C’est à l’hémicycle Younoussa Bamana que les acteurs de l’environnement se sont réunis la semaine dernière pour une première réunion Post-Chido. ” On peut dire que c’était une bonne première rencontre », confirme Florent Forestier, administrateur de la Fédération mahoraise des associations environnementales (FMAE), président de Yes We Can Nette et secrétaire général de Mayotte Nature Environnement.
« Il faut désormais dépasser les conflits d’intérêts entre les différentes structures qui veulent toutes avoir le leadership environnemental et être à la hauteur.. » Et la situation est critique. Avant même les récentes catastrophes, Mayotte était déjà confrontée à des défis environnementaux majeurs : gestion des déchets, déforestation, érosion, manque de moyens pour protéger les écosystèmes. ” Les tempêtes ont accéléré l’effondrement d’un équilibre déjà fragile », poursuit la présidente de Yes We Can Nette. ” Les cultures vivrières ont été détruites, aggravant l’insécurité alimentaire. La nature et les humains sont indissociables. Si l’un s’effondre, l’autre suit… Mais aujourd’hui, les arbres à pain, les bananiers… tout a été balayé. Il n’y a plus rien pour nourrir les familles », prévient-il. Cette détérioration rapide des conditions de vie souligne l’urgence de repenser les pratiques agricoles et de restaurer les écosystèmes.
Dans ces crises multiples, celui qui se présente avec sa triple casquette, alerte : « La première priorité est de nourrir les gens. Cependant, malgré les annonces d’aides, leur distribution reste bloquée. Les associations ne peuvent recevoir de dons sans l’accord des autorités. C’est absurde. Pendant ce temps, les gens ont faim. » Face à cette situation, un plan d’action complet sera soumis aux sénateurs et aux ministères d’ici la fin de la semaine. ” Il faut débloquer l’aide alimentaire et surtout permettre aux structures habituées au terrain d’agir rapidement dans les zones isolées. », insiste-t-il. ” Sinon, nous risquons des émeutes de la faim. »
Oui, nous pouvons Nette au front
Face à cette urgence, l’association éco-solidaire Yes We Can Nette s’est mobilisée dès les premières heures. ” Nous faisons le maximum avec nos moyens. Actuellement, nous distribuons chaque jour une aide alimentaire à plus de 200 personnes grâce à une équipe de 25 bénévoles, 8 services civiques et 5 salariés. », précise le président de l’association Florent Forestier.
L’association, née en 2016, lutte contre la prolifération des déchets, sensibilise à l’environnement, met en œuvre des actions de solidarité alimentaire et a également mis en place un vaste programme de nettoyage des zones sinistrées. ” Nous avons intensifié nos opérations de nettoyage des rivières et des quartiers touchés par les intempéries. Les déchets s’accumulent et les risques sanitaires augmentent. On voit des mélanges dangereux de carcasses d’animaux et de batteries qui polluent les sols et la lagune. Il est prioritaire d’agir rapidement. »
Yes We Can Nette a également lancé des programmes de sensibilisation à destination des jeunes et des habitants. ” Nous organisons des ateliers de sensibilisation à la gestion des déchets, à la préservation des mangroves et des récifs coralliens. Ces écosystèmes sont essentiels à la résilience de notre territoire face aux tempêtes. » Malgré ces efforts, les besoins sont immenses. ” Nous devrions quadrupler nos capacités. Nous ne pourrons pas tenir sans un soutien massif. Nous sommes prêts, mais nous avons besoin de moyens. Nous avons besoin de financement pour acheter du matériel de nettoyage, des semences pour les agriculteurs et des produits de première nécessité pour les familles.. »
Pour la décentralisation des décisions
Florent Forestier défend une gestion locale de crise. La pression sur l’environnement est extrême. ” Nous créons des montagnes de déchets, des mélanges toxiques qui s’infiltrent dans les sols et polluent la lagune. », prévient Florent Forestier. Les associations, notamment Oui, nous pouvons NetteLes initiatives se multiplient : nettoyage des rivières, surveillance des décharges sauvages, alertes sanitaires. ” Si rien n’est fait, une catastrophe écologique et sanitaire nous attend. »
La déforestation aggrave la situation. ” Les cyclones deviennent de plus en plus violents, et sans couverture végétale, les sols se dégradent. L’agriculture locale est à genoux. Il faut replanter intelligemment pour protéger les terres et la biodiversité. Les décisions doivent être prises ici, avec ceux qui connaissent les réalités du terrain. » Le plan d’action qui sera soumis aux sénateurs comprend des mesures concrètes : renforcement de l’aide alimentaire, relance d’une agriculture durable, gestion des déchets et restauration des écosystèmes.
« Les acteurs locaux de l’environnement sont prêts : il faut simplement arrêter ce système de décision verticale dans la gestion des territoires d’outre-mer. Ce plan est un appel à l’État : débloquer les budgets, faire confiance aux acteurs locaux. Nous savons quoi faire, mais nous avons besoin de moyens pour agir. Ce modèle centralisé, qui impose des décisions depuis Paris sans réelle connaissance du terrain, ralentit la réactivité et l’efficacité des interventions. »
Lors de la réunion du 9 décembre, les principaux acteurs environnementaux de Mayotte se sont réunis sous la houlette de la FMAE pour organiser une réponse efficace. ” L’idée est que chacun prenne en main ce qu’il connaît le mieux : la forêt, les tortues, les déchets. Nous ne pouvons plus travailler en silos », conclut Florent Forestier. Des groupes de travail thématiques ont ainsi été créés pour renforcer la coordination. Ces équipes devraient se mettre en ordre de bataille dans les semaines à venir et seront donc à surveiller.
Abby Saïd Adinani
