Une solution suisse pour des batteries plus efficaces

Une solution suisse pour des batteries plus efficaces
Une solution suisse pour des batteries plus efficaces

Dans son laboratoire, Mario El Kazzi a développé une méthode qui transforme le trifluorométhane, un gaz nocif pour le climat, en une couche protectrice pour les batteries haute tension et augmente ainsi leurs performances.

Institut Paul Scherrer PSI/Mahir Dzambegovic

Les batteries lithium-ion sont considérées comme une technologie clé pour la décarbonation. Partout dans le monde, les scientifiques travaillent donc à améliorer continuellement leurs performances, notamment en augmentant leur densité énergétique. «Une façon d’y parvenir est d’augmenter la tension de service», explique Mario El Kazzi du Centre des sciences de l’énergie et de l’environnement de l’Institut Paul Scherrer PSI d’Argovie. Si la tension augmente, la densité énergétique augmente également.

Mais il y a un problème : des tensions de fonctionnement supérieures à 4,3 volts induisent d’importants processus de dégradation chimique et électrochimique à la jonction de la cathode (pôle positif) et de l’électrolyte (milieu conducteur). La surface des matériaux cathodiques est fortement endommagée par la libération d’oxygène, la dissolution des métaux de transition et la reconstruction structurelle, ce qui entraîne une augmentation continue de la résistance des cellules et une diminution de la capacité. C’est pourquoi les cellules de batterie commerciales, comme celles des voitures électriques, ne fonctionnent actuellement qu’avec une tension maximale de 4,3 volts.

Une couche pour protéger la cathode

Pour résoudre ce problème, Mario El Kazzi et son équipe ont développé une nouvelle méthode qui stabilise la surface de la cathode en la recouvrant d’une fine couche protectrice uniforme. Les scientifiques rapportent leur découverte dans une étude publiée dans la revue spécialisée « ChemSusChem ».

Le processus est centré sur un gaz qui se forme comme sous-produit lors de la production de plastiques tels que le PTFE, le PVDF et la mousse plastique : le trifluorométhane, dont la formule chimique est CHF3. Dans leur laboratoire, Mario El Kazzi et son équipe ont induit, à une température de 300°C, une réaction entre CHF3 et la fine couche de carbonate de lithium qui recouvre la cathode. Le lithium se transforme ensuite en fluorure de lithium (LiF) au niveau de la couche limite. Fait important : les atomes de lithium dans le matériau cathodique restent sous forme d’ions, c’est-à-dire de particules chargées positivement. Ces ions lithium doivent en effet pouvoir continuer à se déplacer entre la cathode et l’anode (pôle négatif) lors de la charge et de la décharge, afin que la capacité de l’accumulateur ne soit pas réduite lors de son utilisation ultérieure.

Tensions de 4,5 et 4,8 volts

Dans l’étape suivante, les scientifiques ont vérifié l’efficacité de la couche protectrice en effectuant des tests électrochimiques à des tensions de fonctionnement élevées. Le résultat était satisfaisant : la couche de protection restait stable même à des tensions de fonctionnement élevées. Il protégeait si bien le matériau de la cathode que des tensions de fonctionnement de 4,5 volts et même de 4,8 volts étaient possibles.

Par rapport aux batteries dont les cathodes n’étaient pas protégées, celles équipées du revêtement ont obtenu de bien meilleurs résultats sur tous les paramètres. Ainsi, après 100 cycles de charge et décharge, l’impédance, c’est-à-dire la résistance des ions lithium à l’interface cathodique, était environ 30% inférieure à celle des batteries dont la cathode n n’avait pas été traitée. “Cela indique clairement que notre couche protectrice atténue l’augmentation de la résistance due aux réactions qui se produisent normalement au niveau des interfaces”, explique Mario El Kazzi.

Le maintien de la capacité a également été comparé. Cette expression désigne la quantité d’ions lithium qui peut encore migrer de la cathode vers l’anode après un certain nombre de cycles de charge et de décharge. Plus cette valeur est proche de 100 %, plus la baisse de capacité est faible. Cependant, là aussi, la batterie avec revêtement cathodique s’est révélée supérieure lors des tests : la rétention de capacité était de 94 % après 100 cycles de charge et de décharge, sans ralentir la vitesse de charge, alors que la batterie non traitée n’atteignait que 80 %.

De nombreuses applications

Le procédé de revêtement développé au PSI ouvre de nouvelles possibilités pour augmenter la densité énergétique de différents types de batteries : « On peut supposer que notre couche protectrice au fluorure de lithium (LiF) est universellement applicable à la plupart des matériaux cathodiques, souligne Mario El Kazzi. Il fonctionne également avec des batteries haute tension riches en nickel et en lithium, par exemple. »

Les batteries lithium-ion se trouvent dans les téléphones mobiles, les ordinateurs portables, les outils électriques, les voitures électriques et les systèmes de stockage d’énergie stationnaires. Ces accumulateurs polyvalents de notre quotidien sont ainsi appelés car ce sont des ions lithium qui migrent d’une électrode à l’autre lors de la charge et de la décharge. Ce faisant, ces ions traversent l’électrolyte liquide et le séparateur qui sépare les électrodes. Si l’anode est le plus souvent composée de graphite ou de silicium, la cathode présente des compositions chimiques très diverses. Si elle est composée, par exemple, de nickel, de cobalt et de manganèse en plus du lithium, on parle alors de batterie NCM. Si la cathode est au lithium fer phosphate, il s’agit d’une batterie LFP.

Un gaz nocif transformé en matière utile

Autre aspect important de cette nouvelle méthode : le trifluorométhane est un puissant gaz à effet de serre et plus de 10 000 fois plus nocif pour le climat que le dioxyde de carbone. Il ne faut donc en aucun cas le retrouver dans l’atmosphère. Pour Mario El Kazzi, sa conversion en une fine couche uniforme de LiF apposée à la surface des matériaux cathodiques représente une solution efficace pour monétiser ce gaz en l’intégrant dans une économie circulaire. Le nouveau procédé de revêtement permet au CHF3 d’être recyclé et fixé de manière permanente comme couche protectrice dans les cathodes haute tension.

 
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