« Nous nous préparons à une épreuve difficile pour les entreprises en 2025 »

« Nous nous préparons à une épreuve difficile pour les entreprises en 2025 »
« Nous nous préparons à une épreuve difficile pour les entreprises en 2025 »

Par

Mathilde Carnet

Publié le

8 janvier 2025 à 17h00

On constate depuis plusieurs mois que les entreprises souffrent, les liquidations judiciaires se multiplient. Quelle est la situation dans l’Eure ?

Deux secteurs sont principalement touchés : la construction et le commerce. C’est là que le pouvoir d’achat des ménages a diminué avec l’inflation. Depuis environ un an, nous avons des inquiétudes de la part des chefs d’entreprise sur un double effet : un effet ciseau où le panier moyen baisse, le chiffre d’affaires est en difficulté, et une hausse des prix des matières premières, des coûts d’approvisionnement, des charges. On a une diminution des recettes et une augmentation des dépenses qui finissent par se croiser. Les chefs d’entreprise voient leur trésorerie s’amenuiser, ce qui les conduit au dépôt de bilan.

La construction et le commerce local en danger

L’Eure est-elle particulièrement touchée, par rapport au reste de la Normandie et de la ?

Ainsi, paradoxalement, la construction est moins touchée qu’ailleurs. En cas de baisse des commandes locales, notamment dans l’est de l’Eure, les entreprises artisanales ou les petites entreprises du bâtiment peuvent chercher des marchés en région parisienne. Ils ont des tarifs moins élevés, donc ils parviennent à être moins chers. Ce n’est pas le cas des commerçants, qui dépendent davantage de la demande locale. On a beaucoup de chefs d’entreprise qui nous disent : « Je termine l’année, puis j’arrête. »

Les clients consomment différemment

Ce qui est surprenant, c’est que, dans les centres-villes, même des commerces historiques, comme les librairies du Neubourg et du Grand Bourgtheroulde, ou des commerces essentiels comme la boulangerie du Bosc-du-Theil, sont en grande difficulté.

Ce sont des effets cycliques. Par exemple, pour les boulangeries, on a l’évolution des modes de consommation. Les clients souhaitent des produits plus diversifiés, un large display… Cela a amené les franchiseurs à se développer. Deuxième chose : nous voulons du vite. Achetez sur le chemin du travail, plutôt que de vous rendre au centre-ville ou dans le quartier. Nous avons donc un mouvement de points de vente. Cela a conduit à l’émergence de nouveaux types de boulangers franchisés, qui ont la capacité financière d’investir. Ils viennent proposer des produits semi-industriels assez constants, avec des prix plus accessibles. Le marché s’est déplacé vers eux et les boulangeries traditionnelles et artisanales sont donc en grande difficulté. Là encore, ce sont des niches que recherchent la grande distribution.

Fin des aides Covid et de l’inflation

Voyez-vous un risque dans les mois ou années à venir pour le commerce local ?

Globalement, nous sommes revenus au niveau d’échec de 2019, ce qui était normal. A savoir, en 2024, 113 liquidations au premier trimestre et 104 au deuxième trimestre. En revanche, en 2020, 2021, 2022 et 2023, il y avait ce que l’on appelait des « entreprises zombies ». Le fait d’avoir proposé un prêt garanti par l’État pendant la crise de Covid a maintenu les entreprises sous assistance respiratoire. Nous avions perdu l’habitude de voir autant d’échecs.

Nous n’avons eu aucune fermeture depuis près de trois ans. Et là ça recommence, donc ça se voit. À cela s’ajoute une situation économique difficile. Il faut ajouter l’inflation. Les commerces de moins de 300 m² sont les plus fragiles, fragilisés par la concurrence de la grande distribution. Ce sont eux qui ont les loyers les plus élevés, les charges les plus élevées.

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Laurent Lesimple travaille à la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Porte de Normandie. ©Laurent Lesimple

Formation pour chefs d’entreprise

Au contraire, y a-t-il des traders qui se portent particulièrement bien durant cette période ?

Le e-commerce a eu un fort impact sur l’offre non alimentaire des grands centres commerciaux périphériques. Il y a 10 ou 15 ans, les gens allaient à Tourville le samedi, ils emmenaient les enfants, mangeaient chez McDonald’s. C’était une sortie. Avec l’essor du e-commerce, les gens n’y vont plus. Ainsi, la sortie redevient, pourquoi pas, le centre-ville. C’est pourquoi nous déployons un gros effort de la part des collectivités pour réaménager les centres-villes en destinations. Mais derrière, si c’est une destination, cela change aussi le profil des entreprises. Sortir pour le plaisir de sortir : restaurants, loisirs, etc. Et puis, tout ce qui est de seconde main ou local. On a affaire à des concepts qu’on ne va pas forcément trouver sur Amazon, ni dans la grande distribution : des commerces qui ont une identité.

Face à ce constat, la CCI aide-t-elle les commerçants et les entrepreneurs ?

Oui, nous aidons les porteurs de projets à être plus efficaces financièrement. Pour les entreprises existantes, nous les accompagnons dans la recherche de nouvelles typologies de clients et également dans l’accélération de leur transformation. Nous avons développé des offres spécifiquement destinées aux commerçants pour travailler la transition numérique. Mais souvent, les commerçants n’ont pas l’idée de rechercher des financements pour se former. Il y a un manque de formation.

Peut-on espérer que 2025 sera meilleure pour le commerce et l’industrie ?

Pas vraiment… Fin 2024, on a encore une accélération au troisième trimestre, en termes de dépôts de bilan. Nous nous préparons à une épreuve très dure pour les entreprises en 2025.

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