Le Pen, une marque vénéneuse

Le Pen, une marque vénéneuse
Le Pen, une marque vénéneuse

UNAvec le décès de Jean-Marie Le Pen, mardi 7 janvier, à l’âge de 96 ans, l’une des personnalités politiques les plus controversées de ces soixante-dix dernières années s’est éteinte. Tout dans le parcours de ce natif de La Trinité-sur-Mer (Morbihan), marqué jeune par la pauvreté et l’absence de père, est sujet de polémique et de scandale : son comportement pendant la guerre d’Algérie, où, selon de solides témoignages , il se livrait à la torture – pratique qu’il défendit par la suite –, à ses déclarations antisémites, à son goût pour les coups de poing, à son esprit de clan, aux conditions dans lesquelles lui, fils de marin, est devenu châtelain, à l’occasion d’une héritage controversé, installant dans le domaine de Montretout, sur les hauteurs de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) le clan Le Pen, dont l’histoire plus que mouvementée ressemble à celle des Atrides…

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Elu député en 1956, à l’âge de 27 ans, sous la bannière du parti de Pierre Poujade, engagé avec les parachutistes pour défendre l’Algérie française, dont il déplora toute sa vie la disparition, cet aventurier politique aurait pu dépérir avec la IVee République en dénonçant aussi bien de Gaulle que la gauche. Il a réussi à renaître de ses cendres sous le Veutilisant toutes les facettes de sa personnalité et les opportunités qui s’offraient à lui pour faire prospérer l’extrême droite, jusqu’à ce coup de foudre du 21 avril 2002 où, à la stupéfaction générale, son visage se révéla être celui de l’un des deux finalistes du élection présidentielle.

Un cynisme sans fard

Personnage trumpiste avant l’heure, sans filtre ni surmoi, Jean-Marie Le Pen a su pressentir avant les autres et exploiter sans vergogne les peurs qui tourmentent les classes populaires et moyennes à l’heure de la mondialisation : l’immigration et l’insécurité, le spectre du déclassement, au prix d’un cynisme sans fard, car plus il multipliait les attaques contre “le système”, plus il devenait un de ses rouages.

Son exploit est d’avoir réussi à transformer un nom en marque, au terme d’une carrière faite de coups d’éclat, de traversées du désert et de guerres fratricides (comme la lutte contre le numéro deux du FN Bruno Mégret, en 1998). ). Mais cette marque est éminemment venimeuse, tant son créateur est allé jusqu’ici dans l’antisémitisme (« Crématorium Durafour »), révisionnisme (« les chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale »), le racisme (« les Roms qui, comme les oiseaux, volent à l’état naturel »), la complaisance envers le national-socialisme (« dans le « national-socialisme », il y a le « socialisme » »).

Tous les efforts entrepris, notamment en 2015, par Marine Le Pen pour marginaliser son père et tenter de diaboliser l’héritage, au prix d’un bras de fer politique et judiciaire éreintant, n’aboutiront à rien. Même rebaptisé « Rassemblement national » au lieu de « Front national », d’orientation plus populaire et moins à droite, le parti de Marine Le Pen reste marqué du sceau de l’extrême droite, dans l’ombre de son fondateur. Le comportement de plusieurs candidats RN lors des dernières élections législatives a montré à quel point le vernis était fragile.

Et ce ne sont pas les réactions de Jordan Bardella à la mort du patriarche qui lèveront le doute. Comme de nombreux cadres du parti, le président du RN n’a pas ressenti le besoin de pratiquer le droit d’inventaire. Il n’a pas fait le tri dans le bilan, saluant l’action d’un homme qui « a toujours servi la , défendu son identité et sa souveraineté », Dans “l’armée française en Indochine et en Algérie”. Jean-Marie Le Pen est peut-être mort, mais il est toujours là.

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