Dans un rapport publié ce mardi, l’institution estime par ailleurs le coût de construction de six réacteurs EPR 2 à 79,9 milliards d’euros.
Le nucléaire très cher. Tel pourrait être le titre du rapport de la Cour des comptes sur la filière nucléaire française, rendu public ce mardi. L’institution évoque à la fois les surcoûts du site EPR de Flamanville, entré en production le 21 décembre avec douze ans de retard par rapport au calendrier prévisionnel, et le chiffrage de la nouvelle centrale nucléaire française (NNF) relatif à la construction de six EPR 2. préoccupés par la rentabilité de ces projets coûteux.
En effet, la Cour, sur la base des estimations d’EDF, estime le coût total de construction de l’EPR de Flamanville à 23,7 milliards d’euros, bien loin des 3,3 milliards prévus en 2007. L’inflation à elle seule ne justifie pas cette augmentation. Cette somme, exprimée en 2023 euros, est un peu plus qu’une simple actualisation de la précédente estimation, établie en 2020 à 19,1 milliards en 2015 euros. Entre temps, l’inflation a été au rendez-vous, ainsi que l’allongement du chantier, avec une double conséquence. Le coût de la construction est passé de 12,4 milliards à 13,2 milliards, celui du financement est passé à 4,2 milliards. La Cour ajoute également l’impact de la préparation du premier arrêt de la centrale, celui-ci présentant une particularité, puisqu’il sera également l’occasion de remplacer le couvercle de la cuve, conformément à une demande de l’Autorité de sûreté nucléaire.
La contrepartie de cette envolée des coûts concerne la rentabilité prévisionnelle de Flamanville 3. Pour atteindre une rentabilité de 4%, il faudrait un prix de vente de plus de 122 euros le mégawattheure, voire 176 euros pour une rentabilité de 7%, estime la Cour. Soit un prix très nettement supérieur au prix objectif fixé par l’accord signé entre l’État et EDF en novembre 2023 à 70 euros par MWh en moyenne, après 2025, c’est-à-dire lorsque le système d’accès régulera l’électricité nucléaire historique. (Arenh) sortira. EDF a refusé de fournir des chiffres, expliquant que « les principaux enjeux du projet étaient de maintenir les compétences de la filière nucléaire française et de préparer le déploiement de la technologie EPR en France et dans le monde ». De plus, EDF prend en compte la rentabilité globale de son parc et non celle de chacun de ses réacteurs. Mais sans Flamanville 3, ni les EPR en construction au Royaume-Uni n’auraient pu voir le jour, ni le programme de six EPR2 en France.
Une forte augmentation des coûts
EDF mise sur l’expérience acquise avec son 57ème réacteur pour optimiser la construction des suivants, annoncée par Emmanuel Macron dans son discours de Belfort en février 2022. Mais avant même que la décision d’investissement ne soit prise, la question du chiffrage de ce gigantesque chantier. “Le coût de construction au jour le jour (hors coût du capital, ndlr) de trois paires d’EPR2 est passé de 51,7 milliards à 67,4 milliards d’euros en 2020 (soit 79,9 milliards d’euros en 2023, avec l’inflation), soit une hausse de 30% à taux inchangé. conditions économiques et excluant l’effet de l’inflation »note la Cour dans son rapport.
Dans le détail, 8,7 milliards seraient alloués au développement de ce nouveau programme, a précisé « EPR 2 étage »23,6 milliards pour la construction de deux réacteurs à Penly – les premiers de la série – puis 18,1 milliards pour ceux de Gravelines et 16,9 milliards au Bugey. Cette réduction des coûts s’explique par la mise à profit de l’expérience acquise, de la standardisation et de l’industrialisation des processus de production, permettant une planification plus rapide de la production à Gravelines et au Bugey.
Un planning à optimiserr
EDF, qui ne commente pas le rapport, travaille toujours à l’optimisation de sa planification, dernière étape avant d’espérer obtenir un financement du gouvernement. Maîtriser la durée des chantiers est une condition nécessaire au respect des budgets engagés. Comme pour toute construction, plus les travaux durent, plus la facture est élevée.
Mais EDF ne confirme ni n’infirme les calculs de la Cour, alors que le groupe travaille en parallèle sur les dimensions du programme, la conception, les achats, les délais de réalisation et le financement. La compétitivité de l’EPR 2 dépendra en partie du plan de financement qui sera fixé dans les prochaines semaines et qui nécessitera l’accord de la Commission européenne. Une étape clé, mais avec près d’un an de retard sur les objectifs initialement fixés, revient aux services de Pierre Moscovici.
« Le programme EPR2 reste marqué par un retard de conception, un manque de devis réalisés et un plan de financement incertain »ils décident. La Cour recommande donc « suspendre la décision finale d’investissement du programme EPR2 jusqu’à ce que son financement soit assuré et que les études de conception détaillée aient progressé ».
EDF produit également “en série” de ses réacteurs un élément essentiel à la réussite de son programme. Pour ce faire, le groupe compte certes sur le programme français, mais aussi sur des contrats à l’export. “Les perspectives de développement contribuent directement à la compétitivité du programme et apportent des bénéfices pour la construction en série.», informe EDF. Toutefois, la Cour recommande « définir, avant d’entreprendre des projets internationaux, leurs niveaux de risque et de rentabilité attendue ainsi que leurs conditions de financement et les respecter ».
Cette position, pour le moins prudente, est paradoxale. Dans le même rapport, la Cour constate que l’absence de décision définitive d’investissement en France freine les engagements des principaux fournisseurs d’EDF pour la construction de centrales ! Cependant, la préparation et la robustesse du tissu industriel français sont essentielles à la réussite du “NNF”. Tout comme il faut former les futurs techniciens et ingénieurs du secteur et assurer son attractivité. Pour cela, il faut de la visibilité. La période politique n’aide pas.