La Vallée de Joux s’accroche à ses métiers horlogers

La Vallée de Joux s’accroche à ses métiers horlogers
La Vallée de Joux s’accroche à ses métiers horlogers

Mais pour l’instant, l’industrie se porte toujours bien. La Convention patronale de l’industrie horlogère suisse a publié mercredi le nombre d’emplois, qui s’élevait à 65’000 fin septembre. Un niveau qui n’avait plus été atteint depuis la crise du quartz, il y a une cinquantaine d’années. Ludovic Voillat, secrétaire général, prévient cependant : « Ce chiffre ne reflète pas la situation générale. » D’autant moins que sur le terrain, la nervosité s’est clairement propagée aux marques, moteurs de l’industrie.

Les emplois temporaires sont massivement supprimés

Le sujet est sensible. Il touche l’image et tout est fait pour écarter les messages négatifs. En clair, les grands employeurs, principalement les groupes, ne communiquent pas. Mais en coulisses, tout est connu et la configuration actuelle est potentiellement explosive. Noé Pelet, spécialiste horloger au syndicat Unia, décrit en trois lignes ce qu’il constate dans la Vallée de Joux, région vaudoise particulièrement touchée: «On sent une tension. Les intérimaires ont été remerciés en masse. La réduction du temps de travail est largement étendue.»

La Vallée de Joux est justement un point chaud en début d’année. L’horlogerie y occupe une place clé, représentant près de 75 % des quelque 8 000 emplois. Avec la particularité d’une forte présence de frontaliers, qui représentent près de 65% des salariés, soit entre 4700 et 4800. Leur recensement est effectué mensuellement et constitue un indicateur précieux. Laurent Reymondin, directeur de l’Association pour le développement des activités économiques de la Vallée de Joux (Adaev), constate qu’après « une baisse raisonnable à la fin de l’été », de l’ordre de 150 postes, le nombre de postes frontaliers Les travailleurs se sont « stabilisés ». Un indicateur de confiance, selon lui : « En 2025, tout le monde reculera. L’incertitude, c’est 2026. »

Les marques haut de gamme sont également concernées

Un signe plus inquiétant et encore difficile à percevoir est la nervosité des marques. Car plusieurs maisons, encore préservées jusqu’à présent du fait de leur positionnement haut de gamme, sont touchées de plein fouet.

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La manufacture Jaeger-LeCoultre, basée au Sentier, suscite actuellement de nombreuses inquiétudes. C’est l’un des employeurs majeurs de la Vallée de Joux, avec près d’un millier d’emplois et l’ensemble de l’entreprise est concernée par le RHT. L’usine, propriété du groupe de luxe genevois Richemont, est fermée deux jours par semaine et tous les salariés ne sont pas présents les jours d’ouverture. La direction de Jaeger-LeCoultre, contactée par Temps à plusieurs reprises, n’a pas répondu.

Au sein de Richemont, la seule maison qui ferait actuellement exception serait Vacheron Constantin, dont la production est en partie réalisée depuis la Vallée de Joux et qui est reconnue pour avoir mené une stratégie de croissance raisonnable ces dernières années. En revanche, d’autres marques Richemont seraient en difficulté. Deux noms circulent : IWC à Schaffhouse et Panerai à Neuchâtel. Interrogée sur d’éventuelles mesures de réduction des horaires de travail ou des effectifs, la direction d’IWC n’a pas répondu. Chez Panerai, nous reconnaissons que certains postes, temporaires notamment, n’ont pas été renouvelés, mais il n’y a pas eu de licenciements économiques, ni à l’usine, ni au siège, ni sur les marchés. L’entreprise compte près de 260 collaborateurs en Suisse et près de 700 dans le monde.

La direction du groupe Richemont, contestée par Tempsn’a pas pris position : « Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre à ce type de questions étant donné que nous sommes actuellement en période fermée à l’approche de l’annonce de nos résultats financiers le 16 janvier. »

Chômage technique assumé sans aide de l’Etat

Toujours dans la Vallée de Joux, deux marques du Swatch Group sont souvent évoquées et inquiètent les proches de l’industrie. Il s’agit des maisons Breguet et Blancpain, qui comptent à elles deux près de 1 200 salariés. Des questions pèsent notamment sur Breguet, dont le personnel est au chômage technique depuis l’été dernier, mais sans données vérifiables, le groupe assumant cette situation sans passer par le RHT. La direction du groupe a confirmé ce point par email : « Aucune mesure de ce type [RHT ou toute autre forme de réduction d’effectifs, ndlr] n’a pas été prise et n’est pas actuellement envisagée au sein du Groupe.

Audemars Piguet constitue l’exception locale. L’usine de Brassus bénéficie toujours d’une tendance prometteuse, comme l’a confirmé la présidente exécutive, Ilaria Resta, dans un entretien avec Temps courant décembre. Cependant, les premiers signes d’une stabilisation apparaissent.

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Si l’on quitte la Vallée de Joux, le climat apparaît également contrasté. Sans surprise, le géant Rolex confirme ne pas utiliser de RHT. Les montres Richard Mille, dont la production est basée aux Breuleux, dans les Franches-Montagnes, déclarent simplement « ne pas être concerné » par cette question. Question de taille d’entreprise, explique-t-on depuis le siège parisien, en précisant quelques données : près de 220 salariés de production en Suisse, quelque 25 à Paris, pour une production de 5’600 montres l’an dernier.

Les questions restent ouvertes du côté du français LVMH, où toute la division horlogère tourne au ralenti. Mais il n’y aura pas de position officielle, si ce n’est que LVMH a décidé « qu’aucun commentaire ne sera fait sur la mise en place du RHT ou sur le chômage », du moins en ce qui concerne TAG Heuer et Hublot.

Transparence des indépendants

Chez les indépendants, les quelques rendements obtenus sont divers. Chez Maurice Lacroix, par exemple, propriété de la société zurichoise DKSH, dont la production est à Saignelégier, dans les Franches Montagnes, la direction ne fait état d’aucune disposition particulière : la structure compte une soixantaine de salariés et « tout le monde travaille ».

Patrick Pruniaux, dirigeant et actionnaire du groupe Sowind (propriétaire des marques Girard-Perregaux et Ulysse Nardin, à La Chaux-de-Fonds) est plus transparent. L’entreprise a mis en place le RHT au printemps 2024 et confirme que les mesures seront maintenues. Cela concerne 50 collaborateurs sur les 320 employés au total en Suisse. La direction apporte quelques précisions sur l’année écoulée : « Le rythme d’activité est resté stable au second semestre 2024. Dans un marché plus complexe, les performances ne sont pas uniformes. Nous avons enregistré une tendance positive sur certains marchés, aux Etats-Unis par exemple.

Patrick Pruniaux évoque un exercice 2025 probablement similaire : « Il reste beaucoup d’inconnues, mais je ne vois pas de raison pour une dégradation par rapport à 2024. On assistera peut-être à une reprise dans la seconde partie de l’année. Sa résolution est de « rester clairement cohérent avec ce qui a été construit » et de garder « une vision à long terme pour nos marques centenaires ».

 
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