plus tôt.
“C’est notre présidente, c’est elle qui va nous sauver !” » » dit un spectateur en descendant de l’avion. Le RN avait toutefois demandé de limiter le comité d’accueil au strict minimum compte tenu de la gravité de la situation. Mais sur l’île, l’arrivée de Marine Le Pen sonne comme une parenthèse inattendue. Dans chaque commune, son arrivée crée du attroupement. Les mamas affluent, souvent voilées et vêtues de leur salouva, ces longues robes colorées à fleurs jaunes, la robe traditionnelle mahoraise. Ils la serrent dans leurs bras, l’embrassent comme une sœur qu’ils n’ont pas vue depuis trop longtemps, lui donnent “Tata” au milieu de tôles détruites et de brasiers de déchets encore fumants.
A 8 000 kilomètres d’Hénin-Beaumont, où elle a été réélue députée dès le premier tour en 2024, Marine Le Pen a fait de Mayotte son deuxième fief : 59 % des voix au second tour de la dernière présidentielle, 52 % pour Jordan Bardella aux européennes. La domination est écrasante, résultat d’une décennie de politique sur un archipel qui concentre toutes les difficultés.
Immigration et priorité nationale
A Mayotte, où la moitié de la population est étrangère, son discours anti-immigration rencontre un écho plus que favorable. « Si l’on n’admet pas qu’il n’y a pas 320 000 habitants sur l’île, il est évident que les politiques mises en œuvre ne sont pas adaptées. Tout le monde vous dit qu’il y a au moins 500 000 personnes. »proteste-t-elle, tout en avouant craindre « perdre la guerre démographique » dirigé par Azali Assoumani (le président comorien). En 2018, son groupe a déposé à l’Assemblée un projet de loi visant à abolir le droit foncier, l’aide juridique aux étrangers et à rendre impossible les demandes d’asile sur l’île. Autant de mesures en partie approuvées aujourd’hui au plus haut sommet de l’Etat, et dont elle revendique la paternité.
Dans chaque commune, son arrivée crée du attroupement. Une pause inattendue
Ici comme en métropole, le triple candidat à la présidentielle joue la carte de la priorité nationale. « Les gens ont l’impression qu’on parle beaucoup d’aide, mais ils n’ont vu personne. Quand on a le même discours dans quatre ou cinq villages, ça veut dire que le ressenti correspond à la réalité. C’est peut-être parce que les regards se tournent ailleurs.pense Marine Le Pen. En ligne de mire, les efforts de l’Etat, qui ne se concentreraient qu’autour de Mamoudzou, la capitale de l’archipel, où se regroupe la majorité des populations issues de l’immigration clandestine.
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A Mayotte, le député du Pas-de-Calais profite enfin du ressentiment des habitants face aux engagements non tenus d’Emmanuel Macron : l’extension de la piste d’atterrissage de Dzaoudzi, déjà promise par Jacques Chirac, n’a jamais été vue lumière du jour. Tout comme la construction d’un deuxième hôpital et du port en eau profonde. « Communication pure »agace l’entourage de Marine Le Pen. En dix ans, il est passé de 2 % à près de 60 % des voix. « À l’étranger, c’est 4 % du corps électoralaccueille un conseiller. C’est ce qui a placé Chirac devant Balladur en 1995.» De plus, sa popularité dans un pays africain à majorité musulmane sonne comme un argument de poids pour écarter les accusations de xénophobie héritées de son père.
“Je suis désolé”
Le 7 janvier, Paris commémore dans le froid le dixième anniversaire de l’attentat terroriste de Charlie Hebdo et Hyper Cacher. Sous le soleil mahorais, Marine Le Pen embarque à 9h30 sur l’une des péniches qui l’emmène en dix minutes à Petite Terre, où se trouve l’aéroport. La traversée s’avère cahoteuse. Le capitaine entre en collision avec un autre bateau circulant en sens inverse. Marine Le Pen est ébranlée. Mais plus de peur que de mal. Un zodiac de la police des frontières est néanmoins affrété pour transporter la délégation vers le continent.
A Dzaoudzi, Marine Le Pen prend place à bord du vol Air Austral UU979 et active le mode avion sur son téléphone. Une escale technique est prévue deux heures plus tard à Nairobi (Kenya) pour faire le plein et changer d’équipage. Impossible de sortir de l’appareil ou d’accéder au réseau, sous peine de voir votre facture monter en flèche. Sur le tarmac de la capitale kenyane, c’est un petit groupe de journalistes qui a appris la nouvelle en premier. En accédant avec succès au wifi, la presse a reçu à 12h57 le message urgent de l’Agence France Presse : « Jean-Marie Le Pen est mort (famille à l’AFP). » Stupeur au sein de la délégation. Marine Le Pen est à l’avant de l’avion, en classe affaires, et ne semble pas le savoir. A ses côtés, Louis Aliot, écouteurs aux oreilles, continue de regarder son film.
Présent à bord, JDNews transmet l’information à l’attachée de presse du RN, qui se rend compte de l’intensité de la situation. C’est lui qui, avec une dépêche en soutien, traverse l’avion pour prévenir le principal concerné. “Je suis désolé”lui dit-il sobrement. Marine Le Pen a du mal à comprendre, se lève et demande au pilote du réseau de contacter sa sœur. Au téléphone, Marie-Caroline Le Pen confirme la nouvelle, volontairement officialisée avant que Marine Le Pen ne débarque à Paris pour éviter des fuites. Elle passera les neuf heures de vol vers Roissy sans réseau, avant de quitter l’avion en premier, sans faire de déclaration à la presse.
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